samedi 30 décembre 2017

Max Jacob. Un coeur gardé comme une amphore (retraite et mort)



1944-1994 : Le cinquantenaire de la mort de Max jacob

La retraite à Saint-Benoît-sur-Loire et la mort en déportation  



En 1921, après avoir été renversé par une voiture, Max a besoin de s'isoler. Il s'installe entre Beauce et Sologne, au presbytère de Saint-Benoît-sur-Loire, un haut-lieu de la chrétienté bénédictine.

A l'ombre de la basilique, avec « un coeur d'adolescent gardé comme une amphore », il roulera le tabac gris entre ses bons gros doigts en écoutant l'angelus. Il fera ses stations du Christ à haute voix, comme un vieux rabbin, et méditera la plume à la main. Ses amis parisiens avivent l'émolliente Loire : Michel Leiris son « élève », Jean Grenier, Dubuffet, Béalu, Charles Trenet, Jean Marais, et même Picasso, un premier janvier, avec chauffeur en livrée et nouvelle maîtresse... L'amazone Liane de Pougy, épouse du prince Ghika et dédicataire de l'édition définitive du « Cornet à dés », lui adresse de l'argent pour ses pauvres. Max lui répond : « Mes pauvres, c'est moi. »

Au Paradis ?

Trouve-t-il la sérénité dans son jardin de curé, se partageant entre la peinture alimentaire, une correspondance-fleuve, ses visites guidées de la basilique ? Les « Visions infernales » nous le montrent obsédé par la faute, hanté par la peur de l'enfer, et dans « Les pénitents en maillots roses » (quel titre !), son corps est un « boulevard aux démons ». Comme disait sa concierge de la rue Ravignan : « Alors, monsieur Jacob, la messe le matin et la noce le soir ? » La quête mystique contredit l'entreprise libératrice de la poésie : « Obéir, moi, quand j'ai passé ma vie à désobéir à tous et à tout ! » Le fervent ne s'écoute pas, il écoute la Parole. Parler à Dieu n'est pas jouer sur les mots. Ou plutôt si, puisqu'être poète est s'éprouver misérable, et que Jacob cultive la dérision comme saint François entretenait ses plaies : « J'aimerais l'angine, l'obstruction de la gorge/ et l'empêchement de parler/ Plutôt que le gloussement de poulet/ Qui fait pendant à tel hoquet de volaille. » Il ne se départit jamais de son humour, même devant Dieu : « Me voici au Paradis ! Moi, maigre potiron noir ? Au Paradis ? »

Visage d'ange

De 1927 à 1936, il revient vivre dans la capitale, puis passe le reste de ses jours à Saint-Benoît, ce « coffret dans l'herbe », ne doutant pourtant pas du sort que le destin lui réserve : Le 20 février à la basilique de Saint-Benoît, il note sur le livre d'or : « Max Jacob, 1921-1944 » - dates de sa retraite. Le 24 à 11 h, un violent coup de freins sous sa fenêtre : l'auto noire de la gestapo est là. Max met quelques affaires dans une valise, dont son feutre noir, et coiffe un béret. Un ami lui offre son caleçon de laine. Avant de monter, il serre la main aux habitants présents. Trois jours en prison à Orléans, et le train pour Drancy. Un gendarme lui poste une lettre à un ami : « Je t'écris dans le wagon qui mène à Drancy. Les gendarmes sont charmants. Max. » 

Le 5 mars, Max meurt à Drancy des suites d'une pneumonie. « Il n'eut pas une révolte, pas un reproche, pas d'agonie, assure un médecin juif du camp de transit. Il avait déjà dépassé toute lutte. Il paraissait heureux. » Derrière les yeux de Max, des arbres défilent, qu'il tente d'attraper en lançant les mains en avant. Ses dernières paroles sont pour un médecin qui se penche vers lui : « Vous avez un visage d'ange. » L'ordre de le maintenir à Drancy, obtenu par Cocteau, parvint le lendemain. Le convoi vers Auschwitz partit le mardi 7, emportant 1 501 personnes dont 170 enfants. 1 311 furent gazés dès leur arrivée. A Drancy, à partir du 6 mars, un simple d'esprit porta un feutre noir. 

Daniel MORVAN.



Jean Moulin était, par l'intermédiaire du docteur Tuset, un ami de Max Jacob. Au nom de cette amitié, il prit Max pour nom de résistant. Cette photo servit de modèle au docteur Tuset pour le médaillon de la stèle Jean Moulin à Béziers (coll. part. Jean Tuset).  

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