vendredi 30 septembre 2016

Elle apprend à lire pour tenir son propre rôle: esclave



Véronique Solo-Mendès est née au Congo il y a 60 ans. Agent de propreté à Saint-Nazaire, elle a appris à lire le français pour monter sur scène - sa fierté. Elle jouera un rôle d'esclave dans une pièce d'Arthur Miller. Le plus dur était d'apprendre les répliques. Incarner ce rôle? Pas compliqué, quand on a été soi-même esclave.


"Jouer une esclave? Facile, je l'ai été, enfant"



Apprendre à lire le français pour tenir son propre rôle sur une scène ? Ce serait la preuve d’une passion bien chevillée. Mais l’apprentie comédienne n’est pas sortie du cours Florent. Elle est agent de propreté à Saint-Nazaire. Elle n’a jamais connu l’école : orpheline, elle a passé son enfance à faire le ménage. Aujourd’hui, elle brûle les planches avec un rôle de domestique serve qu’elle maîtrise parfaitement : celui de Tituba, dans Les Sorcières de Salem. Une pièce d’Arthur Miller, et un peu la sienne aussi.

Qui est Véronique Solo-Mendès ?
Une découverte de Pierre Reipert, directeur de la compagnie « Astrolabe 44, arts de la scène et lien social ». Cette compagnie travaille régulièrement avec le Secours populaire.
L’Astrolabe cherchait une comédienne noire pour sa nouvelle pièce. Pierre Reipert lui propose de jouer le rôle d’une asservie. Elle répond oui avec enthousiasme.
« Elle nous a expliqué qu’elle serait heureuse de montrer qu’elle pouvait faire autre chose que ramasser les papiers gras au sol, explique Pierre Reipert. Seulement, elle ne savait ni lire ni écrire. Mais il lui fallait bien lire son rôle, elle a donc appris à déchiffrer un texte en français, pas à pas, grâce à un atelier du Secours populaire. En un an et demi, elle a appris à lire de façon fluide. Et à monter sur scène : c’est sa grande fierté ».

Véronique joue Tituba, esclave d’une famille puritaine qui va la dénoncer comme sorcière. "Je n'ai aucune difficulté à jouer une esclave, puisque c’est ce que j'ai été, enfant". La compagnie Astrolabe 44 pense déjà à elle pour une autre pièce. Un personnage comique à l’opposé de son premier rôle : elle serait une tyrolienne blonde et un brin xénophobe.


Daniel Morvan.

 

Mercredi 12 octobre, à 20 h 30 au Théâtre de Verre, à Châteaubriant. Samedi 5 novembre, à 20 h 30 et dimanche 6, à 15 h, salle des fêtes du Croisic. Le 23 janvier 2017, à la MJC Saint-Exupéry, à La Baule. Les 10 et 12 février, Espace Renaissance, à Donges. Réservation au 02 40 53 75 62.

mercredi 21 septembre 2016

Stratégie pour deux jambons: de l'art et du cochon

« Stratégie pour deux jambons », monologue philosophique d’un porc avant son abattage, était recréé en octobre 2016 par deux Nantais: Solenn Jarniou (mise en scène) et Didier Royant (comédien). Une "pièce-culte" ravivée par les préoccupations contemporaines sur la souffrance animale.


Didier Royant et Solenn Jarniou raniment ce succès des années 80



Stratégie pour deux jambons, c’est de l’art ou du cochon ?
D.R. C’est un cochon seul en scène, qui médite sur son existence, quelques heures avant d’être abattu. De l'humain il ne connaît que le porcher. Stoïque, il attend l’équarrisseur « d’un pied ferme et le cœur léger ». Raymond Cousse, son auteur, était né dans une famille bretonne venue travailler en région parisienne. Influencé par Beckett, il a écrit et joué ce texte. Il fut créé avec un immense succès en 1979. Le souci de la souffrance n’était pas absent des esprits à cette époque, mais le sujet de la pièce est surtout l’acceptation par le cochon de son destin tragique, de la naissance au pâté.

Vous avez taillé dans le gras?
D.R. On ne vise surtout pas la drôlerie, on n’insiste pas trop sur les calembours (« qui vivra verrat, disait mon père »). Mais on cherche l’émotion et la sincérité totale. Oui, on a taillé dans le gras du texte, en pensant au public de 2016, qui est un gros zappeur. On ne fait plus de cadeau, 10 minutes de trop et le spectateur est perdu. Donc on déborde à peine l’heure de spectacle, concentré sur les 4 m2 d’une porcherie. Peu d’accessoires : on garde le plus important, le seau.

C’est le discours de la servitude volontaire pour les cochons, cette pièce ?
D.R. Oui, ce cochon aime ce qui lui est imposé. La lutte des classes, c’est pour les tocards, lui, il n’a qu’un objectif, atteindre 120 kg en 210 jours, et ne pas gâcher le boudin… Il milite pour la production de jambon de qualité. Et il sait qu’il ne restera rien de lui, puisque dans le cochon, tout est bon…

Vous avez ciblé les producteurs de porcs dans vos invitations ?
S.J. Oui, bien sûr ! C’est un spectacle autoproduit et nous ne devons négliger aucun public. Nous invitons tous les diffuseurs, notamment ceux de l’ouest et des Côtes-d’Armor ! Ce regard, qui n’est pas un pur réquisitoire, peut les intéresser.
Pas très rose, dites, cette vie de cochon...
Ce spectacle, ce n’est pas une heure de souffrance. Il devrait même être agréable à regarder.


Daniel Morvan.


mardi 20 septembre 2016

Florence Seyvos, Scènes d'enfance



La jeune Suzanne se souvient avoir passé ses vacances dans une demeure mystérieuse près d’un lac, unie à son frère Thomas par un lien très fort, fait de mystère et de peur du vide. Les souvenirs sont hantés par des figures adultes : Un maître d’école sadique, une grand-tante un peu lunaire, une cousine tyrannique qui joue avec un revolver. Et tout le reste : Un tableau représentant Ariane et son fil, la vase visqueuse du lac sous les pieds, les sévices et le désir de croire…
Dans son précédent roman, Le Garçon incassable, Florence Seyvos racontait l’histoire d’un enfant fragile, mais aussi agile que Buster Keaton. Cette fois, la scénariste de Noémie Lvovsky (Camille redouble) voit le monde dans la loupe grossissante de la sensibilité enfantine.
Cette histoire, on l’aime pour son climat d’adolescence effrontée, qui explore le monde par son versant étrange : la mère de la fillette lui apprend à jouer à la poupée, dont le mécanisme se détraque. Son père, lui annonçant son divorce, lui semble « un homme politique en difficulté ». Suzanne sonne les cloches de l’église, soulevée dans ses collants blancs. Scènes belles comme le monde vous semble à douze ans, enregistré à jamais depuis les coulisses de l’enfance.
Daniel Morvan.
Florence Seyvos: La sainte famille. Editions de l’Olivier, 174 pages, 17,50€.

Survivre au Jardin des Plantes, c'est possible!



Alors que le téléspectateur des « reality shows » se repaît des supplices d'aventuriers pour de rire, nous avons beaucoup mieux au coin de la rue. Inutile de s'enduire de boue ou de manger des mygales : un ticket de tramway suffit. Laissons donc les crocodiles manger Aurélie, la candidate de Koh Lanta... et partons pour le Jardin des plantes ! Une vraie corne d'abondance. Et aucune raison que les grives soient les seules à se gaver de ces fruits magnifiques dont la raison première n'est pas l'ornementation.
« Un Jardin des plantes n'est pas conçu comme un garde-manger, explique Romaric Perrocheau, directeur du lieu, mais c'est un aspect passionnant de la botanique. »
Dans ce genre d'endroit, le mieux est d'observer ceux qui y travaillent, les jardiniers. Sous leur gouverne, avec toute la prudence voulue, votre naturel de cueilleur revient au galop... Dans le respect des pelouses !
Le butia (palmier abricot). Un palmier résistant au froid (il ne gèle qu'à - 10°) que l'on trouve dans les pampas d'Amérique latine. Les fruits du butia (ou palmier abricot) arrivent en ce moment à pleine maturité. En Amérique latine, on en fait du vin de palme. Délicieux frais (la pulpe sucrée entoure un gros noyau, comme celui des litchis, que l'on peut facilement faire germer). Situation : près des serres du Jardin des plantes.
Cognassier sauvage. Rubrique sans objet, tous les fruits ayant été déjà prélevés par les amateurs de confitures de coings.
Kaki. Impossible de passer à côté, tant l'arbre chargé de fruits est spectaculaire ! Le fruit du plaqueminier est sans conteste la grande star du moment au Jardin des plantes. L'œil est attiré par le port majestueux de cet arbre subtropical. Et surtout par ses fruits d'un rouge vif, proche de celui du sorbier.
Les fruits sont de la taille de tomates et ne se cueillent pas encore. Il faut attendre, pour le consommer, que le kaki soit très mûr, lorsque son épiderme se décolore et qu'il se ramollit. Pour activer son mûrissement, le ranger avec une pomme.
Très sucré, il se mange nature, à la petite cuiller ou en sorbet. De nombreuses recettes existent sur Internet (chutney, purée pour accompagner le filet de canard...). A noter qu'il existe aussi un petit kaki dont la maturité est plus avancée (il se déguste sur place, choisir les fruits blets).
Églantier (cynorrhodon). La baie (le vulgaire « poil à gratter ») de cette rosacée ne se consomme pas entièrement. On ne mange que la base du fruit, sucrée et légèrement astringente. Très riche en vitamine C. Dans le carré des rosacées, angle nord du jardin.
Pomme sikkim. De la famille des pommiers sauvages, son fruit se consomme comme le néflier, ramolli et presque blette (se méfier des épines). Contre le mur Est.
Cornouiller mâle. On l'appelle aussi mimosa du causse, en raison de sa belle floraison jaune vif. Il produit des fruits à noyaux, rouges et très acides. Peu comestible en l'état, la cornouille permet de faire de succulentes gelées. Au bas du jardin.
Hovenia dulcia (raisinier de Chine). Autre vedette du jardin (au nord-ouest, non loin de la porte Clemenceau), ce bel arbre porte des fruits insoupçonnables. Après avoir libéré ses parfums à la floraison en juillet, l'hovenia (siku au Japon) développe un fruit minuscule : la partie comestible est en réalité la tige de ce fruit délicieux et baroque, entre raisin et poire.

  • Christian Marchand, jardinier, déguste la tige du raisinier de Chine.