mercredi 29 mai 2013

La Traviata: les vacillements virtuoses de Mirella Bunoaica



Il devait s’appeler « Amour et mort », et fut baptisé par Verdi La femme perdue. Il fit scandale dans un XIXe siècle qui ne supportait la vérité qu’en toge grecque. Parce que son héros était une héroïne. Une professionnelle. Son nom est Traviata, synonyme d’opéra, de voix, de beauté fatale, d’escarpins. C’est aussi l’opéra le plus facile à suivre, le plus beau à entendre, le plus fascinant à voir. Celui où Verdi découvre qu’on peut, avec des voix, donner une couleur aux sentiments. On en a monté sept en France, rien que cette saison, et depuis 1853, le monde habité a pour Violetta les yeux d’Alfredo.
Mais son histoire est une vraie tragédie romantique, une histoire de « double contrainte » entre amour et raison. Et Emmanuelle Bastet (mise en scène à Angers Nantes Opéra) le montre bien en jouant les contrastes entre l’univers de la prostitution mondaine et le rêve d’amour romantique. Loin de la reconstitution muséale de l’univers « dame aux camélias » (roman-source de la Traviata), elle actualise l’œuvre en lui offrant un écrin (miroirs, paravents et ciels de roses) d’une fraîcheur irréelle : c’est pour mieux en montrer la noirceur. Si la robe ballerine rouge de Violetta est le pivot du drame, c’est que le monde tourne autour, le bien et le mal s’inversant pour conspirer à sa perte. La puissance de cet opéra, véritable avalanche d’airs bouleversants (citons Edgaras Montvidas, Tassis Christoyannis et les chœurs en robes lamées, tous très applaudis par Graslin), est à proportion de la jeunesse de ses héros. Mirella Bunoaica fait éclater la convention d'une Traviata maquerelle: virtuose vacillement sur les cimes de l’exploit vocal, elle enchaîne les prouesses d’une machine lyrique à haute tension. Violetta doit changer de vie par amour, puis changer d’amour pour l’honneur de son amant, et son frisson est le nôtre devant cette mortifère morale bourgeoise. Oui, la Traviata aurait pu s’appeler Amour et Mort, et Mirella Bunocaica s’ouvre avec cette Violetta une route vers la gloire.
Daniel Morvan
Vendredi 31 mai, dimanche 2 et mercredi 5 juin 2013, au théâtre Graslin, en semaine à 20 h, le dimanche à 14 h 30. Rens. 02 40 69 77 18 ou www.angers-nantes-opera.com
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Angers Nantes Opéra

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