dimanche 24 juillet 2016

Olivier Py: Avignon, miroir du monde

Entretien avec Olivier Py

Ce 70e festival d’Avignon est aussi le troisième que vous dirigez. Avignon est-il toujours un miroir du monde ?
Oui, et d’autant plus fortement quand le monde est moche. Ce festival est international et politique, avec cette année un focus sur les créateurs du Moyen Orient. Les artistes syriens témoignent de leur souffrance autrement que ce qu’on peut voir au journal télévisé, avec de l’intime. Et les mauvaises nouvelles ne nous accablent pas lorsqu’on ne voit pas des victimes, mais des humains.

Faut-il au théâtre des spectacles très longs (comme 2666, qui s’étend sur 12 heures) pour accoucher de l’avenir ?
Le spectacle long, j’en suis presque l’inventeur, après Vitez et Le soulier de satin ! C’est d’abord une aventure héroïque de spectateur, et le public s’applaudit lui-même. Les longues pièces sont l’occasion de rencontres merveilleuses. Un spectacle de 12 heures est un très bon moment pour tomber amoureux.

À quand votre prochaine grève de la faim avec Ariane Mnouchkine ?
Ariane, j’aimerais dîner avec elle pour lui dire que je l’aime. Elle m’a appris une chose : On ne pense que quand on agit.

À ce titre, êtes-vous un lanceur d’alerte ?
Non, hélas. La temporalité du théâtre n’est pas celle d’une alerte. Nous sommes trop lents pour agir face à l’événement. Nous sommes des lanceurs de méditation.

Le théâtre peut-il changer le monde ?
Il change déjà cette bonne ville d’Avignon. Qui ne vit, pour l’essentiel, que par son festival. Elle serait déjà tombée dans l’escarcelle du FN si elle n’avait pas eu le théâtre.

On dit que vous êtes un festival d’élites…
Le public du festival est en majorité composé de membres de l’éducation nationale. Oui, c’est bien une élite culturelle. Mais les élites socialement dominantes, elles, vont au festival d’Aix-en-Provence.

Qu’avez-vous recueilli de l’écume des jours ?
Ça me touche d’entendre ce titre, L’écume des jours, mon premier spectacle à Avignon dans le off. J’étais jeune remplaçant, je n’avais débuté que dix jours avant la première. Ce fut l’éblouissement des commencements. Mais le off, c’est très dur.

Après le festival, vous êtes plutôt mer ou plutôt montagne ?
Ne le dites à personne : depuis 25 ans, je vais à Ouessant, où j’ai une maison. Tous les écrivains ont besoin d’une île pour écrire et pour dormir. Bien au frais.
Recueilli par
Daniel Morvan.

Auteur, metteur en scène, acteur, Olivier Py est directeur du Festival d’Avignon, dont la soixante-dixième édition se tient jusqu’au 24 juillet dans la cité des Papes.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire