Gérard Guérif, interprète de ce magnifique hommage au père |
Il faut voir « Pas un tombeau », hommage émouvant d’un homme d'âge mûr à son vieux père. Et à travers lui, à tous les pères. Il faut aller voir ce joli moment de théâtre. Vous penserez à votre père, à vos enfants, vous verrez comme personne n'est mieux observé qu'un père par son fils... Composée de 280 anamnèses (souvenirs d'enfance recueillis sous forme d'une liste à la Pérec), cette pièce de Bernard Bretonnière est mise en scène par François Parmentier, avec l'acteur Gérard Guérif, qui porte ce texte avec verve et émotion. Déjà représentée une cinquantaine de fois "chez l'habitant", François Parmentier en propose une version plus théâtrale, au studio St Georges des Batignolles à Nantes.
Entretien
Bernard Bretonnière, auteur, traducteur, poète.
Quel est le sujet de cette pièce, qui semble dérouler devant nos yeux, comme un immense diaporama, les épiphanies d'une enfance ?
Le sujet de ce monologue devenu pièce par la volonté d’un comédien et d’un metteur en scène (que je remercie vivement !) est un « sujet » vivant, et unique : mon père. J’ai voulu évoquer mon père vivant, et de son vivant (il a aujourd’hui 93 ans), quand la plupart des écrivains ne consacrent de livres à leurs pères qu’après leur mort. J’ai vu dans ce projet d’écriture une forme de défi qui, bien sûr, remettait en question jusqu’aux temps de conjugaison, le présent n’étant pas révolu, ni le remords de n’avoir pas dit plus tôt, avant. J’avais encore la volonté de ne pas verser dans l’éloge ou l’hommage comme on est tenté de le faire post-mortem, je ne voulais pas faire ce que l’on appelle, en littérature, un « tombeau ». Ce père, comme tous les pères, a des défauts que le texte rappelle, ils ne sont ni oubliés, ni cachés.
Comment la mise en scène de souvenirs est-elle abordée ?
Le metteur en scène, François Parmentier, a voulu placer chaque représentation dans un cadre intime, une façon de cercle de famille, en le jouant d’abord chez l’habitant. Les souvenirs ne sont matérialisés que par la projection d’images extraites de films familiaux d’amateur (du vieux Super 8). Mais la prééminence reste à la parole : un fils raconte, confie, se souvient tandis qu’il dîne frugalement, seul, mais avec quelques chansons et musiques toujours liées à son père. À partir de cette figure particulière dont il fixe la mémoire particulière, il veut, il espère parler de tous les pères, et à tous les enfants.
Vous dites lui faire parler « une langue d’avant la TSF ». Qu’est-ce au juste que cette langue ?
J’ai voulu retrouver les mots passés de mode qu’emploie, souvent encore, mon père, comme la plupart des gens de sa génération : ainsi, la TSF, Paris-Inter, tourne-disque, réclame, etc. La langue traduit toujours une époque, et entendre aujourd’hui ces mots qu’on dirait « obsolètes » devient savoureux, et même touchant. La langue d’un père, avec le vocabulaire et les expressions « de son temps » n’est pas la même que celle de ses enfants ; et elle les amuse…
Recueilli par Daniel Morvan.
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