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Daniel Morvan
Mireille Delunsch a impressionné le public bordelais par sa direction d'acteurs. Soprano, elle signe sa première mise en scène avec l'opéra de Poulenc. Anne-Catherine Gillet chante le rôle de Blanche de la Force.
Trois questions à ...
Mireille Delunsch, metteur en scène.
Quelle est l'histoire des Dialogues des Carmélites ?
C'est l'histoire de seize religieuses du carmel de Compiègne exécutées le 18 juillet 1794, onze jours avant la chute de Robespierre. C'est une histoire vraie : ces carmélites furent guillotinées pour avoir conservé un portrait de Louis XVI et des vêtements des rois mages de la crèche royale. Le témoignage de la seule rescapée fut publié et inspira une nouvelle à une fille d'officier prussien, Gertrud von Le Fort. Bernanos écrivit les dialogues pour un film inspiré de cette nouvelle. Francis Poulenc rédigea le livret de son opéra à partir de ces dialogues posthumes.
Pourquoi les Dialogues sont-ils considérés comme l'un des plus grands opéras de tous les temps ? Parce qu'ils évoquent la terreur de la mort ?
La première fois que j'ai assisté à cet opéra, j'ai été fascinée par sa grande singularité : voilà un ouvrage sans histoire d'amour, sans brio, sans rien à montrer, sombre, intimiste. Un objet hors du commun. J'ai chanté Blanche de la Force il y a vingt ans et j'ai approché le secret de ce grand classique, classique comme du Verdi alors même que son langage musical n'a rien de moderne (il est contemporain du Marteau sans maître de Boulez). C'est sa construction parfaite qui lui permet d'échapper à l'oubli promis aux œuvres qui ne sont pas de leur temps. Ce qui est fantastique, c'est la progression dramatique, rythmée par le couperet de la guillotine et par les voix qui s'éteignent l'une après l'autre, les cierges s'éteignant aussi un à un [les lumières sont signées Dominique Borrini].
C'est votre première mise en scène puisqu'à l'origine vous êtes chanteuse d'opéra. Qu'apportez-vous de neuf ? Votre direction d'acteur ?
J'ai un imaginaire prédisposé à la mise en scène, j'ai des visions (par exemple une croix de plexiglas avec un Christ momifié...) que je confie au décorateur Rudy Sabounghi, qui reste ensuite libre de ses choix. Quant à la direction d'acteurs, je m'efforce de rendre cohérent le parcours psychologique des chanteurs, en travaillant cet aspect, partition en main. Je veux dire que le mouvement doit précéder la parole, que la vérité musicale doit déjà s'exprimer dans l'interprète avant la première note de musique. Je ne crois pas à l'idée de « la musique avant tout », prima la musica : il faut trouver une spontanéité dans la convention de l'opéra, retrouver la confiance dans le texte en dissociant geste et chant. Je me souviens de la première leçon que j'ai reçue comme comédienne : le metteur en scène, constatant que je disais le texte mécaniquement, m'obligea à le dire tout en empilant des sucres en pyramides. C'est cela : ne pas être passif devant la partition, mais vivre le rôle avant de chanter la musique.
Daniel MORVAN.
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