jeudi 26 mai 2022

401. Poème du Douron *




Le plus dur est fait quatre sacs de poèmes hissés à dos d’homme
au grenier maintenant laissons-nous porter sur les eaux douronnes

jusqu’au temps où parlant de vers libres le professeur de lettres
avait un rictus — l’heureux temps des rimes bienséantes

le temps où les choses étaient comme il faut — comme
des chemises repassées ou comme un poème d’Albert Samain

la rivière la plus proche de la ferme s’appelait Douron
le breton a ce mot-là pour dire l’eau: dour

dour est un mot un peu dur pour parler d’eau
il ressemble au noble Douro qui prend sa source

dans une sierra et les deux — grand d’Espagne petit de Bretagne
ont une même source dans la langue: dubro

le fleuve Douron naît au pays de Scrignac le maquis finistérien
et se jette à Toul an Hery vieux port d’Armorique

et comme dans un poème en vers libres de Valéry Larbaud
la truite douronne et songe comme la vie est douce dans le Douron

tel le saumon qui rejoint les eaux douces de sa naissance
j’aimerais remonter le Douron
pour boire un verre de cidre à Scrignac

25 mai

 

* Je poursuis ici le projet commencé le 2 février 2021 et achevé 365 jours plus tard, mis en forme dans un manuscrit intitulé: "Quitter la terre".

dimanche 24 avril 2022

Breut: mine de rien elle dessinait

Jeudi‎ ‎25‎ ‎janvier‎ ‎2001, 593 mots

Mine de rien, elle dessinait. Et chez Françoiz Breut, le crayon n'est pas un hobby, il est son art premier. L'installation Juke-box présentée au Rayon-Vert (et coïncidant avec son concert à l'Olympic) en apportera la preuve : Françoiz Breut est d'abord une graphiste qui a rencontré la chanson par hasard. "Un heureux hasard, dit-elle, mais on provoque toujours les hasards."

"Ce que j'aime dans la chanson, c'est qu'elle peut raconter quelque chose de bref. A partir des images évoquées par ces textes, j'ai construit des petits films." 
 Avec "Juke-box", Françoiz Breut crée un lien direct entre chansons et livres-objets. Ce sont des bouquins à couverture solide, manipulables à volonté, disposés dans des boîtes qui s'éclairent quand on les ouvre. Personnages à bonnes bouilles rondes, vieux dictionnaires recyclés, collages, tout un monde coloré et souriant. Le tout se découvre dans une petite cabane qui se visite à quelques-uns, le casque (facultatif) sur les oreilles pour écouter l'une des huit chansons illustrées. On imagine qu'elle transforme ainsi tout ce qu'elle touche, qu'elle peut transformer une armoire en opéra. Ce travail de graphiste, elle ne cesse de le mener, y compris au cours des répétitions de sa tournée qu'elle prépare à Bruxelles, où elle vient de déménager. Pour transférer sur scène les respirations de cordes de l'album. D'en restituer les belles couleurs, entre ripailles convulsives à la Breughel, roses incarnats de Rubens et jaunes de Vermeer, couleurs de livres d'images qui la suivent partout, de Cherbourg à Nantes, de Nantes à Bruxelles. A croire qu'elle aime déménager comme elle aime peindre. "C'est l'amour qui me fait déménager", explique-t-elle en souriant.