mardi 17 mars 2015
Opéra La ville morte : quels jolis spectres !
Chacun dans sa case, les vivants comme les morts, et les spectres seront bien gardés. L’argument de La ville morte peut sembler un peu mince, avec une fin qu’éviterait un apprenti scénariste (ce dénouement en forme de rêve, qui désamorce la dimension fantastique du thème, semble avoir été imposé par le père du compositeur). Mais c’est par sa musique que l’opéra La ville morte est entré dans le répertoire, et se joue partout dans le monde. Erich Korngold était le petit Mozart de la Vienne des années 1920, celles de Stefan Zweig et Freud. Sa musique à facettes est un déluge de décadence gothique. La « mélodie infinie » charrie de belles pépites, comme la chanson de Marietta (Glück das mir verlieb, le bonheur qui m’est resté), grand numéro d’opéra mais aussi air à la mode qu’on pourrait fredonner sous sa douche. On trouve aussi des sonneries de cor et de cloches, incarnant la religiosité pétrifiée d’un veuf garde-fantôme. Au-delà de la trouvaille d’une scénographie compartimentée, qui gomme le réalisme macabre de Bruges-la-morte, le metteur en scène Philipp Himmelmann sait habilement mixer le Thriller de Michael Jackson avec le Vertigo d’Hitchcock (une autre histoire de sosie), pour donner à cette œuvre des couleurs contemporaines. Et quel joli spectre qu’Helena Juntunen, Marietta aux airs de Carmen d’outre-tombe !
Daniel Morvan.
Au théâtre Graslin, Nantes, mars 2015. Et reprise à l'Opéra National De Lorraine (Nancy) où il a été initialement créé, du mardi 21 avril 2015 au jeudi 30 avril 2015.
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