tag:blogger.com,1999:blog-26198446203888568262024-02-26T17:33:48.840+00:00Chien de lisardChien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.comBlogger353125tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-46395405965055350512024-02-14T17:58:00.014+00:002024-02-26T14:00:31.343+00:00Quitter la terre: revue de presse <p><br /></p><p>Le livre Quitter la terre est paru en janvier 2024 aux éditions <a href="http://www.letempsquilfait.com/Pages/Pages%20livres/Page%20nouv.712.html" target="_blank">Le temps qu'il fait</a></p><p>Recueil de poèmes, ou plutôt long poème qui, au cours de l'écriture, fit l'objet d'une prépublication ici même. Je remercie ceux qui, comme Thierry Guidet, Jean-Claude Pinson, Marielle Macé, Pierre Michon, et tous mes proches d'avoir encouragé ce projet jusqu'à son terme.</p><p>Plusieurs articles sont déjà paru dans les revues en ligne consacrées à la poésie, en voici les liens:</p><p><a href="https://www.sitaudis.fr/Parutions/quitter-la-terre-de-daniel-morvan-1706676771.php" target="_blank">L'article d'Hervé Lemarié sur Sitaudis</a><br /></p><p><a href="https://www.collateral.media/post/daniel-morvan-thr%C3%A8ne-des-campagnes-disparues-quitter-la-terre?fbclid=IwAR1awdmX7jkdI3PnDq6UORaAw07AzdItTJM6PaiNw-MADS_yI4K-78FSMcY" target="_blank">L'article de Jean-Claude Pinson sur Collatéral</a><br /></p><p>J'ai aussi été très touché par le mot de Pierre Michon :</p><p><span face="Roboto, Helvetica, Arial, sans-serif" style="font-size: 15px; white-space-collapse: preserve;">"Je finis à l'instant ce magnifique livre de mon ami Daniel Morvan. Grande vague d'émotion. Il se présente comme un recueil de poèmes, ce qu'il est aussi, mais </span><span face="Roboto, Helvetica, Arial, sans-serif" style="font-size: 15px; white-space-collapse: preserve;"><a style="cursor: pointer; font-family: inherit;" tabindex="-1"></a></span><span face="Roboto, Helvetica, Arial, sans-serif" style="font-size: 15px; white-space-collapse: preserve;">c'est surtout le portrait d'enfance d'un petit paysan très pauvre de l'aride Bretagne bretonnante, son goût pour les livres, ses études, et le déchirement entre ses deux appartenances, le paysannerie et la caste lettrée. Un livre très rude, tendre pourtant, qui au-delà des deuils finit sur une espérance pour ce "parapluie de papier" qu'est un livre."</span></p><p><br /></p>Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-23069371541616696002024-02-07T18:05:00.005+00:002024-02-07T18:05:42.650+00:00Jean-Patrice Courtois, poète de l’anthropocène<p>Tout langage appelle déchiffrage, tout poème aspire à l’énigme. De même qu’un tableau, une partition envisagée d’un premier regard, un poème engendre, avant même d’être lu et dans son obscurité même, un sentiment du texte. Que nous dit-elle, cette « saisie intuitive », devant le livre de Jean-Patrice Courtois: Descriptions (éditions Nous, 2021)? Des phrases de longueurs variables ne s’appréhendent pas comme des vers, mais des « blocs de prose » découpés, segmentés, offrant le calibre de la « description » proposé dans chacun des poèmes.<br />Un mouvement de phrase électrique jeté dans une syntaxe tendue: un style. Des poèmes qui travaillent le document, le triturent, le désintègrent. Il y a une physique du texte, une tension, un agencement neuf des significations qui prend de vitesse la compréhension. Cela tient à l’unité de base des textes: ni vers ni prose mais phrase, forme choisie pour l’amplitude de son balayage, sa capacité à emporter la puissance du vers jusque dans la prose et à en multiplier les brisures sans les ruptures et les stations du vers. Cela va très vite, la phrase rebondit sur ses assonances, allitère, parfois l’oreille n’entend plus que des « t », « une pâte à texture égalisant transparence traversable ». Ou bien au contraire des images courent sur la page sans aucune interruption (à cet endroit, une virgule serait de trop), la phrase engendre la phrase et déploie une danse aquatique, « l’ulve légère le jonc ami des marais l’osier l’humble canne sous les longs roseaux disent moins fort en son que le langage qui certifie la vue matérielle ». <br />De quoi ça parle? De nature, biologie, météorologie, océans, terre, sol, chimie, mammifères, poissons et amphibiens, installations artistiques, photographie, danse. Des choses qui n’ont rien à voir ensemble, juxtaposées, échantillonnées. Le « rien à voir ensemble » serait donc l’objet même du livre: un rien qui est l’invisible monde? Vous vous demandez si le poète aime écrire ces choses: « Il ne sera jamais beau de raconter les malheurs futurs ». Vous savez que vous faites fausse route, que ce n’est pas du tout ça, qu’il est question d’agriculture, qu’il vous conseille de ne pas utiliser d’engrais chimique, que les plantes parlent aux champignons. Ou qu’il est question de mathématiques, de transmission d’information. Vous ne savez rien, vous nagez, vous nagez dans la poésie.<br /><br />Vous vous souvenez que vous avez pensé écrire au sujet de ce livre, et, en raison de son opacité, ce projet vous semblait impossible: vous alliez le prouver. Cela prendrait du temps, vous inventeriez quelque théorie de la transe chamanique, du renouvellement du dire poétique aux temps de l’anthropocène.<br />Vous laisseriez décanter. Vous aménageriez quelques étiers autour des cristallisoirs formés par chaque page, un poème par page, et vous attendriez l’évaporation. Vous constateriez que le livre est composé de phrases-poèmes, ou de poèmes-phrases, ou parfois de poèmes de plusieurs phrases, autant de distillats d’information poétiquement transformés. Vous estimeriez qu’il manque quelque chose comme un mode d’emploi. </p><p>Le lecteur devine la présence d’images, de spectacles, du reportage: Comment ces éléments bruts sont-ils transformés pour devenir poème? Y a-t-il d’ailleurs vraiment poème? Que devient la source effacée mais devinable? Vous devinerez des références latentes, de quoi ça parle, sur quoi ça s’appuie. En fin d’ouvrage, des noms pour la plupart inconnus de vous, des artistes (oui, vous connaissez Godard, vous avez vu des danses de Julie Nioche, et Walker Evans, le photographe de la Grande dépression, ça vous parle un peu), de scientifiques (et même Gilles Courtois le mathématicien, frère du poète): Rien de ceci n’offre un code d’accès: manque un index précis renvoyant tel nom à tel poème.<br /><br /></p><h4 style="text-align: left;">Une méthode d’écriture</h4><p><br />Pour vous aider, Jean-Patrice Courtois, à plusieurs reprises, au cours d’entretiens, a décrit sa méthode de travail. <i>Et tout ce qui va suivre sera donc une paraphrase de ces interviewes, une incorporation du propos original: que le lecteur, que le poète lui-même ne nous en tiennent pas rigueur. </i></p><p>Tout part d’une pratique quotidienne d’extraction des nouvelles du jour, d’un geste très rapide et sans réflexion. Les documents d’origine, dit-il, viennent de la presse écrite. <br />L’écrivain à sa table de travail. La lecture des journaux est la prière du matin moderne. Des journaux, des ciseaux, un grand cahier où il colle les articles sélectionnés, les photos. Articles découpés, classés, extraits, synthétisés. D’abord dupliquer le document, l’extraire, puis le grand saut, le « saut sans savoir » sur la scène de l’écriture. Une fois collé dans l’album, on laisse reposer la collection de vignettes, on y revient: ça décolle, ça fuse vers ailleurs. Les poèmes de Descriptions s’appuient sur une matière documentée « livrée par la marée du matin ». L’auteur sélectionne à l’instinct, manie les ciseaux. À la base, le triangle des arts, de la science et de l’écologie, extraits ou spécimen recombinés dans un journal de journaux. Pas de protocole, pas de procédure maniaque. Ces opérations préalables ne sont pas le poème, elle en sont les rites propitiatoires. <br />Chaque poème trouve sa forme dans le rapport au document. Il se laisse surprendre, à quoi servirait-il d’écrire sinon (1)? <br />Pour mieux comprendre, un exemple: Un article publié par Le Monde en 2014, d’Hubert Prolongeau: « Sur les ponts d’Ispahan ». Il nous semble, en nous appuyant sur quelques indices, que ce reportage pourrait être le document de base du poème de la page 70. L’article décrit les beautés d’Ispahan, dont le fleuve a été détourné vers les champs de pistache du désert. Il commence ainsi: « Quels rêves charriait-elle quand ses flots roulaient encore ? « Avant, je venais souvent ici et je regardais l’eau. Aujourd’hui, j’arrive à peine à l’imaginer. » Ali Hosseini ne rit pas. Il est triste. Au pied du Si-o-se Pol, l’un des plus célèbres ponts d’Ispahan, le lit de la rivière Zayandeh Rud (« le fleuve qui fait naître » en persan), celui qui a fait de la ville une oasis au milieu du désert, est à sec. Complètement. Ses trente-trois arches ne sont plus entourées que de galets et de sable. »<br />Il suffit d’imaginer Tours sans la Loire ou Lyon sans la Saône. L’article poursuit en analysant les causes de cet assèchement, puis vante la douceur de vivre au pays de mollahs, paradoxe classique de l’écriture journalistique. Voici maintenant le texte de Courtois:<br /><br /><b>« fleuve qui fait naître » son nom de fleuve en langue l’eau n’est plus sur site chaque mètre de tous les lieux liquides n’est plus dans l’eau (le pont: trente-trois arches sèches galets sable l’eau c’est la ville l’ici lié l’eau ville parle en diction d’affluence (« je venais et je regardais l’eau aujourd’hui je ne la vois plus » dit l’habitant qui pense j’ai du mal à imaginer l’eau dans le vide de tout lieu d’eau (trois jours d’eau par an la cent-vingt-et-un virgule soixante-sixième soixante-six six six six etc… partie de cette année l’eau revient chanter sur les galets la 121,66e presque 67e partie l’eau virgule 66/67 coule après la virgule une eau sans bords dit la chanson qui s’arrête pour écouter l'absence de la chanson</b><br /><br />Tout cela se dit non pas d’un souffle mais sans rupture, la syntaxe nous porte sans observer de stases. Le passage par le document initial nous permet de dire comment le poète opère: non point en surlignant le tragique de la situation (« on a volé la rivière », dit le journaliste), ni en poétisant le document de départ (au contraire, il le dépoétise), mais par synthèses: « l’eau c’est la ville », la parole de l’habitant conservée (et citée textuellement), et ce calcul arithmétique qui permet, avec un humour glacé, de montrer avec d’absurdes virgules le lit à sec de la rivière Zayandeh Rud. Le décollage du poème à partir du document montre que l’enchaînement de scènes et d’explication qui fait le reportage est rebrassé dans une syntaxe sans suspension. Elle intègre même implicitement un moment clef du reportage, où sous les arches du pont s’élève la voix d’un homme: « Parfois s’élève le chant d’un homme, repris par tous. Moment superbe, dans lequel l’étranger est accueilli sans aucune gêne, et même invité à son tour à entonner un air de chez lui. » Courtois, lui, dissout la scène vue et fait seulement entendre la chanson absente de l’écoulement liquide.<br />Travail d’une grande finesse puisque l’essentiel de l’opération s’efface, le document réduit et transféré dans le poème. Chaque poème opérant de même sur des documents les plus divers, une opacité de prime abord désoriente le lecteur. Désorientation née de la diversité des discours embarqués, et de la prose qui les embarque sur ses lignes irrégulières.<br /><br /><br />Théorèmes de la nature et Descriptions (les deux premiers livres d’un triptyque) sont, ainsi, du document transformé comme Madame Bovary ou Crime et Châtiment sont du fait divers transformé. À ceci près que les sources ne sont pas des contemplations de la nature même: il n’y a pas de « lieu de la poésie », pas de gisement du poétique, elle est par essence un agir, une action sur le langage. Un criblage des discours multiples, en un journal-poème qui serait comme les<i> specimen-days</i> (échantillons de jours) du poète américain Walt Whitman. Le point de départ est, on l’a dit, formé de langages issus d’autres systèmes de signification: des discours, des reportages, des œuvres d’art, des analyses scientifiques ou mathématiques. Et les objets sont multiples: L’eau, la mer et la terre, les animaux terrestres et marins, les arts, œuvres, livres, photographies, le désastre écologique travaillé par la photo, les migrants, le village peul cerné par les champs d’huile internationaux, les algues vertes, les déchets radioactifs, le land art, la thermodynamique de l’atmosphère. L’écologie n’est pas le seul langage travaillé, il y a aussi l’archéologie, la paléo-anthropologie, la cosmologie, la neurologie, le cerveau, les tourbillons, le politique, la maladie mentale: tels sont quelques uns des thèmes distillés dans les 143 poèmes.<br /><br /><br /></p><h4 style="text-align: left;">Explorateur de langages</h4><p><br />L’empreinte humaine fait partie désormais du spectacle de la nature: « l'histoire globale entre dans la nature; la nature globale entre dans l’histoire » (Michel Serres, 1). Cette rencontre entre nature et histoire porte le nom d’anthropocène, nouvel âge géologique marqué par l’impact des activités humaines sur la planète. Le réchauffement, la pollution par les billes de plastique appartient au même monde qu’une photo de Francesca Woodman. Il existe une mathématique de la manière dont les billes de plastiques s’immiscent dans le vivant. Et l’usage poétique du langage n’est pas une aimable mise en forme de la catastrophe, quelle qu’en soit la version, vers libre standard, expérimental, slam ou poème narratif. Une rhétorique nouvelle ne suffira pas à rendre compte de la destruction de la nature. Elle ne serait encore qu’un ornement, un mensonge publicitaire. Si demeure la conviction absolue que le poème est à même d’embrasser le monde, sa relation traditionnelle avec le « tout » est remise en cause par la mutation anthropocène: au poète d’ordonner ce chaos, et plus que jamais de descendre aux racines des choses mais encore des mots, puisque les questions les plus importantes, comme celle d’une habitation harmonieuse de la terre, sont devenues les plus violentes. Une simple rhétorique n’y suffira pas. Le beau n’existe pas à l’état naturel, on n’y va pas avec sa pelle et son râteau. Il est toujours de la beauté produite dans un langage: ce n’est pas le paysage qui est beau, mais le tableau de Monet. C’est Corot, c’est Courbet qui font voir la beauté. « Des peintres humanisent des paysages dont il se peut que nous comprenions pas tout de suite pourquoi ils nous retiennent, pour le reste de notre vie », écrit Yves Bonnefoy (La longue chaîne de l’ancre, 2008, page 140). </p><p><br />De plus la beauté n’est plus assimilée à l’idée de nature comme son lieu natif. « Avec la Modernité, écrit Jean-Claude Pinson, le sentiment du beau a connu lui aussi l’exode rural » (Pastoral, Champ Vallon 2020, p. 111). Exilé de ses sites traditionnels, plage, paysage, nature morte, portrait, le beau se trouve identifié, non plus seulement aux formes de l’art, aux multiples langages du corps, de l’image, mais encore aux multiples syntaxes des mutations écologiques, aux formalisations scientifiques dont Courtois fait le matériau de base de sa propre syntaxe. Assumant toutes les médiations de la modernité, il renonce aux épiphanies du spirituel pour traverser les métalangages scientifiques, artistiques. Si l’idée d’une relation directe avec la nature n’est plus, célébrer la nature est désormais explorer tous les langages, sans exception, et prendre les mots à la racine. Parler de la manière dont on parle de la nature, c’est mieux parler d’elle. L’écologie traite des relations (notamment les phénomènes non-visibles) entre êtres vivants et milieu, l’art recherche le langage de cette relation non manifeste. Courtois se situe encore dans une tradition, celle du poète interprète du langage caché du monde. Même si déchiffrer le poème de la terre sans renoncer à la célébration de l’être, de la réalité sensible, ne passe plus par un hymne à Vénus ou à Flore mais par une syntaxe qui découpe dans les documents, s’immerge dans « les syntaxes étagées des relations écologiques » et somme les discours spécialisés de s’expliquer. </p><p><br /></p><h4 style="text-align: left;">Poésie, langage des langages</h4><p>Inutile de chercher dans le poème un équivalent sensitif de la nature, une sorte de recréation du temps comme dans le haïku japonais, qui offre à la fois le proche et le lointain dans son type propre d’abstraction sensible. Habiter la nature en poète veut dire habiter le langage. La crise appelle une poétique, parce que « les hommes regardent la terre avec le langage » et dans le langage, « ce qui fait voir c’est la poésie », dit-il en parlant de Michel Deguy (N’était Deguy, revue Critique 887, 2021, p. 329). <br /><br /><b>les néonicotinoïdes ne sont pas rouges — les terres deviennent rouges — « à empreinte humaine modérée »: seulement 5% des rivières d’un pays ouest-européen— 80 000 hectares d’hévéas seule plante seule industrie ici une seule propriété —le nom de l’ancienne zone la plus pauvre de la ville où des gens habitaient en grand nombre est Cass Corridor — les 880 bélugas restants barrent encore la route des sables bitumineux rive sud sud du fleuve—les tests génétiques dits « portraiturants » sur le seuil d’entrée —la paraphrase du poème latin dit: quel jour est ce jour sur lequel brisé tout à coup tombe le monde</b><br /><br />le poète latin devant qui parle le poète français Courtois, celui-ci lisant à travers Horace les effets de la Mutation anthropocène. La crise écologique évoqué par collage de dépêches d’actualité, auxquelles répond une voix de l’Antiquité romaine, Horace qui évoquait le retour d’un âge de fer à Rome, au lendemain du chaos des guerres civiles. Le poète antique apparaît ici pour clore un poème où cohabitent les mammifères marins en déclin de l’estuaire du Saint-Laurent, la zone la plus déshéritée de la ville de Detroit, l’identification des caractères morphologiques par l’analyse des traces génétiques. Nous sommes loin d’une conception binaire de la machine envahissant le jardin d’Eden. La poésie ne se résout pas en thèses mais propose sa figuration du monde contemporain, laquelle ouvre un angle et un champ pour la réflexion.<br /><br />Ainsi la poésie ne renonce pas au projet d’habiter la terre: de la mélancolie véhémente du poète, nous avons besoin. Courtois exerce son combat politique sur le terrain de la langue, qu’il juge même comme la plus féroce des batailles (Elon Musk, l’homme le plus riche du monde, ne déclare-t-il pas la langue comme déjà obsolète?). Les effets du capitalisme mondial néo-libéral sont déjà dénoncé et décrits et documentés, le déferlement du tout-culturel emporte et lamine la poésie. Dans sa capacité à mettre en langage des processus invisibles, complexes, se développant sur des rythmes longs, la poésie a pourtant ce rôle de protection de la nature. Courtois n’est pas un lanceur d’alerte mais un poète. « Le poète, conservateur des infinis visages du vivant », disait René Char. Et son lecteur? Tout le monde, mais pas n’importe qui, disait Duras. <br /><br />Daniel Morvan<br /><br /><br />Né en 1954 à Viroflay, en région parisienne, Jean-Patrice Courtois est professeur de littérature à l'Université de Paris 7-Denis Diderot. Il a enseigné dix ans l'esthétique et les arts. Et dirigé pendant six ans un séminaire: « Littérature, esthétique, écologie ». Le thème de son HDR (habilitation à diriger des recherches): Théorie des climats chez les philosophes des Lumières (travail inédit). <br />1: Le Contrat naturel, cité par Catherine et Raphaël Larrère (Du bon usage de la nature, Flammarion 2009).<br /><br />Chaque poème trouve sa forme dans le rapport au document. Il se laisse surprendre, à quoi servirait-il d’écrire sinon (1)? <br />1: Ces renseignements sur la méthode de travail de Courtois <b>sont décrits par lui-même </b>dans plusieurs entretiens <b>qui inspirent très largement la présente analyse</b>, sans être systématiquement cités entre guillemets. Un premier échange avec Emmanuèle Jawad, Matière écologique et matériau poétique, Diacritik 2020. Lien: <br />https://diacritik.com/2020/04/01/jean-patrice-courtois-matiere-ecologique-et-materiau-poetique/<br />Le poète s’est également entretenu à propos de Descriptions avec Martin Rueff à la Maison de la Poésie de Paris, dimanche 23 mai 2021. Lien:<br />https://www.youtube.com/watch?v=UaA3Jf_t_TY<br />Parmi nos sources librement citées, l’article de Courtois sur Michel Deguy paru dans la revue Critique, n° 887, avril 2021: « L’Éden ici bas, d’une poétique écologique de la pensée ». <br />Enfin, plusieurs échanges de courriels ont rendu possible la rédaction de ce parcours de lecture qui puise à de nombreuses autres sources, comme l’ouvrage de Jean-Claude Pinson déjà cité, ou « Nos cabanes » de Marielle Macé (Verdier 2019), notamment le chapitre traitant de la poésie: « Un parlement élargi ». <br /></p>Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-59919879751271676232022-08-12T19:11:00.002+01:002023-10-02T19:17:25.299+01:00 420. La maison du bout du quai<p><br /><br />Gilles des brumes est dans sa maison du quai<br />place Frégate-Aréthuse écoutant sur Spotify Lawrence Zazzo<br />dans un air d’Attilio Ariosti appelé Freme l’onda<br />tremble la vague d’atteindre le bout du quai<br /><br />L’enceinte acoustique en connection UHF Bluetooth© sonne<br />sous la voûte de planches en forme de barque renversée<br />torrente che scende chante le contre-ténor — le sopraniste<br />comme on appelle les chanteurs usant de cette voix<br />de fausset qui chanterait Ô Loire Ô ma maison<br /><br />Mais ce n’est pas cela que veulent entendre les passants<br />ce qu’ils veulent c’est qu’il joue<br /> <br /> Little Cascade<br /></p><p><br />Gilles atteint le terme<br />des fatigues dans sa cabane au plafond<br />lambrissé de sapin brut de la Drôme<br />il sent dans ses os le roulement du fleuve comme s’il était <br />couché au fond d’une barque dans toute cette Loire<br />qui vient battre sur la cale et y ramène des troncs<br />Non il n’est plus temps d’aller chercher de l’or<br />labourer n’est plus de son ressort<br />ni d’aller sur une monture par les forêts <br />ou dans les mangroves repoussant du pied les alligators<br />ni même caresser la tête rousse d’une vache dans les prés de Corsept<br /><br />il ouvre son répertoire d’airs de cornemuse<br />Salute on the birth of Rory Mor MacLeod et The little Cascade<br />le feuillette comme un jardinier visite ses roses <br />Gilles est un homme libre et son coeur empli d’airs écossais<br />ne frappe plus aux portes de l’espace sans portes<br />son âme ne se heurte plus aux fenêtres condamnées <br />de la pensée chétive qui agite ses petits drapeaux<br />ne répond plus aux mots d’ordre c’est un homme neuf désormais<br />lui qui n’a jamais porté d’arme que la bagpipes d’Écosse lui qui<br />ne fit jamais geindre qu’une cornemuse McCallum de Kilmarnock<br />et qui deux ans fut l’hôte de son ami le célèbre peintre DCA<br />pour Dominique Charles Albert<br /><br />— de même que le voyageur dans les bois <br />sombres voit une fumée bleue qui flotte dans une clairière<br />— n’est-ce pas ici qu’il fallait, fraîchement opéré, faire halte<br />là où un ami lui avait ménagé une couche sans qu’il fût jamais<br />question de s’acquitter de quelque loyer — c’est ainsi qu’il<br />put rééduquer son esprit à sentir sourdre les ondes<br />matinales et se rendre à lui-même — au vol des aigrettes<br />se rendre au flux qui a brassé et baigné mille kilomètres de rives<br />et qui s’atteint lui-même au terme de cet enracinement de l’eau<br />qu’est un fleuve — à sentir son esprit devenir onde<br />et à y trouver ses propres onguents ses propres liqueurs<br />émollientes ses propres baumes dans cette eau qui lui dit:<br /><br />« Depuis tout le temps que tu n’es pas plus toi que cet extrait jaune<br />n’est Loire <br /> des multiples de toi se sont effilochés aux vents<br />du destin et de la physiologie — sois heureux de disposer de<br />deux hanches dont l’une intacte et d’un cérébral indolore<br />qui régente toutes tes douleurs: qu’un rayon de soleil<br />frappe le PVC de tes volets et te voici gai de vivre<br />dans l’ombre mais qu’un tronc d’arbre échoue à tes pieds<br />arraché de quelque prairie où il faisait de l’ombre<br />à quinze génisses rousses<br /> et te voici inquiet de ce qu’il put<br />advenir du saule et de ses penchants à s’abandonner au cours<br />de l’eau — le saule est-il encore dans cette souche et suis-je<br />dans ce tronc?— <br /> pourtant Ô sonneur toute cette famille de sentiments divers<br />forme un seul être un Gilles aussi unique que le tuyau de ta cornemuse » <br /><br />Ainsi parle la Loire à l’enfant qui n’est plus cet enfant mais<br />en garde le masque et qui <br />répétait les airs des Hautes Terres<br />chacun lui semblant être une portion de lui-même à rassembler<br />dans la maîtrise du bagpipes — vois-le cet homme qui<br />feuillette de gauche à droite les pages son album<br />et sculpte dans le papier mâché une tête de rhinocéros<br />analogue des musiques qu’il tirait de son chanter (la partie où les doigts<br />du piper se posent)<br /><br />Les cent méandres de ces reels (principale danse écossaise qui <br />semble dit-on au quadrille français par son balancé) conduisent<br />l’homme jusqu’à sa maison — la maison Highlands la maison Loire<br />— et entre les deux la maison Gilles<br />là où l’eau brune devient un lac de Sérénité<br />devant la grande rade des Quatre Amarres là où furent ancrés les<br />vaisseaux atlantiques sous les molletons d’avril —<br />la sienne la maison qu’il a choisie non pour s’étendre aux seuils brodés<br />de la mer<br /> mais tel le vieil homme resté à son poste frontière<br />gardant les portes de la Loire et douanier facturant l’impôt <br />sur les bravades de l’ami qui passe<br />comptable des baveries perdurantes que laissent les nuits de juillet<br />à son perron — <br />pour demeurer enfin place Frégate-Aréthuse et tenir son poste de guet<br />tout le temps que peut durer une nuit d’été quand les vitres<br />laissent passer les fluides et quand les vagues de lumière jouent <br />l’hymne de la maison du bout du quai demeurer innombrable<br />mais unique par cet air qu’il place par dessus tout l’air où il se<br />rassemble tout entier et redevient le Gilles sous son masque d’enfant<br />— Little cascade <br /><br /></p><p> </p><p><span style="font-size: xx-small;"> 420. Mer 20 juillet 2022. La maison du bout du quai</span> <br /></p>Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-5951977078088786802022-06-21T12:52:00.003+01:002024-02-26T14:07:06.403+00:00410 La belle Angèle<p><br /><br />Lui — jean’s denim avec plein de straps et de surpiqures<br />mouvements saccadés gallinacé<br />Assis sur chaise de bar <i>Crypto</i><br />sans doute le nom d’un ancien lieu de nuit<br />il cherche un fleuriste pour garnir une tombe<br />la cigarette à la jonction des deux phalanges<br />ne gêne aucun des mouvements de l’homme actif<br />jamais allumée mais le roulis d’un orage vient<br />qui passe devant ses yeux s’essuyant la lèvre<br />d’un souvenir de tonnelle:<br /><br />Elle —pantalons pied de poule et haut noir viscose<br />toute l’affaire tient dans ses yeux nul n’est<br /><i>À l’abri de la tempête</i> sous ce regard qui claque<br />elle lui dessine sur sa table la carte de la ville<br />pour <i>La Fleur parfumée</i> tu prends place des Martyrs<br />puis à droite sur le Front de mer<br />sur la table ronde la main traceuse s’avance vers l’homme<br />et l’index termine à deux centimètres du thorax<br />c’est là dit Angèle qu’on trouve de la belle orchidée</p><p></p><p></p><p><span style="font-size: x-small;"><i> 410. jeudi 16 juin 2022</i></span><br /></p>Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-26653244915179769762022-05-26T13:29:00.000+01:002022-07-17T16:01:26.212+01:00 401. Poème du Douron *<p><br /><br /><br />Le plus dur est fait quatre sacs de poèmes hissés à dos d’homme <br />au grenier maintenant laissons-nous porter sur les eaux douronnes<br /><br />jusqu’au temps où parlant de vers libres le professeur de lettres<br />avait un rictus — l’heureux temps des rimes bienséantes<br /><br />le temps où les choses étaient comme il faut — comme <br />des chemises repassées ou comme un poème d’Albert Samain<br /><br />la rivière la plus proche de la ferme s’appelait Douron<br />le breton a ce mot-là pour dire l’eau: dour <br /><br />dour est un mot un peu dur pour parler d’eau<br />il ressemble au noble Douro qui prend sa source<br /><br />dans une sierra et les deux — grand d’Espagne petit de Bretagne <br />ont une même source dans la langue: <i>dubro</i><br /><br />le fleuve Douron naît au pays de Scrignac le maquis finistérien <br />et se jette à Toul an Hery vieux port d’Armorique<br /><br />et comme dans un poème en vers libres de Valéry Larbaud<br />la truite douronne et songe comme la vie est douce dans le Douron<br /><br />tel le saumon qui rejoint les eaux douces de sa naissance<br />j’aimerais remonter le Douron <br />pour boire un verre de cidre à Scrignac</p><p><span style="font-size: xx-small;">25 mai </span><br /></p><p> </p><p>* <span style="font-size: x-small;">Je poursuis ici le projet commencé le 2 février 2021 et achevé 365 jours plus tard, mis en forme dans un manuscrit intitulé: "Quitter la terre". </span><br /></p>Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-47394866240691122232021-11-21T08:10:00.007+00:002022-06-21T13:29:55.357+01:00292. Rose<p><br /><br />La rose traversait le dernier jour de clémence <br />la tête inclinée vers le sol les pétales brimés de froid <br />Ni l’air gris ni le balancement lent des saules<br />ne pouvaient tuer le rose de cette fleur<br />l’automne à son terme ne dépèce pas ses proies<br />il les laisse flétrir et observe en silence<br />comme le sang se retire des choses <br /><br />Avec patience la lune déposera ses sucs <br />sur leur tête qui oscille et les apprêtera<br />pour leur dernière nuit <br />comme encloses entre deux mains de cristal<br /><br />aucun bourdon n’aura suivi sa traversée de l’ombre<br />mais au matin la rose aura nourri d’autres soifs <br />elle aura glissé pétale par pétale sur l’herbe<br />la nuit aura embrassé ses lèvres déjà obscures<br />et déposé<br />un peu de nuit sur elles dans la nuit tremblante</p><p> </p><p><i><span style="font-size: xx-small;"> 292. Samedi 20 novembre.</span></i> <br /></p>Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-57026722575356083022021-10-29T10:35:00.008+01:002022-06-21T13:29:58.047+01:00Nuages<p><br /><br />D’un coup d’aile<br />comme si tu avais<br />marché aux nuages <br />à tout considérer<br />c’est un petit trajet<br />pour aller saluer René<br />dans son nouvel appartement<br />boulevard de la Liberté<br />à la dernière tentative <br />pour lui rendre visite un motard<br />s’était tué sur Cheviré<br />impossible de passer la Loire<br />tout le pont bloqué<br />un poids-lourd l’avait écrasé<br />le chauffeur en état de choc<br />me dit René c’était <br />dans Presse-Océan<br /><br />Voulais lui remettre<br />l’aquarelle promise<br />une vue de chalet suisse<br />d’après tutoriel vidéo exécutée<br />à mes débuts dans l’exercice<br />de la peinture en souvenir<br />d’un autre chalet qu’il avait<br />construit acte inconscient<br />m’en aperçois seulement<br />maintenant en l’écrivant<br />tu te débrouilles sacrément bien<br />j’ai senti qu’il le pensait<br />et le compliment m’a touché<br />je lui ai aussi donné le poème <br />sur sa Nicole celui qui l’avait<br />fait pigner lui son légionnaire<br />il m’avait dit au téléphone<br />Baudelaire n’aurait pas mieux fait<br />le chalet et le poème allaient rejoindre <br />la photo souvenir de Nicole au séjour<br />on a parlé des géraniums<br />c’est elle qui les rentrait l’hiver<br />et de la tempête de la nuit passée<br />et puis de la pose de son épithèse<br />invisible près de l’oeil <br />dans sa bonne tête de Belmondo<br />ça t’en bouche un coin<br />des fois le soir je l’enlève <br />ça gêne plus personne maintenant<br />et je lis le soir plus de télé<br />un peu de tabac je dis pas et le<br />vin un peu pas du bordeaux<br />t’en souviens-tu au temps qu’on a construit<br />au moment qu’elle fut souffrante<br />le chalet de ta grande fille <br /><br />j’avais pas perdu la main<br />depuis la Mauritanie<br />et mes gaberneaux de chantier<br />en bordure du désert<br />pas un palace pas le lido<br />un bon petit vin c’était<br />il filait bien après l’effort<br />ils en font aussi pour le visage<br />des marins tapés par le soleil<br />Ce devait être à la même<br />époque de l’année deux mille neuf<br />toute fin octobre<br />le trente-cinq tonnes avait<br />bloqué la rue et déchargé ses<br />planches qu’on a bien rangées<br />sur la terrasse Elle regardait<br />pensive sa nouvelle cabane<br />ses amies l’appelaient Heidi<br />ce regard pensif me hante<br />comme une idée de dernier séjour<br />dans un visage de jeune fille<br />Je ne reçois plus dit-il que<br />de rares visites le gamin <br />oui maintenant il vient<br />après toutes ces<br />après tout ce temps d’ombre<br />on n’en sort pas indemne<br />et puis la beauté sa petite-fille<br />cheveux bouclés noirs Semiramis<br />petit fauve bondissant<br />épaules de belle tournure<br />lumière des jours de René<br /><br />Pris le C1 toujours la même<br />voix synthétique et pénitentiaire<br />« le masque est obligatoire »<br />vis l’exposition sur l’esclavage<br />le plan de la Marie-Séraphique<br />avec à l’entrepont<br />ses esclaves bien rangés afin<br />que vous puissiez sucrer votre thé<br />un café au musée d’arts de Nantes<br />y reconnais la blondeur<br />boticellienne d’Ambra Senatore<br />déjeunant avec son équipe<br />du centre chorégraphique<br />tordait ses cheveux en parlant<br />j’ai vu qu’elle donne une pièce<br />dont le titre est<br />Il nous faut une secrétaire<br /><br />le souffle atlantique animait<br />la rue Joffre où je passai<br />dire bonjour à la Vie devant soi<br />depuis si longtemps<br />Charlotte la libraire embrassai<br />achetai un livre de Sarah Chiche<br />Saturne dédié <br />aux vulnérables et endeuillés<br />nous nous sommes rappelés<br />une rencontre autour d’un roman<br />confidentiel que j’avais rêvé<br />tous les exemplaires avaient été<br />vendus cette journée-là<br />Do m’avait alors dit <br />on aimerait maintenant<br />te voir écrire des poèmes<br />tu as raison ça peut se tenter<br /><br />un homme entre et dit j’aime<br />le nouvel Astérix vous voyez bien<br />qu’il n’est pas utile de viser si haut<br />nul besoin de vivre dans un phare<br />pour rencontrer la muse<br />Le chronobus C1 c’est <br />mon Guernesey à moi<br />bel observatoire pour voir <br />s’écheveler les comètes<br />Descendis à Chantenay<br />où nous habitâmes vingt ans<br />toujours un détour pour ne<br />pas passer par la rue Garibaldi<br />vingt ans y vécûmes <br />ces vingt ans nous ont vaincus<br />d’ici nous étions bien trop loin<br />pour entendre la grande voix qui console<br />pour entendre la mer<br /></p><p><span style="font-size: xx-small;"><i> 262. Jeudi 21 octobre. Nuages</i></span></p>Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-67858913230835007202021-10-20T08:41:00.002+01:002024-02-26T14:08:43.469+00:00Quoi, vous ne savez pas? Ils vont fusiller aussi le gosse<br /><p>...<br /></p><p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://1.bp.blogspot.com/-srKNlVeCWPk/YW_GzLnc-tI/AAAAAAAATiQ/sWb8tJOErqIOKcx6Lz0pqmCGsuF2OsW7gCNcBGAsYHQ/s358/2011-2_camp-choisel-15sep41.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="240" data-original-width="358" height="269" src="https://1.bp.blogspot.com/-srKNlVeCWPk/YW_GzLnc-tI/AAAAAAAATiQ/sWb8tJOErqIOKcx6Lz0pqmCGsuF2OsW7gCNcBGAsYHQ/w400-h269/2011-2_camp-choisel-15sep41.jpg" width="400" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;"><span style="font-size: xx-small;">coll. Musée de la Résistance nationale / Champigny, fonds Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé</span></td></tr></tbody></table> </p><p> </p><p>« Quoi, vous ne savez pas? Ils vont fusiller aussi le gosse.» </p><p>Celui qui parlait ainsi à Marianne était un homme monté sur un cheval, qui s’était arrêté devant elle, parce que les deux montures étaient cousines, assura-t-il. On laissa les deux rouans se saluer en hochant de contentement, comme si la foule, toute traversée par le bruit montant du crime, ne pouvait rendre rien de mieux que cette sculpture vivante d’un palefrenier à cru; une statue équestre allant dans le public, traversant les visages de fantômes des femmes qui répétaient les deux syllabes, comme elles eussent prononcé le nom du Crucifié. Ce gros bourrelier monté en amazone fut pour Marianne une vision d’Alexandre au milieu d’une place impériale, ce cavalier qui entre les étals de boucherie et les robes gonflées de porte-monnaies venait vers elle pour lui dire le nom du garçon qu’on allait assassiner, un amour d’enfant pour lequel on remplissait de balles des chargeurs: Môquet. Oui, ils ont désigné Môquet parmi les fusillés. Un enfant qui avait salué les copains comme pour sauver jusqu’au bout l’enchantement des amours invécues, pour ne pas déchoir devant un prêtre, et devant cet officier français qui avait appelé son nom avec le sourire pincé des damnés. <br /><br />Marianne se pétrissait encore les lèvres comme pour prononcer le nom, et s’adressait au nouveau cheval: « Mais ils vont en tuer combien des garçons comme lui? » la statue équestre répondit ou elle crut l’entendre: « Qu’est-ce que tu crois, que ça serait le premier gosse qu’ils collent au poteau? Ils font ça pour qu’on les aime, petite, qu’on baise leur évangile de mort les yeux fermés, et qu’on devienne leurs esclaves, c’est ça la vérité de Môquet et c’est pour ça qu’on dit son nom. Il n’est pas seul, ils sont vingt-sept rien qu’ici. Lui, c’est le fils de Prosper Môquet, cheminot, député communiste de Paris, arrêté en trente neuf et déporté en Algérie. Guy, c’est du gavroche semeur de papillons, des tracts qu’il a collés dans tout Paris: « Libérez Prosper Môquet, jeté en prison par Daladier pour avoir voulu la paix ». Si c’est pas la misère de fusiller un petit pour collage de mots. Guy est ici, au camp de Choisel, depuis le 14 mai dernier. Tout cela au nom du travail, de la famille et de la patrie. Je dirais plutôt tracas, famine, patrouille. »<br />Titubante dans le bruit des voix elle ne comprenait plus cette histoire de papillons dans Paris, elle ne voyait pas le lien entre l’enfant écrivant sur les murs le nom de son père et le noyau d’acier qui allait lui percer le corps, pas plus qu’elle ne percevait le sens de ce bourrelier à cheval, auprès de qui apparut son paysan, portant à l’épaule sa bride, son mors et ses oeillères toutes neuves. « Nous voilà équipés pour au moins dix ans », dit Pleure-l’été, sans prêter attention au mouvement d’horreur qui convulsait la foule. « Tenez, c’est pour vous », ajouta-t-il en lui collant un bouquet d’oeillets dans les mains, qu’elle saisit et porta à son épaule pour le bercer.<br />Elle s’éveilla tout à fait car le paysan la pressait. Le bourrelier à cheval avait disparu, Marianne suivait en esprit la soutane jusque dans les cabanes, elle s’agenouillait avec le prêtre, les sacrifiés lui parlaient des martyrs chrétiens, elle donnait du papier aux condamnés, elle écrivait les adieux, elle regardait des hommes fumer leur dernier tabac gris, et toujours ce nom qui revenait toujours, Môquet, comme s’il avait été une balle dans la poitrine de chacun, et de chaque poitrine monta le vieux chant des fédérés marseillais de 1792. Les blouses noires et les capelines du marché de Châteaubriant se tournèrent toutes vers le camp, d’où l’hymne s’élevait comme une colonne de feu. Les vingt-sept montés dans trois camions, ce ne furent pas vingt-sept voix mais quatre cents, tous les prisonniers du camp hors des baraques pour fracasser le bleu du ciel avec le Chant de guerre de l’armée du Rhin. Le chant monta dans les camions vers la carrière de sable, traversa la place de marché, et ce fut Tremblez ennemis de la France, le peuple souverain s’avance, ce fut comme un convoi de peste traversant une ville morte, et une main noire s’étendit sur le marché comme les remorques prenaient la route de la Sablière, une poigne invisible qui pétrissait chaque visage, refaçonnait un homme, donnait à chacun une bouche de colère et le nommait Môquet, maître du chant de sa propre mise à mort. <br />Le chant ne s’arrêtait pas, après l’air des armées de l’an II, après l’hymne chanté le soir de la bataille de Fleurus sur les cadavres de l’Europe des princes coalisés, ce fut une voix seule qui fit courir une longue lézarde dans le ciel, une aria de la jeunesse où Guy Môquet tenait la seule voix, adressée aux blouses foraines, aux capelines des laitières, aux tabliers des bouchers, aux pognes des forgerons et aux chapeaux des fleuristes, à tout ce qui sur la terre peut serrer, pétrir et caresser; trembler, se souvenir. Et dans cet entrecroisement de rayons d’or qui se concentraient ici dans une carafe d’eau fraiche, là dans une bouteille de vin gris plongé à la fontaine, le chant de guerre des jeunes partisans, la Marseillaise des dérailleurs de trains, traversait les parois de ces sortes de bétaillères bavaroises dans lesquelles ils allaient vers le gravier d’une carrière. Une voix seule, un peu brisée, car Guy s’était un peu évanoui, non de faiblesse mais par collision avec l’Histoire si précoce dans le baiser qu’elle lui offrait. Qui de Môquet ou de la fille Kersaint vit l’autre le premier? Ce regard leur fit pour chacun comme une poignée de neige dans la face, et c’est pour elle, fille aux oeillets, qu’il chanta: Nous sommes la jeune garde, nous sommes les gars de l’avenir. <br /><br />Marianne avait été happée par le visage de ce jeune homme qui allait mourir à Châteaubriant; la colonne du massacre s’éloigna. Au camp qu’ils venaient de quitter, le sous-lieutenant français qui avait épelé d’un air pincé: « Guy Môquet », le nommé Alphonse Prouyat, qui s’était lui-même cousu dans le dos les ailes de Lucifer, s’était passé les braies de charretier de la mort, faisait les gros yeux aux prisonniers. « Nous les vengerons », criaient-ils. Il fronçait le sourcil, leur montrait un soldat perché dans sa guérite, en manière de « adressez-vous à qui de droit ». Leur prédisait une balle s’ils continuaient leurs chants de guerre. On dit aussi, et c’est une autre esquisse de la même scène, que le lieutenant Prouyat siffla le guéritier, qui obéit et arma le fusil en forme d’intimidation. <br />Un mot d’ordre circula dans les rangs des prisonniers: « Fermez-la les copains, c’est déjà vingt sept martyrs pour ce jour, on va chanter le silence. » <br />Et ils le firent. <br />La bouche d’ombre seule adressa les couplets muets de la Marseillaise aux martyrs debout devant les neuf poteaux du val sans retour. L’hymne ne fut pas chanté mais pensé et entendu. Un chien hurlait dans le bruit des moteurs. Trois fois neuf salves à 15h55, 16h et 16h10, ils furent fusillés sans bandeau sur les yeux, comme le rapportent les chroniques du temps, et achevés d’une balle dans la nuque; Marianne s’était déjà éloignée à la remorque de son laboureur de Saint-Julien-de-Vouvantes. Déjà sûre que, si la devineresse avait dit vrai, les trois fois neuf salves résonneraient dans ses oreilles aussi fort que si elle avait été auprès chacun des vingt-sept, criant avec eux « Vive la France », et, auprès du métallurgiste Jean-Pierre Timbaud, avec la pauvre flamme de l’impertinence humaine: «Vive le Parti communiste allemand!»<br /><br />À l’appel du soir, au camp de Choisel, manque de tact de la part des bourreaux, les noms n’avaient pas encore été rayés des listes. Furent appelés les corps chargés dans les camions, chargés avec leurs poteaux d’exécution criblés et bleus de sang, ne laissant que des trous sombres dans le sol, et pour chacun des voix parmi les quatre cents prisonniers répondirent vingt-sept fois: Mort pour la France. Et le soir, toutes les planches où ils avaient marché, où ils avaient écrit « La liberté ou la mort », furent découpées et conservées en reliques; dans la nuit de Choisel, un merle modula comme pour les tués de Fleurus et de Valmy son chant qui d’abord s’enroue pour ensuite flûter, s’enrouler au silence; les plus jeunes des internés s’endormaient en serrant une planchette de bois gravée des idéogrammes conjugués du ciel bleu et de la résistance, ce double linéaire des croyances, en Dieu et dans le Parti, bercés par la phrase de Guy Môquet qu’ils avaient transcrite sur elle: Soyez dignes de nous, les vingt-sept qui allons mourir.</p><p>...</p><p> ...</p><p>(Extrait du roman inédit "Le réseau")<br /></p><p> </p><br /><br />Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-88011676083191837082021-10-04T21:14:00.002+01:002022-05-13T13:25:10.799+01:00 Le blues d'Issa au resto des SDF<div class="contenu"><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://4.bp.blogspot.com/-9Uo9inE2EII/WPsjfklNiHI/AAAAAAAAIro/0JTd1JsbC98MY380fS8xkYfize8VYwnwwCLcB/s1600/xh110faHR0cDpcL1wvcDIucGVwaXRlLm91ZXN0LWZyYW5jZS5mclwvcGhvdG9cL29mXC8yMDA3XC8xMlwvMDFcL3JkNjJBXzIwMDcxMTMwLmpwZw__ebc21h.jpg" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="400" src="https://4.bp.blogspot.com/-9Uo9inE2EII/WPsjfklNiHI/AAAAAAAAIro/0JTd1JsbC98MY380fS8xkYfize8VYwnwwCLcB/w266-h400/xh110faHR0cDpcL1wvcDIucGVwaXRlLm91ZXN0LWZyYW5jZS5mclwvcGhvdG9cL29mXC8yMDA3XC8xMlwvMDFcL3JkNjJBXzIwMDcxMTMwLmpwZw__ebc21h.jpg" width="266" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Toute une ambiance aux Restos ! Issa, ici devant sa barquette, se réchauffe le cœur en soufflant un air d'harmonica</span></td></tr></tbody></table><br /><div class="articleDonnees">
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<span style="font-size: small;"><i>Les Restos du coeur ont lancé, hier <30 novembre 2007> leur 23<sup>e</sup> campagne d'hiver. Au centre d'accueil de jour des SDF nantais, ils servent 90 repas chaque midi. </i></span></div><div> </div><div> </div>
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<b>«</b> <b>Quand on en sera au fromage, il y aura un peu d'Alzheimer</b> <b>!</b> <b>» </b>C'est Mamie qui passe les barquettes. Elle fait un malheur, Mamie, avec son Leerdamer. <br />
Ici, c'est le centre d'accueil de jour des Restos du coeur. 7, rue de la Galissonnière, à Nantes. Pas difficile à trouver. Il suffit de suivre les grands noms de l'astronomie, Cassini et Copernic. Vous rasez les puissantes voitures garées le long des trottoirs et vous tournez à gauche. Là, à cent mètres, c'est la galaxie SDF.<br />
Issa finit sa Kro posée sur une poubelle. <b>«</b> <b>C'est leur cantine, leur chez eux, alors ils n'aiment pas trop être embêtés</b> <b>»</b>, prévient Sylvie Rateau, la présidente des Restos. Profil bas, vous entrez. <b>«</b> <b>Tu peux te mettre là</b> <b>»,</b> me dit Gérard, le directeur du lieu. Ça réchauffe le coeur d'être accepté.<br /><h3 style="text-align: left;">
« Les keufs m'ont serré »</h3>
Il y a donc Mamie, <b>«</b> <b>une vieille des Restos, depuis 1988</b> <b>»</b>, parmi quinze bénévoles. C'est elle qui distribue : <b>«</b> <b>Taboulé</b> <b>? Carotte</b> <b>? Macédoine</b> <b>?</b> <b>»</b> C'est elle qui pigne pour qu'on ramène les gobelets de plastique, et qui les lave. Il y a Mario au micro-ondes, qui tourne à plein régime pour réchauffer les 90 plats du midi. <br />
Parmi les convives, il y a le vieux briscard qui aligne les vannes : <b>«</b> <b>Pourquoi changer</b> <b>? Pour être plus con</b> <b>?</b> <b>»</b> Lui, il a son logement. C'est aussi le cas de Salam, qui discute dehors. RMI, logé, mal logé. Il râle. <b>«</b> <b>Les keufs m'ont serré au Champ de Mars. Je vendais des livres sur le trottoir. 20 centimes l'exemplaire, histoire de boucler le mois.</b> <b>»</b> <br />
Il cligne des yeux. Affûté comme un crayon. Un crayon à mine dure, mais cassante. Raconte son appartement insalubre. Les chiottes bouchées pendant deux ans. Le refus du proprio de réparer. <b>«</b> <b>Une formation</b> <b>? Non, j'ai une dépression. J'ai peur de me retrouver à la rue. Mon appart, je le supporte plus. Le parquet est rongé. Je chope des microbes.</b> <b>»</b><br />
Issa a fini sa bière et s'assied. Salue ses amis, poings collés, poing au coeur. Eux vivent en squat.<br /><h3 style="text-align: left;">
« J'avais un groupe »</h3>
Le micro-onde fait sauter le compteur. <b>«</b> <b>Jo-yeux zanni-versaiiire</b> <b>!</b> <b>»</b> Re-lumière. Entrée sans porc pour Issa, Sénégalais musulman. <b>«</b> <b>Il aime pas le porc, c'est pas un grand voyageur, ah ah</b> <b>!</b> <b>»</b>, plaisante Mario. <br />
À côté du passe-plat, une petite bibliothèque. Thierry cherche de l'index un livre qu'il n'aurait pas encore lu.<br />
Il y a une place libre devant Issa. Il m'y invite : <b>«</b> <b>Il faut communiquer dans la vie. J'espère qu'il a dit vrai Sarko, sur le droit au logement sans caution. Même si on a l'aide de la Caisse des allocations familiales, les propriétaires ne veulent pas nous loger.</b> <b>»</b> </div><div class="contenu">Issa dort au foyer <span class="lieu" xmlns:dc="http://purl.org/dc/elements/1.1/"><a class="lien" href="http://troove.ouest-france.fr/lieu/http%3A%2F%2Ftroove.fr%2Flieu%2FSaint-Benoit-01338" property="dc:title" title="Consulter la fiche de Saint-Benoît">Saint-Benoît</a>. </span></div><div class="contenu"><span class="lieu" xmlns:dc="http://purl.org/dc/elements/1.1/">Ses allers-retours entre Chantenay, les Assedic, la Caf, l'ANPE. <b> </b></span></div><div class="contenu"><span class="lieu" xmlns:dc="http://purl.org/dc/elements/1.1/"><b>«</b> <b>Faut être là à dix heures</b><b>, sinon il te reste les squats. Dans la rue, tu bois pour te réchauffer. Si tu arrives bourré, t'es viré. Au bout de trois fois, viré définitif. Quand t'es à la rue, tu ne cherches même plus de travail. T'as mal dormi. Le gars ne s'en sort que s'il est posé.</b> <b>»</b></span><br />
Issa a un brevet hôtellerie. Quelques remplacements à la Mutualité et au Lieu Unique. Trop courts. Il a dévissé le jour où sa meuf <b>«</b> <b>s'est barrée</b> <b>»</b>. Il me laisse son numéro de portable. L'autre objet qui ne le quitte jamais, c'est son harmonica Hohner « marine band » en mi, le même que Dylan. <b>«</b> <b>J'avais un groupe. J'étais bon à l'harmonica.</b> <b>»</b> <br />
Allez Issa, play it for me, joue-le pour moi. Issa joue. S'interrompt pour me dire : <b>«</b> <b>Mais tu ne manges même pas</b> <b>?</b> <b>»</b><br />
Thierry a trouvé à lire. </div><div class="contenu">Un livre qui parle de la planète et des liens entre ses habitants. Comme l'indique son titre : <b><i>Terre des hommes.</i></b></div><div class="contenu"><i> </i> <br />
<i class="highlight">Daniel</i> <i class="highlight">MORVAN</i>.<br />
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<span class="lieu" xmlns:dc="http://purl.org/dc/elements/1.1/"><br /></span></div>
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<div class="articleDonnees">
<div class="donneesParutions">
<div class="parutions">
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<div class="date">
samedi 1 décembre 2007</div>
</div>
<div class="mots">
852 mots</div>
<div class="auteur">ouest-france</div><div class="auteur"> </div><div class="auteur"> <br /></div>
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<div class="contenu"><br />
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</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"></div>
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Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-62611589634007927032021-10-04T20:50:00.041+01:002024-02-26T14:11:47.285+00:00 242. purple lakers<p>Des fois si le poème l’écœure <br />il n’a prise sur rien<br />tellement qu’il voudrait un mot pour décrire<br />cette nausée purple lakers<br /><br />elle survient lorsqu’il lui semble devoir<br />rembobiner l’enfance éclaircir les ombres <br />jouer cartes sur tables sortir son joker<br />comprendre qu’on ne voulait pas laisser<br />père mère derrière soi ce crève-cœur<br />m’a-t-il pas vraiment crevé le cœur<br /> <br />Reste l’impression d’être ventousé à la paroi<br />vision enfiévrée<br />pousser devant soi un arceau gothique en forme de <br />thorax sous lequel passerait une colonne de fourmis <br />fuyant à l’arrière des colonnes ennemies<br /><br />et encore l’idée qu’il suffirait de prendre <br />ces chemins terreux pour se laisser <br />reconduire à la boue nourricière<br />à la margelle première <br />où tu vois la bouche de l’eau et l’œil des étoiles<br />te ramener au fumier de retour dans le game<br />essaie encore dis ta chanson de golem</p><p><br />cette forme dégradée de parole qui t’est propre mixture<br />de rural saupoudré de lectures<br />mais rien de ce mash de patois post mortem<br />qui sied tant à la moderne poetry<br />tout réussira les pages du livre tourneront comme Patek<br />tu sauras boutiquer de la versité <br />pour produire un effet de canard <br />ayant couvé des signes<br /><br />à quoi s’attendait-on à ce que la nature<br />consente à descendre de monture <br />et ramasse l’épi chu du tas de blé<br />pour lui dire le monde sera sauvé <br /><br />tu as trop médité sur des cadences tricotées<br />en marquant les basses laisse dériver décaler<br />attache des rames aux berceaux d’osier et vogue car tu sais<br />si ça finit par dire une chose ça s’est d’abord pointé en intrusion manifeste<br />sans surveillance une ligne mal bâchée vire à l’épique <br />ceux qui ont le flow inné te te mixent ça au buzzer<br />ça cartonne ça parle aux foules et ça check <br />tous les marqueurs de hype le poem-pack est complet <br />pas besoin de hairstyle mode indian hemp<br />pour rouler en inconduite intérieure <br />ce crève-cœur<br />m’a-t-il pas vraiment crevé le cœur<br /></p>Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-72141443959037064872021-09-23T08:21:00.003+01:002024-02-26T14:19:47.652+00:00Christine & the Queens, une allure, une écriture<div class="contenu">
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<br /><br /></div></div></div>
<div class="contenu">
Vous ne l'aurez pas forcément repérée parmi toutes les filles qui attendent sur les marches de la <span class="societe" xmlns:dc="http://purl.org/dc/elements/1.1/"><a class="lien" href="http://troove.ouest-france.fr/societe/http%3A%2F%2Ftroove.fr%2Fsociete%2FFnac-1614" property="dc:title" title="Consulter la fiche de Fnac">Fnac</a>. Vous ne l'aurez pas vue traînant ses guêtres avec ses copines à H & M, essayant quelque babiole, traînaillant dans les travées de l'étage mode enfantine garçon.</span></div><div class="contenu"><span class="societe" xmlns:dc="http://purl.org/dc/elements/1.1/"> </span><br />
Elle n'était pas non plus spécialement voyante au fond de la classe, en cours de solfège, poussant son filet de voix depuis le coin du radiateur jusqu'aux oreilles poilues d'un vieux prof de solfège tout ridé, répétant : <b>« Chante, Héloïse, bon sang, chante</b> <b>! »</b><br />
Vous êtes donc passé à côté de Christine and the Queens. Comme tout le monde. Comme le jury de Normale sup Lyon qui n'a rien de trouvé de mieux à faire qu'à la déclarer admise, elle qui est faite pour professer, du haut d'une chaire, comme un conducteur de train à crémaillère est fait pour dire de l'opéra.<br />
On croyait qu'elle ne savait pas chanter. Elle la première : <b>« Ma voix est sortie épidermiquement, je ne me suis pas réinventée mais je me suis créée une seconde fois, et cela m'a attiré des ennuis, parce que je n'avais pas travaillé ma voix. Et c'est un muscle à travailler, sans quoi vous pouvez la perdre. »</b><br /><h3 style="text-align: left;">
Surgissent trois drag-queens</h3>
Cette invention de Christine and the Queens par Héloïse, on l'a déjà racontée : en pleine crise, elle se morfond dans un pub anglais du coeur de Londres... Surgissent trois drag-queens mode Almodovar, Héloïse reçoit la révélation de l'esthétique « queer ». Et se décorsette corps et âme : <b>« J'ai décidé d'être qui je veux, de manière libre et décomplexée, sans choisir le genre, entre fille et garçon, suspendue en zone trouble. »</b><br />
Retour du refoulé : Christine explose, s'enferme avec ses textes et ses magnétos, <b>« à tel point qu'on me déposait de la nourriture et que ça passait pour une sorte de dépression. Quand j'ai commencé à poster mes chansons sur Youtube, mes amis étaient contents que ça aille mieux. C'est en cela que mon projet était assez beau, je trouve</b> <b>: je m'en suis sortie en réussissant à me sentir utile, juste en devenant chanteuse. »</b><br />
Pas le coffre d'une Cecilia Bartoli : à l'opéra, elle serait parfaite dans des rôles de Chérubins, mais rêve juste d'être une icône gay. Pourtant, cette Bowie un peu Rimbaud est un Rambo des cordes vocales, de la posture. Elle sait comme l'essentiel est dans l'allure : <b>« Pour moi, chanter est une forme de sport. Dans toute discipline, il y a du sport, il faut être un peu athlète et exercer l'écriture comme un muscle. »</b><br />
Un muscle qui lui permet de tirer un fil entre chanson, pop mode Michael Jackson et électro mode mode, avec une présence androgyne qui font aussi partie de son invention. Le mot « écriture » s'entend chez elle comme au cinéma, quand un cinéaste écrit un film : tout est chorégraphié, sons, images, style, façons d'être au monde.<br /></div><div class="contenu"></div><div class="contenu"></div><div class="contenu"><h3 style="text-align: left;">Aucune connexion avec le réseau<br /></h3>
Cela serait réducteur d'affirmer qu'hier soir, jouant à domicile, elle redevenait nantaise sur cette scène, qui lieu d'affirmation face à son public d'adolescentes. Dans le genre cliché à deux euros, on se laisse à imaginer le mauvais film, C&Q étreinte <span class="personne" xmlns:dc="http://purl.org/dc/elements/1.1/">par les vieux oncles de la coldwave nantaise. Tout faux, elle évolue hors réseau local, et ne les connaît pas, ces mâles chanteurs de la vague Naoned.<b> « Ces années d'adolescence, j'étais ailleurs, hors circuit, je pensais théâtre, et quand je me suis mise à écrire, c'est venu spontanément. On est exposé à tant de choses, aujourd'hui. La génération à venir ne va même plus réfléchir en termes de genres.»</b></span></div><div class="contenu"><span class="personne" xmlns:dc="http://purl.org/dc/elements/1.1/"><b> </b></span></div><div class="contenu"><span class="personne" xmlns:dc="http://purl.org/dc/elements/1.1/">Pas de <span class="lieu" xmlns:dc="http://purl.org/dc/elements/1.1/"><i><a class="lien" href="http://troove.ouest-france.fr/lieu/http%3A%2F%2Ftroove.fr%2Flieu%2FNantes-44109" property="dc:title" title="Consulter la fiche de Nantes">Nantes</a> connexion</i> au rendez-vous de Christine. Son réseau de pop star ? Juste les cousins, cousines, copains, copines. </span></span></div><div class="contenu"><span class="personne" xmlns:dc="http://purl.org/dc/elements/1.1/"><span class="lieu" xmlns:dc="http://purl.org/dc/elements/1.1/">Et une personne au premier rang. Une dame. Qui connaît tous ses textes par cœur. En pleure chaque rime. Sa mère. </span></span><br />
<br /></div>
<div class="contenu">
<i class="highlight">Daniel</i> <i class="highlight">Morvan</i></div><div class="contenu"><br />
<div class="articleDonnees">
<div class="donneesParutions">
<div class="parutions">
<div>quotidien<br /></div>
</div>
<div class="date">
jeudi 18 septembre 2014</div>
</div>
<div class="mots">
857 mots</div>
<div class="auteur">
Daniel Morvan</div>
</div> </div>
Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-58071295766820839462021-09-20T09:06:00.004+01:002023-10-02T19:18:16.091+01:00230. KuhlmannLe vieil homme dit Je vais vous montrer la pagode<br />il n’en reste plus qu’un squelette et ce pavillon rouge<br />de brique <br />C’est des gens du nord qui sont venus<br />construire l’usine et faire de la ville une autre ville<br />Les ouvriers édifient leur quartier appelés cité des Castors<br />construction communautaire chaque maison tirée <br />au sort Les arômes de phosphore et soufre s’exhalent <br />des rues de la cité qui est une Lorraine<br />loin de la Lorraine<br />une brise jaune vous disait Tu es ici à Paimbœuf<br /><br />Nous aurions cru marcher en pleine forêt<br />mais à ras de terre la Loire pleine écumait<br />deux millions de mètres cubes d’eau douce industrielle<br />voilà ce qu’elle donna chaque année à Kuhlmann <br />tout le temps<br />que le plomb occupa les têtes et les bras ici<br />Je m’en souviens encore disait-il comme un<br />guide de sanctuaires déserts<br />c’est moi qui ai coupé l’usine après quatre-vingts ans à produire<br />du chlore du soufre et des engrais azotés<br />Un jour comme un autre<br />J’ai fermé Kuhlmann comme on dit adieu à une maison<br />comme on ferme la porte<br />sur un monde sur un temps sur une ville<br />J’ai dételé Paimboeuf de la chimie et j’ai rendu les clefs<br /><br />Tel était Kuhlmann un alliage délicat<br />avec le port fossilisé depuis le départ des grands voiliers<br />L’estuaire est la main qui réunit les eaux<br />l’usine rassemble les substances gaz de Lacq hydrocarbures<br />et le plomb <i>voilà ce qu’ils en ont fait<br />de cette jolie petite ville dix-huitième siècle</i><br /><i>Jusqu’en 1919 vous pouviez y tourner un film d’époque<br />genre Les contrebandiers de Moonfleet<br />jusque dans les années 90 une fresque sociale <br />comme La vie est à nous<br />depuis 1996 un décor pour La ville abandonnée<br />ou Bienvenue à Zombieland</i><br /><br /><i>Je suis né à Paimboeuf rue Raymond Berr<br />nom du directeur des Établissements Kuhlmann <br />déporté avec son épouse Antoinette et leur fille Hélène<br />assassinés à Auschwitz<br />c’est par le nom de ma rue natale<br />que j’ai découvert l’existence des camps d’extermination<br />A partir de 1946 les ouvriers des Usines Kuhlmann <br />se rencontraient pour le challenge Raymond Berr<br />à cette occasion fut créée la piste d’athlétisme de la ville<br />Premier au cent mètres du challenge Raymond Berr<br />j’avais mes chances pour l’embauche à Kuhlmann</i><br /><br />Ainsi parle l’enfant de la cité des Castors se souvenant aussi<br />qu’une ou deux fois l’an un champignon dans le ciel<br />libérait les gaz retenus par l’usine<br />ces lâchers atmosphériques retombaient dans les jardins <br />sous forme de poussières de plomb il fallait alors<br />tout arracher au potager<br />Une industrie une maladie<br />À Neptune le scorbut à Saturne le saturnisme<br />dont le médecin-chef de l’usine était un spécialiste mondial<br /><br />Saturne symbole du plomb en chimie<br />sa demi-vie dans les nappes est de sept cents ans<br />Les symptômes qui alerteront le médecin <br />sont asthénie retard mental céphalées surdité<br /><br />Aujourd’hui que seule l’eau du ciel peut visiter<br />cette zone morte qui recouvre l’eau souterraine<br />et que la friche demeure là tel le scalp abandonné de la terre<br />par l’Usine qui usa ciel terre eau et tous leurs enfants<br />Il est nécessaire de dire pour toutes les vies à venir<br />comme Saturne fut ici un dieu adoré<br /><br />La Lorraine vint à Retz comme un chef de guerre déplace<br />ses campements avec ses centuries et ses demi-dieux<br />les Ingénieurs nouvelle classe désignée par les pamphlets comme<br />celle des Parvenus de la Science<br /><br />Nous allions au bout du monde dans un voisinage de hérons<br />fabriquer pour les voitures de barons de maçons<br />du plomb tétraéthyle <br />Dérivé antidétonant du plomb sous licence américaine<br />multiplie les performances des moteurs à explosion<br />tu les imagines morfondus au fond de leur calèche<br />traversant la province et ses fondrières découvrant<br />avec effroi le pays profond qui les nommait capitaines<br />et les marais surtout les marais de Vue à perte de regard<br />y cherchant en vain des pyramides n’y trouvant que des vasières<br />erreur <br />l’acclimatation fut parfaite courts de tennis club nautique<br />on adhéra peut-être au cercle littéraire qui jetait ses derniers <br />feux dans une bataille de pamphlets autour d’un vieil autel<br />d’église (marbre migrant d’un château à l’autre<br />vestige d’une abbaye cistercienne vendue à la Révolution)<br /><br /><br />Les cadres de l'usine arrivent souvent du nord ou de Paris <br />avant la rentrée des classes<br />Ses usines frontalières détruites par la première guerre mondiale<br />la pétrochimie se redéploie loin des fronts<br />Elle fait son entrée dans la ville des grands voiliers<br />dans ces lieux perdus au milieu de nulle part<br />On construit des villas des demeures de brique l’usine est reine<br />et la Loire évente son visage reconstruit<br />partout à l’arrière des saisons<br />l’odeur des framboises des pois en fleurs et des fèves <br />leur rappelle les jardins de la Lorraine<br />ce n’est pas le parfum de leurs patries ni celui de Paris<br /><br /><br />pourtant les enfants d’ingénieur<br />au coeur esseulé se voyant ensevelis dans un cloître<br />de calcaire sans se donner aux fêtes et aux carillons grêles<br />laissent leurs yeux se perdre sur les rives<br />où se lit l’empreinte d’une autre souveraine <br />celle qui gouverne au destin des lies et des âges<br />et enfouit les rêves comme se ferme un sillage<br /><br />et il y avait là quelque mélange troublant<br />de regret et de volupté à se sentir rois d’un séjour si âpre<br />un cabinet des antiques investi par la chimie<br />Et dans cette ville jaune qui aimait tant l’usine <br />d’autres enfants d’autres filles semblables<br />rêvaient en regardant les enfants d’ingénieurs qu’il existait<br />une autre manière<br />de vivre sa jeunesse<br /><br /><br />trois décennies de plomb égale un âge d’or<br />pour la ville morte depuis qu’un jour Bonaparte<br />passant par là décréta<br />désormais le port de l’estuaire sera Saint-Nazaire<br />Et ça tourne mal<br />Kuhlman Ugine-Kuhlman Pechiney-Ugine-Kuhlman<br />autant de fusions liées aux crises de la chimie<br />jusqu’à l’acquisition par Elf-Aquitaine et<br />la fin du plomb tétraéthyle toxique en 1996<br />Paimboeuf entre dans l’âge de la friche<br />friche morale et sensorielle<br />Se taisent les sonnettes des bicyclettes de 700 salariés<br />le sifflet des locomotives acheminant le soufre<br />le sifflet des navires<br />le klaxon des cars Kuhlmann dans tout le pays<br />le réel industriel tombe comme un décor<br />La citadelle ouvrière mute en cité interdite<br />bientôt terrain de jeu des touristes de ruines<br />urbexeurs ivres du vestige qui donne à voir<br />les beautés du ravage et l’érosion des villes<br />Comme blessée par les traits que tirent du lointain<br />les archers des comètes et les catapultes galactiques<br />Paimboeuf la reine dort en ses désolations de vitrines mortes<br /><i><br />Souvenez-vous madame on trouvait du Rodier à Paimbœuf<br />Rodier le fournisseur de Channel et Dior en tricot jersey <br />Du Rodier aujourd’hui à Paimboeuf<br />vous imaginez cela</i><br />Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-84596090286836427552021-09-18T08:35:00.000+01:002022-06-19T09:46:44.911+01:00221. Astronomie<p><br /><br />C’est aujourd’hui la fête du Double Neuf<br />Cette nuit au stade Meerschaut<br />Allons voir comment bouge le monde<br /><br />au télescope des astronomes amateurs<br />nous sommes marins en bordée<br />qui titubent et chantent à la lune<br />sous les balcons d’une maison silencieuse<br />La Lune<br />Quand je la regarde je pense<br />que vous aussi la regardez<br /><br />là haut c’est un bal qui donne le vertige<br />à vous<br />personnalité obscure gringalet à pompon rouge <br />qui voudriez <br />attraper la lune avec les dents<br />dévorer les élégances du ciel et leur marche hautaine <br />bustes marmoréens et visages parfumés<br /><br />Laissant flotter un sourire sur leurs profonds empires<br />elles vont épaules nues survolant d’un soupir<br />l’infini qui roule sur ses cylindres obscurs<br />Des plumes d’argent oscillent à leurs têtes<br /><br />Parfois vous vous croyez satellisé<br />sur le trampoline de la nuit élastique<br />vers le chaos harmonieux qui tourne avec lenteur<br />aucun chambellan ne vous barre la route<br />vous voici dans l’escalier d’honneur<br />Des lustres baignent les danseurs d’une foudre blanche<br />sur la pointe des pieds vous tentez d’apercevoir une blonde<br />figurine qui passe dans un tumulte de glace<br />tout se passe<br />comme dans une page de roman russe<br />on devine<br />Les tulles vaporeux d’une supernova<br />Les amas globulaires de l’outre-monde<br />Les scories éjectées de notre espace <br />qui<br />savent maintenant<br />ce qu’il en est du big bang<br /><br />et cette rosée du rêve que nulle main poudrée <br />n’essuie du visage au menton de l’enfant<br /><br />Jupiter est une agathe en suspension<br />que poursuit la queue d’un cerf-volant<br />—un pointillé de lunes gelées<br />Callisto <br />Europe <br />Ganymède—<br />pour conclure la phrase inscrite d’une craie hésitante <br />dans l’alphabet des choses obscures<br /><br />Tant de mondes dans ce monde <br />tant d’attractions dans le poème étoilé<br />et tant de silences entre chaque étoile<br /><br />Il y a aussi <br />Saturne Ô frère sombre en ta prison ronde<br />et qu’en septembre l’on voit briller à l’affiche qui annonce<br />Le Voyage d’hiver<br /><br />Comme moyeu de cette roue<br />faite de vides de béances de trous de souffleurs<br />La lune — cette étoile de cinéma<br />C’est devant son miroir qu’il faut la voir<br />comme Auguste Méliès l’aima<br />avec sa tête pâle de petite soeur cosmonaute<br />qui a perdu ses rubans</p><p> </p><p><i><span style="font-size: xx-small;"> 221. Jeudi 9 septembre.</span></i> <br /></p>Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-36906987809652368342021-09-16T09:40:00.006+01:002022-06-19T09:46:47.264+01:00227. SignauxL’histoire ne s’est jamais arrêtée<br />Aux approches de l’équinoxe<br />dans les nuits saupoudrées de feux<br />chaque étoile affirme <br />que la nuit n’est pas la nuit<br /><br />Vous disiez je m’en souviens<br /><i>On pourrait s’envoyer le soir des signaux lumineux<br />moi de la fenêtre du huitième et toi d’en bas<br />depuis la rue</i><br />Ce jeu des lumières<br />je le trouvais enfantin pour un père<br />—si quelqu’un me surprenait à<br />projeter des éclairs vers le huitième du CHU <br />de Nantes<br /><br />J’aimerais bien aujourd’hui<br />saisir une lampe de poche pour vous donner le signal<br />comme du temps où nous amassions des provisions<br />de lumière<br />restent les astres qui clignotent<br /><i>quand je les regarde je pense que vous aussi<br />les regardez</i> écrivait à sa fille<br />Madame de Sévigné<br />Le jeu des étoiles a toujours existé<br />c’est le seul auquel nous puissions jouer<br />avec les mortsChien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-34074127069627026332021-09-07T08:47:00.007+01:002022-06-21T13:30:08.260+01:00 219. Nécropole<p><br /><br />Non je n’irai pas tutoyer le néant ainsi qu’aux déplorations<br />ordinaires<br />ni lui adresser la chanson des soldats désœuvrés<br />qui gardent la porte des villes et lardent de leurs couteaux<br />le flanc des congres inertes à leurs pieds<br />je te dirai vous ma fille morte<br />parce que vous serez partout et innombrable<br />dans cette ville qui se balance comme le fruit sur sa tige<br /><br />J’accueillerai votre propagation irrésistible<br />qui se trouvait déjà dans l’eau verte de la fontaine<br />et dans les jeux d’eaux du palais d’Orta<br />et dans la verdeur des fruits qu’aujourd’hui je cueille<br />les eaux assoupies de septembre contiennent<br />les larmes à venir Il est doux pourtant de s’y baigner<br />Je n’irai pas jeter des cris à la face de la nuit<br />ni frapper des cymbales contre sa progression<br />Je n’irai pas protester et élever dans l’obscur<br />l’ennui d’une plainte contre les éclats de Jupiter<br />qui ensoleille les ombres et exhausse de larmes<br />le berceau le plus sûr et le moins rebelle<br /><br />viendront <br />—après les fausses splendeurs et les frayeurs de submersion<br />quand nous aurons cessé de prolonger nos bains<br />et d’offrir nos corps aux bleuités nacrées du sel et du limon<br />où la menace n’est encore que la vibration lointaine d’un marteau<br />sourd qui frappe le bronze là-bas sur la rive opposée<br />—Viendront les mois de cendres et des boues étincelantes<br />qui me rappelleront nos veilles aux remparts assiégés<br />par les eaux jaunes d’un flot qui cette fois ne se pare<br />d’aucun artifice et ne se donne pas les beautés<br />d’un parfum s’écoulant d’une vasque<br /><br />puis ce seront les mois noirs la saison des décombres<br />les jours de la rumeur montante et de votre rire effronté<br />de votre insolente parole opposée aux langues innombrables<br />que la souveraine emploie lorsqu’elle ordonne ses divisions<br />et entre dans la ville pour établir son trône<br /><br />puis ce sera le mois le pire dont chaque jour<br />s’annonçait le dernier et pourtant faisant face ainsi qu’un soldat<br />aux avant-postes ôte des poussières qui gênent les parvis<br />et les placîtres laineux de la nécropole jouant d’un doigt léger<br />sur une cithare de coquillages sa chanson tendre pour accueillir<br />dignement la reine livide dans son appareil de guerre<br /><br />Puis ce sera le dernier jour celui où vous me disiez<br />Père connaissez-vous cet air et voulez-vous que je vous le chante<br />encore<br />Nous aurons alors atteint le faîte de l’édifice ce cairn édifié<br />au cours de tous ces jours qui nous rapprochent <br />de l’étoile Elle ajoute ses feux aux ondes jaunes et noires<br />et mire ses éclats sur les flancs brillants<br />de la nécropole intérieure dont tous les jours sont<br />le dernier jour recommencé<br /></p><p><span style="font-size: xx-small;"><i>Mardi 7 septembre</i></span><br /></p>Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-22365136472077496552021-08-31T09:43:00.003+01:002022-06-21T13:30:11.036+01:00 211. RomanOu bien <br />comme dans un livre de Raymond Carver<br />ou de Richard Ford on pouvait aussi rencontrer ce genre<br />de type mal réveillé revenant dans sa <br />maison de vacances de la Nouvelle Orléans<br />où il suspend ses feuilles dactylographiées à des<br />pinces à linge façon Céline<br />Il croise<br />dans un pub irlandais une fille dans la mouise<br />ça fait un départ pour une histoire sombre<br />il faut accumuler beaucoup de noirceur<br />Ensuite lâcher son encre dans un brouillard <br />typographique et produire<br />assez de plomb pour nourrir la Pince à Linge <br />—la fille du pub de cette histoire<br />avec ses yeux qui trouent les décombres<br />et sa diction et les mots partout pas où il faut <br />mais les yeux si partout<br />ça commencerait juste au moment où<br />lui trop mal réveillé pour voir le clapot de marée<br />mais assez pour entendre sonner la détresse<br />qui lui noue la gorge à cette enfant Elle<br />a rendez-vous demain à la Nouvelle Orléans <br />pour son échographie<br />pas celle de ma mère plaisante-t-elle la mienne<br /><br />Notre écrivain aurait rédigé<br />debout devant sa portative au bout du rouleau<br />Cette machine imprimait les lettres <br />comme pour les graver tombales<br />Et lui l’écriveur avec sa tête mal agencée<br />dans un geste théâtral il aurait commencé par embrasser <br />l’espace <br />—c’est l’espace qui fait l’histoire<br />parce que la tragédie est déjà inscrite dans le décor<br />oui c’est dans l’espace que vibrent les corps<br />pérore-t-il les jours d’euphorie<br />en se souvenant des cours de Paul Valéry<br />va laisse parler ton vieux sang de raconteur <br />ton Jack Kerouac intérieur<br /><br />— On en était à l’inventaire du lieu<br />ancien port de haute époque<br />Se résumant à deux rues affichant en remords<br />des vitrines passées au blanc d’Espagne<br />de vieilles enseignes Kodak Kaltex<br />parfois un quatuor de pianos poussiéreux y font comme <br />un quadrille de squelettes dans les clichés Urbex<br />un môle enlisé se souvenant des grands voiliers<br />trois quatre barcasses<i> </i>défoncées une étendue<br />d’herbiers gagnant sur l’envasement en cours <br />la Loire n’en a plus rien à faire de la rive sud <br />elle change de trottoir la Loire et se retire<br />par vagues les atterrements primitifs ont reculé de <br />deux cents mètres<br /><br />maintenant <br />c’est plus que boulodromes<br />sur quoi d’ex-OS de chez Kuhlmann<br />anciens du plomb et ammoniaque<br />sont devenus ténors du carreau<br />Le lundi le Renaldo Food Truck et ses fish and chips<br />et là au bout du quai cette lampe de chevet—<br />le seul phare de l’estuaire portée vingt kilomètres<br />puis le quai Gautreau sous sa frange de platanes<br />après il y a la vedette grecque <i>Rien de trop</i><br />à ce même niveau du quai Boulay-Paty la façade <br />en composants électroniques devant laquelle<br />fait halte<br />une cycliste stylée en short siglé Duncan Cotterill<br />nom d’un cabinet d’avocats de Nouvelle-Zélande<br />qui prend plusieurs clichés de la maison —<br /><br />Puis<br />Les fileyeurs <i>Mine de Rien C’reparti</i><br />Le <i>Pas sans peine</i> emplumés jusqu’au plat-bord<br />Dans la turquoise du chenal un remorqueur chasse devant lui<br />un bouillonnement de tulle<br />le Hangar exposition des peintres français<br />et des feintes de la narine<br /><br />Après <br />quelques épaves comme la vedette Rescator III<br />on a les buveurs assis devant leurs 8,6<br />qui sont comme des pièces d’échecs offertes à leurs<br />calculs tactiques ils jouent plusieurs coups à l’avance<br />et en bord de cale les pêcheurs tatoués<br />de congres — genre de flasque ichtyosaure<br />c’est eux maintenant qui mènent le monde<br />et dictent la ligne du fleuve—<br />ces prédateurs immangeables se pêchent à la sardine<br />ils dévorent tout sandres brochets merlans de vraies<br />allégories de l’économie de profit maximal<br />même les pigeons y passent en coupe-faim <br /><br />juste après <br />Le sabot de Vénus<br />tabac presse appâts vivants<br />où Dodo essaie une nouvelle vapote arôme fougère rousse<br />et Momo narre ses austérités héroïques de tambour-major<br />au vert depuis sept ans bien carré sur ses deux pieds<br />fermant la marche de l’armée prolétaire<br />Pour clore l’angle de la cale les semi-masures<br />place de la Frégate Aréthuse <br />et puis la maison natale d’une gloire<br />un Pitre qui publia les premières nouvelles de Jules <br />Verne dans son grand quotidien parisien<br /><br />un peu plus loin <br />après l’ancien café Navigateurs<br />(avec le « a » quille en l’air)<br />un camping-car fossilisé sur son trottoir en face<br />de la boulangerie bleue et autre maison bleue <br />l’ancienne gendarmerie murée rue Pitre-Chevalier<br />c’est là qu’il démarre ton chapitre<br />c’est dans ce capharnaüm que tu situeras<br />les yeux gris l’échographie pas de ma mère et <br />T’étais parti<br />sur quoi Oui la fille de quatorze quinze<br />les yeux gris-verts le petit tablier nylon à fleurs<br />on mettra tout ça au clair ou alors pas<br />mais laisse reposer maintenant<br />Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-30997976425345421012021-08-15T17:39:00.001+01:002022-06-21T13:30:13.476+01:00190. Pog<p>C’était une nuit d’août où la traîne des comètes<br />Prend à l’Infini ses poussières brûlantes<br />et les sème dans sa ronde sur la sombre percale<br />« Cassiopée est au bal » murmurent les cavaliers<br />— ils disent Ciel mais leur coeur voit le roc insigne<br />et pense Tombe —Les chevaux sellés nous allions<br />à nos côtés Galehaut Galaad peut-être Perceval<br />Nous cheminions le pas ferme sous un ciel clair<br />qui déroulait très haut ses frondes de cristal<br />autour du château qu’on nomme ici l’antique Pog<br />puy poing dressé signe de mystagogue<br /><br />Là où parmi les rocs se dresse le bouclier<br />— émeraude de douleur et créneau expugné<br />—Montségur— Forteresse ascendante<br />Droite dans le soufre et sa gloire tremblante</p>Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-66332513771416583492021-07-28T08:56:00.006+01:002022-05-13T13:25:22.080+01:00 177. Nicole<p><br /><br /><span style="font-size: x-small;"><i>À René</i></span><br /></p><p><br />Jour après jour la neige qui pleut des greniers <br />saupoudrait ses jours Sur le genou seul resté <br />un peu de cendre souvent<br />déposait sa dîme comme la lune<br />sur la tête des oiseaux dans l’eau qui clapote<br /><br />Ainsi qu’une voyante dans sa ruelle<br />au chef couronné d’un buisson de houx<br />elle lit le grand livre des étincelles<br />et déchiffre l’univers de sa margelle<br />Un peu de malice allumait son oeil<br />qu’embuait les vapeurs de soupe au choux<br />tandis que sa jambe la portait aux fourneaux<br /><br />Oui je peux encore l’apercevoir <br />je vois une silhouette années cinquante je la vois<br />marcher sur les passerelles du quartier ouvrier<br />jetées sur des briques quand la Loire déborde<br />Les pieds agiles des filles du faubourg<br />savent marcher sur les rigoles du fleuve égaré<br />je la vois voler en jasant jusqu’au milieu de la ville<br />traverser le cours Cambronne à la manière des moineaux<br />je vois la primevère à travers les branches du saule pleureur<br />et la fauvette dans les griffes lance encore son chant<br />Sur Nantes où prospérait le couvent <br />bagne urbain de la rue de Gigant<br />prison d’orphelines arrachées à leur milieu<br />Ogre Gigant dévoreur d’enfants perdues<br />de saute-ruisseaux non réclamés des tribus<br />prolétaires passant d’une mère épuisée à une mère supérieure <br />et des singeries de la rue à la machine à coudre Singer<br /><br />La rafle des filles errantes happait celles<br />du Chantenay ouvrier vivant dans un palais délabré<br />un atelier pour elles et pour les marguerites sabrées<br />par les sévices réservés aux jouvencelles<br />du faubourg à qui la cornette enseigne l’unique métier des bonnes<br />celui de coudre et de courber l’échine<br /><br />Cependant dans les bois sombres j’entends un chant rebelle <br />celui d’une ronde enfantine sur un tapis de trèfle blanc<br />C’est un rêve je la vois chanter un air à danser de son Trégor<br />oui je l’ai surprise plus jeune dans cette vision des champs<br />peut-être y danse-t-elle maintenant sur un tapis de boutons d’or<br />une flûte y chante sans voir une dame blanche à l’abri d’une treille<br />qui la regarde danser et médite d’un oeil de foudre: <br />un jour nous l’aurons cette sans-pareille<br />qui danse sur les mousses et ne sait pas encore coudre<br /><br />Plus tard la veille d’être libre les blanches la tondirent<br />pour la maudire encore jusque dans sa liberté<br />Ce matin les épaules de René ne portent que ses larmes <br />Elle est bien maintenant dit-il Là où elle se trouve est le paradis<br />Nicole a refermé son parapluie</p>Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-31709299089672413142021-07-05T13:48:00.006+01:002022-06-21T13:30:19.604+01:00155. PompidouMoment inévitable — celui<br />où le poème baisse les armes<br />à ce stade je ne puis rien pour vous<br />dit la muse<br />vous touchez au point zéro Ce creux ce vague<br />où l’aède vanné se vide<br />implore le pardon pour ses rimes fautives<br />ses rythmes bancals et les syllabes malhabiles<br />et puis sans le goût de parvenir<br />que fait sur terre un poète<br />et enfin chanter passe encore mais rimer à cet âge —<br /><br />Celui qui écrit ces lignes se reconnaît<br />dans plusieurs des épitaphes prononcées<br />par Georges Pompidou dans une célèbre<br />Anthologie de la Poésie Française<br />(elle n’acceptait que des morts<br />écartant le vivant le schizoïde à vers libre<br />plutôt cimetière donc que florilège)<br />On a depuis longtemps oublié le Président<br />on se souvient encore du lettré<br />dont le florilège poétique fit autorité<br />de ses avis voici l’anthologie bien condensée —<br /><br /><i>Il était né pour d’autres époques pour être troubadour<br />ou pour la chambre bleue d’une marquise de Rambouillet<br />Il n’a écrit que de menus poèmes<br />Il y a dans son œuvre grimaçante beaucoup de la<br />nostalgie d’un génie qui n’a pas su éclore<br />Aurait-il su se dégager de l’amertume et du grincement<br />je le crois</i> —<br /><br />Poète si tu te sens visé par Georges Pompidou que peux-tu répondre<br />d’autre que <i>pom pom pi dou</i><br />il me revient l’anecdote<br />contée hier au bistrot par mon sonneur attitré Gilles Vaillant<br />d’une adolescente fugueuse aux trousses de qui<br />la police lançait un chien pisteur après lui avoir donné<br />ses chaussettes à humer<br />pour retrouver sa trace<br /><br />Une nouvelle fois arrêtée<br />Au poste de police l’enfant se tourne vers le chien<br />ôte une de ses baskets la renifle et lui dit<br />Médor je n’envie pas ton métier<br /><br />Ainsi en va-t-il de Pompidou qui humait les odelettes<br />des poètes<br />remuait la queue en disant c’est du bon vers de France<br />(évoquant Verlaine Hérédia ou Perse)<br />ces stances qui fleurent le lyrisme inégalé<br />du génie français<br />et les rangeait dans un livre<br />Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-47292601269979907852021-06-24T06:34:00.007+01:002022-06-21T13:30:24.215+01:00143. Ormes<p><br /><br />Pour voir où le cosmos a commencé<br />pour conquérir l’espace<br />il y a la cime des bois<br />les jambes nues pour y grimper<br />L’ombelle poudreuse des ormes<br />résonne des voix accentuées d’envers<br /><br />On respire mieux à la proue des arbres<br />la tête aux feuilles et aux bourdons<br />on se rêve tout armé de rosée<br />on boit au nuage s’il passe à portée<br />et le chant ce chant une grappe<br />que l’on cueille au passage de la barque aveugle<br />ce baiser que l’on vole à l’azur<br />à la hauteur de la gorge des grands arbres<br />où l’enfant voit passer les bateaux et la neige</p><p> </p><p><span style="font-size: xx-small;"><i> 143. Mercredi 23 juin. Arbres</i></span> <br /></p>Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-39783272498918975742021-06-22T13:32:00.000+01:002022-06-21T13:30:27.120+01:00142. Silex<p><br /><br />Cette flèche taillée n’est pas un miroir de fille<br />mais le sourire des yeux qui dorment sous terre<br />pose sur ton visage le masque d’oiseau<br />chemine sur le bord éclairé des collines<br />là où sont les villages enfouis<br />tu la sentiras quand elle te percera le cœur<br />tirée d’un arc depuis l’autre versant du sommeil<br />le silex des beautés qui passent dans chaque<br />clignement d’étoiles.</p><p> </p><p> </p><p><span style="font-size: xx-small;"><i> (142. Mardi 22 juin. Silex)</i></span> <br /></p>Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-74544861858194486332021-06-14T08:57:00.000+01:002022-06-21T13:30:30.851+01:00Poème 132: Cinéma<p><br /><br />Adieu tilleuls du matin et chauve-souris du soir<br />Je vous laisse seuls pour ce jour après des mois<br />à vous respirer <br />à me glisser dans vos trajectoires<br />à être ces fines membranes qui parlent avec la nuit<br />ce soir nous allons au cinéma voir comment<br />d’autres membranes parlent d’autres nuits<br /><br />les Bains-douches programment des courts métrages<br />du Sénégal et de Turquie<br />un voyage à Mbeubeus dépotoir d’ordures de Dakar<br />un voyage dans la roue de Firat un enfant des rues<br />qui trouve une bécane avec une seule roue<br />qu’il transporte dans un monde enneigé crépusculaire<br />Il y a aussi cet homme qui conduit un taxi invisible<br />dont il tient cependant le volant équipé d’un rétroviseur<br />pour emmener une passagère à pied jusqu’à son bureau<br />tel est le bonheur de ses jours<br />ce film turc a été tourné avec l’acteur Denis Lavant <br />à Bruxelles et Istanbul sur les rives du Bosphore<br />Mais je ne vous raconte pas le film parlons plutôt de la mer à Saint-Nazaire<br />en fait de métrage il est immense celui-ci<br />Avant la séance suivie sur des chaises éloignées les unes des autres<br />nous nous étions baignés dans la petite anse du centre nautique<br />Pleine de cailloux eau un peu trouble avec le tango des vraquiers<br />au large et la valse des remorqueurs qui font<br />leur danse éléphantesque sur les flots écumants<br />Un petit sablier rouge est aussi passé faisant route vers le sud<br />ce n’était pas un paysage du passé nous ne nous étions jamais<br />baignés à cet endroit il n’y avait aucun<br />« tu te souviens » entre nous et cette plage et puis<br />les humains s’y trouvaient en harmonie<br />comme dans un tableau de Maurice Denis<br />comme les coquelicots sont dans les champs<br />il n’y avait rien à ajouter dans cent ans la crique sera encore là<br />le film ne s’arrêtera jamais il n’y a que nous de court<br />dans ce festival<br />et il n’y aura toujours rien à dire de plus que<br />nous étions là sans aucune envie d’être ailleurs<br />Nous avons aussi vu un peu plus loin<br />sur cette grande plage qui ressemble aux ramblas de Barcelone<br />un couple allongé sur une serviette<br />partageant du vin rosé</p><p> </p><p><i> (132. Samedi 12 juin. Cinéma)</i> <br /></p>Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-85294353166921672362021-06-10T08:23:00.005+01:002022-06-21T13:30:34.231+01:00129: Tilleul<p><br /><br />Si ce jour offre matière à mélodie<br />elle ne chantera pas un grand voyage à travers les villes<br />et les tourbillons d’un fleuve<br />Il ne faudra pas faire reposer ses coursiers<br />ni trouver une auberge aux limites du district<br />Le but du trajet était ce grand arbre au bord du canal<br />de la Martinière au village du Migron<br />Ses fleurs épanouies et ses bractées vert tendre<br />embaument — une pagode de parfums <br />à douze jours de l’été le tilleul fête le printemps<br />et le début de la saison des fleurs et l’ivresse des guêpes<br />et la douceur des stipules et l’immense coupole<br />qui est un temple que les abeilles visitent<br /><br />Au loin sur la Loire un vol de canards remontait l’estuaire<br />et au plus près une jeune fille aux cheveux tressés <br />avec qui partager sous ce toit d’arômes<br />le métier impromptu de la cueillette des fleurs sacrées<br />au sommet de la montagne verte des parfums<br />et dans le pavillon des senteurs <br />auprès de la même cassolette de bronze où brûlent<br />les derniers jours du printemps</p><p> </p><p><i> (129. Mercredi 9 juin. Tilleul)</i> <br /></p>Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-62869438539955727302021-06-02T13:03:00.001+01:002022-06-21T13:30:41.544+01:00119. Charmes<p>1.<br />Fleur de coq <br />aux yeux plus vifs qu’une lune de mai<br />fait rougir qui la regarde<br /><br /><br />2.<br /><br />Qu’écrivez-vous donc?<br />Des haïku?<br />— Haïku, jamais.<br /><br />3.<br /><br />Des amis d’amis<br />Dans le jardin<br />Brise d’été pour l’esprit<br /><br />4.<br /><br />Terrasse de Loire<br />Le lit du fleuve<br />un hamac<br /><br />5.<br /><br />La soirée glisse<br />arche de paroles —<br />n’oubliez pas le couvre-feu<br /><br />6.<br /><br />Si tu t’en approches<br />le merle emporte<br />son chant dans l’autre jardin</p>Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2619844620388856826.post-69076608663388354362021-05-29T10:23:00.000+01:002022-06-21T13:30:45.056+01:00116. Benne<p> <br /><br /><br />À 11:37 un coupé Porsche huit <br />cylindres de 4 litres <br />550 chevaux<br />0 à 100 km/h en 3,9 secondes chrono<br />vitesse maximale de 286 km/heure<br />soit la vitesse au décollage<br />d’un A 340 ou d’un jet<br />Prix d’appel 149 217<br />émissions de CO2 de 268 à 289 g/km<br />Fait son entrée à la déchet’<br />de Saint-Brévin-les-Pins <br />le coffre arrière <br />s’ouvre une femme<br />en tire un objet le jette à la benne<br />puis remonte dans son coupé Cayenne<br /><br />la scène a duré moins de deux minutes<br />l’homme d’astreinte<br />grande pelle gilet jaune fluo<br />laisse échapper une plainte<br />au soupir du V8<br />sidération aérolithe<br />elle a (dit-il) tout en double sous le capot<br />carburateur soupapes biturbo<br />ça double tout l’élite<br />lunettes noires et manteau<br />luxueuse caisse et bonne trieuse<br />Cette Aphrodite est pas réelle<br />Si tous les riches étaient comme elle</p><p> </p><p><i>(116. Jeudi 27 mai. Benne)</i> <br /></p>Chien de lisardhttp://www.blogger.com/profile/13036862081813821019noreply@blogger.com0