dimanche 27 février 2011

C’est un pays de montagne tout à fait banal


« C’est un pays de montagne tout à fait banal par rapport au Buckinghamshire. »
Cette phrase, je n’y avais d’abord pas fait attention. Ça s’installe sans bruit. Comme un chat près de vous. Vous vous apercevez de sa présence, il est là depuis de longues minutes.
Je ne me souviens jamais des phrases. Je suis incapable de citer les auteurs que je préfère. Aussi l’installation en moi de « C’est un pays de montagne tout à fait banal par rapport au Buckinghamshire » constitue un mystère. Elle s’est signalée à mon attention lors d’un séjour à la montagne. C’était l’été sur le plateau du Vercors, lorsque cette réflexion me vint : « C’est un pays de montagne tout à fait banal par rapport au Buckinghamshire. »
D’où vient cette phrase ? Pensais-je réellement que le Vercors est moins beau que le Buckinghamshire, et pourquoi ?
Incapable d’expliquer cette citation, qui avait fusé impulsivement, comme ces paroles que certains malades ne peuvent réprimer, je tentai de me souvenir de son origine. Je tentai de reconstituer mon parcours, afin de remonter à l’ouvrage qui contenait la phrase.
Je ne l’ai jamais trouvé.
Mais, devant tout paysage remarquable, je continue à dire : C’est un pays de montagne tout à fait banal par rapport au Buckinghamshire.

vendredi 25 février 2011

Corinne Bayle : Du Paradis, journal de Poméranie

Corinne Bayle, qui enseigne à Brest, propose une relecture rêvée des romantiques allemands. Goethe, Hölderlin, Kleist sont les modèles de ce journal de jeunesse d’une contemporaine de Werther, qui invente la peinture de paysage. « Ce que nous appelons nature est un poème enfermé dans une merveilleuse chiffrée ». La fleur est aussi l’autre nom de la beauté disparue, celle de la toute jeune Sophie, « la rose de Grüningen », qui laisse un amoureux inconsolable. Il y a du Julien Gracq dans cette capacité à faire ressentir l’exaltation des premiers romantiques, en quête d’une « forme poétique du monde ».
Daniel Morvan.
Corinne Bayle : Du Paradis, journal de Poméranie (1792-1804). Aden, 160 p., 17 €.

mardi 22 février 2011

Le théâtre Graslin

Jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, Nantes s'est parfaitement passé de salle de spectacle. Cette idée apparaît avec la montée de la bourgeoisie, qui préparait la Révolution dans les têtes en mettant le culte de l'art au centre d'un quartier : ainsi naquit le théâtre Graslin, qui retrouve sa place après une importante rénovation. Dans un ouvrage publié par Joca Seria, l'historien Alain Delaval écrit le roman vrai de cette irruption de la modernité dans une ville encore médiévale. Alain Delaval souligne combien, à sa construction, le théâtre de Nantes trancha par sa modernité. Alors que nous serions tentés de n'y voir qu'un théâtre à l'italienne comme un autre. C'est l'économiste britannique Arthur Young qui, lors d'un voyage en France, constata le contraste entre l'archaïsme de la Bretagne agraire et ce qu'il découvre sur la place du théâtre à Nantes, comparant la capitale économique de la Bretagne à Londres. Le théâtre Graslin est le reflet d'un goût nouveau pour les loisirs. Jusqu'alors, le théâtre était représenté dans des lieux de fortune, comme les salles du jeu de paume. Le siècle des Lumières est une époque qui veut harmoniser le quotidien et la beauté, la musique, les sens : ce sont les idées des hommes éclairés comme Graslin, le financier qui donne son nom au théâtre. « Le coup de génie de l'architecte Mathurin Crucy (prix de Rome 1774), c'est d'avoir conçu un vestibule ouvert sur la place, conçu comme un lieu de transition entre le temple des plaisirs et la vie urbaine. À la différence des édifices antérieurs d'inspiration italienne, les théâtres de Versailles, Bordeaux, Besançon, souvent fermés sur eux-mêmes. Et, dès l'origine, il prévoit en face du théâtre une promenade, qui sera le cours Cambronne. J'ai trouvé une lettre révélatrice de Crucy, à propos de la place des Lices à Rennes, mais qui s'applique aussi à la place Graslin. Il dit : « Les hommes veulent des femmes et les femmes veulent des jeunes gens, ce n'est pas dans un grand parc qu'elles les trouveront mais dans une promenade. »
Daniel Morvan
Alain Delaval : Le Théâtre Graslin à Nantes. Éditions Joca Seria, 180 pages, 30 €.

Marcel Schwob, l'homme des Vies imaginaires

Marcel Schwob
C’était l’un des esprits les plus originaux de son temps, auteur d’une Croisade des enfants admirée de R. M. Rilke, de Vies imaginaires qui sont l’une des sources d’un autre chef d’œuvre, les Vies minuscules de Pierre Michon, ainsi que des Fictions de J. L. Borgès. Il influença aussi l’œuvre de sa célèbre nièce, la photographe surréaliste Claude Cahun, qui se fit, à son instar, « biographe de sa propre vie imaginaire ». On peut encore comparer Schwob à un autre Breton, Max Jacob, par son action de déconstructeur radical, d’homme qui fit droit aux formes et aux énergies nouvelles.
A l’occasion d’une grande exposition de la médiathèque de Nantes, les éditions Gallimard ont publié en 2005 un catalogue qui remet Schwob à sa place de fondateur admiré dans le monde entier. «L’art, disait-il, est à l’opposé des idées générales, ne décrit que l’individuel, que l’unique» : parti pris qui s’opposait au naturalisme littéraire, pour prôner l'indépendance de la littérature, qui se doit d'interroger l’énigme des existences. « L’art consiste à donner au particulier l’illusion du général », écrit-il aussi. S’il est dandy comme les auteurs fin de siècle, tel Huysmans, il n’enferme pas son écriture dans la cage dorée du délire et du fantasme.
D’ailleurs, comment le pourrait-il, ce fils de journaliste ? Marcel est le fils de Georges Schwob, directeur d’un des plus grands périodiques régionaux français, Le phare de la Loire, qu’il acheta en 1876. Georges Schwob, qui fut condisciple de Flaubert et ami de Nerval, Baudelaire, Théophile Gautier, s’était installé à Nantes, dans un appartement du cours Cambronne, en 1876. 
C’était un grand lettré et Le Phare (journal républicain et anticlérical) fut pour son fils (qui y collabore dès l’âge de onze ans, avec un compte-rendu d’Un Capitaine de quinze ans) «l’instrument privilégié qui lui permet d’assouvir un désir d’écriture reconnu et encouragé très tôt par la famille», indique Patrice Allain dans l’ouvrage. La presse fonde alors son essor sur la solidarité avec les hommes de lettres, pourtant socialement éloignés du milieu journalistique.
Marcel Schwob est un enfant surdoué, qui connaît l’allemand et l’anglais à dix ans. Il s’installe à Paris en 1882, chez son oncle Léon Cahun. Il étudie la philologie, se passionne pour Villon, et suit les cours du lycée Louis Le Grand. Après son échec à Normale, il intègre les lettres parisiennes en 1890. 
Politiquement, il se situe dans un « anarchisme littéraire ». Bien que dreyfusard, ne signera pas l’appel à défendre Zola après son J’accuse. A Nantes, les Schwob durent subir des attaques antisémites, et la nièce de Marcel, Lucy Schwob (alias Claude Cahun) se souvenait avoir été «lapidée» avec du gravier dans la cour de son école, après la parution d’une brochure sur les Juifs de Nantes.
De la capitale, Schwob continuera à donner des billets au « Phare ». Mais surtout, dans ce parcours classique du Breton (d’adoption) monté à Paris, il devient la coqueluche du tout Paris, sans céder sur son exigence littéraire. Il est ami de Willy et Colette, de Claudel, de Gide, d’Oscar Wilde… « Il a la curiosité des coins d’humanité excentriques, mystérieux, criminels », lit-on dans le Journal des Goncourt. « Je ne crois qu’aux monstres que j’ai fabriqués moi-même », dira, de même, sa nièce et réelle héritière spirituelle. Le Livre de Monelle, qui paraît en 1891, est inspiré par une prostituée dont Schwob tomba amoureux. 
C’est un portrait de femme entièrement tendue dans l’attente, salué par Maeterlinck (Monelle est sœur de cette Mélisande que magnifiera Debussy dans son opéra) et André Breton. Il publiera ensuite La Croisade des enfants et Vies imaginaires. L’œuvre de fiction de Schwob s’achève là : il continue de traduire, mais le mal inconnu qui le ronge le pousse à partir sur les traces de Stevenson, en Polynésie, et en Arabie, se dégoûte au spectacle du colonialisme français et meurt à trente-sept ans. 
Cette disparition prématurée contribuera à la relative éclipse d’une œuvre jugée décadente. En réalité, Marcel Schwob a posé les questions dont vit aujourd’hui la littérature et son œuvre n’a cessé d’influencer son siècle.

Daniel Morvan

Marcel Schwob, l’homme au masque d’or. Ouvrage collectif. Editions Le Promeneur (Gallimard)/Ville de Nantes). 206 pages, 110 illustrations, 39 euros. Lire aussi Vies imaginaires, édition de poche en Garnier Flammarion (2005), avec dossier.

lundi 3 janvier 2011

50e anniversaire de "Lola": Charlotte célèbre l'événement


21 novembre 2010 à La Cigale de Nantes.
50e anniversaire de la sortie du film "Lola" (1961), tourné en ces lieux par Jacques Demy, qui aurait eu 80 ans en 2011. Charlotte célèbre l'événement en toute simplicité. En croquant un macaron.