mardi 22 février 2011

Le théâtre Graslin

Jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, Nantes s'est parfaitement passé de salle de spectacle. Cette idée apparaît avec la montée de la bourgeoisie, qui préparait la Révolution dans les têtes en mettant le culte de l'art au centre d'un quartier : ainsi naquit le théâtre Graslin, qui retrouve sa place après une importante rénovation. Dans un ouvrage publié par Joca Seria, l'historien Alain Delaval écrit le roman vrai de cette irruption de la modernité dans une ville encore médiévale. Alain Delaval souligne combien, à sa construction, le théâtre de Nantes trancha par sa modernité. Alors que nous serions tentés de n'y voir qu'un théâtre à l'italienne comme un autre. C'est l'économiste britannique Arthur Young qui, lors d'un voyage en France, constata le contraste entre l'archaïsme de la Bretagne agraire et ce qu'il découvre sur la place du théâtre à Nantes, comparant la capitale économique de la Bretagne à Londres. Le théâtre Graslin est le reflet d'un goût nouveau pour les loisirs. Jusqu'alors, le théâtre était représenté dans des lieux de fortune, comme les salles du jeu de paume. Le siècle des Lumières est une époque qui veut harmoniser le quotidien et la beauté, la musique, les sens : ce sont les idées des hommes éclairés comme Graslin, le financier qui donne son nom au théâtre. « Le coup de génie de l'architecte Mathurin Crucy (prix de Rome 1774), c'est d'avoir conçu un vestibule ouvert sur la place, conçu comme un lieu de transition entre le temple des plaisirs et la vie urbaine. À la différence des édifices antérieurs d'inspiration italienne, les théâtres de Versailles, Bordeaux, Besançon, souvent fermés sur eux-mêmes. Et, dès l'origine, il prévoit en face du théâtre une promenade, qui sera le cours Cambronne. J'ai trouvé une lettre révélatrice de Crucy, à propos de la place des Lices à Rennes, mais qui s'applique aussi à la place Graslin. Il dit : « Les hommes veulent des femmes et les femmes veulent des jeunes gens, ce n'est pas dans un grand parc qu'elles les trouveront mais dans une promenade. »
Daniel Morvan
Alain Delaval : Le Théâtre Graslin à Nantes. Éditions Joca Seria, 180 pages, 30 €.

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