vendredi 26 août 2016

Chirurgie de guerre le 14 juillet à Nice

Chirurgie de guerre au CHU Pasteur

Témoignage d'un chirurgien orthopédique, traumatologiste chef de clinique au CHU Pasteur 2 Nice.



Le soir du 14 nous étions à la maison, avec des amis, également médecins. Je reçois un coup de fil annonçant un attentat et le lancement du plan blanc. Nous confions notre jeune fils à une amie, et partons. Au CHU, tout le monde est là, les internes, les externes, les étudiants, par besoin d'être utile. Nous avons formons deux équipes: l'une pour accueillir et trier les blessés, l'autre pour opérer. Nous avons créé pour chacune des 18 salles du bloc une équipe complète, avec un chirurgien orthopédiste, un autre viscéral, un anesthésiste, des infirmiers et des internes. En une demi-heure nous organisons une chaîne humaine très efficace. A l'arrivée des premiers blessés au CHU, le personnel est choqué: les hématomes faciaux, les membres arrachés provoquent des pleurs et des évanouissements. C'est l'effroi, mais si on panique on ne fait pas les choses. Une femme demande où est sa fille, alors qu'elle est décédée. Une autre parle de son mari mort sous ses yeux. Au bloc, nous explorons les plaies, dressons un bilan des lésions vasculaires, des fractures, ligaturons les vaisseaux pour stopper les hémorragies. Il faut alors décider ou non d'amputer, décision lourde à prendre. Ce sont des blessés de guerre avec des plaies profondes, comme un accident de la route avec 50 blessés en urgence absolue, qui arrivent en même temps. A 5h du matin, les cas gravissimes sont traités. On se couche une heure. A 7h30, on débriefe et on affine le geste chirurgical pour certains patients, jusqu'au soir. 48h sur le pont.

samedi 20 août 2016

Emmanuel Venet: Marcher droit, tourner en rond

Le syndrome d’Asperger est une variante humaine non pathologique associant, à un degré aigu, intelligence, humour et misanthropie. Ils s’appellent eux-mêmes les "aspi" ou les "asperges", et se reconnaissent entre eux. Ce sont de gros gaffeurs, car ils disent tout ce qu’ils pensent et pensent tout ce qu'ils disent, sont intègres et aiment les listes. Le héros de ce livre adore aussi le scrabble, les catastrophes aériennes et Sophie Sylvestre, une camarade de lycée qu’il a tendance à envahir de courriels. L’ouvrage nous fait partager sa vision corrosive de la société, du culte des apparences et des femmes folles d’emplettes. On rit beaucoup devant ce tableau de famille: la tante Solange et son attirance mystique pour les pervers, le cousin Henry et ses plans pourris de mercurey déclassé, la tante Lorraine et ses escapades. Les notes acidulées du livre ne couvrent pourtant pas celles, plus discrètes, des souffrances d’une vie purement imaginaire, à l’écart d’un réel qui ne génère qu’un "douloureux sentiment d’absurdité". DM
Emmanuel Venet: Marcher droit, tourner en rond, 128 pages, 13€. Verdier. 18 août.

lundi 8 août 2016

Christophe Donner, l'ingénu libertin



Ce roman est né du désaccord ressenti par Christophe Donner devant les films de Larry Clark et Despleschin sur l'adolescence: A presque 60 ans, il observe celui qu'il était à 13 ans, à 15 ans, et raconte sa quête fébrile d'un Graal fille et garçon.  L'ouvrage est aussi né de l'étonnement de l'auteur devant sa propre photo adolescent (couverture du livre), dont les yeux bleus et les cheveux bouclés le font ressembler au Tadzio de La mort à Venise. Visconti donc, croisant les fantômes de 1968, dans cette adolescence effrontée et angoissée racontée avec la légèreté d'un conte à la Rohmer. Mais on ne résiste pas au charme de cette histoire très intime, cette adolescence angoissée entre père détesté et mère perdue, dans ses décors nouvelle vague, où les tourments de la chair ont le parfum des nuits blanches à Saint-Tropez.


Christophe Donner: L'Innocent. Grasset, 252 pages, 18€.