Colyne Morange dans Trtff-Les gens importants, au TU Nantes |
Carte blanche à Colyne Morange: belle idée que de confier à une artiste la liberté de ses préférences, en dehors de son propre travail dont on sait comme il est miné par le doute. L'idée neuve jetée sur le plateau avant filtration...
Thibaud Croisy ouvrait le bal sur le thème de la première apparition de soi dans le ventre de sa mère.
Cette création 2017 (La prophétie des lilas) s'appuie sur un dispositif très posé: le comédien et auteur dit son texte d'une voix neutre et intériorisée (on croirait entendre du Modiano) pendant qu'une assistante dispose sur un agrandisseur les images de sa vie: maison de sa mère, clinique des Lilas où il est né, carte d'identité, parties de soi conservées dans une boîte (dent de lait, mèche de cheveux), photo de la maman en vacances, emails de sa mère et planches d'un manuel de gynécologie... A partir d'une rencontre avec un monsieur Johnson, le gynécologue et obstétricien de sa mère, le narrateur s'engage dans une enquête aux origines de son monde, pour découvrir ce M. Johnson retraité, autrefois militant de l'IVG, et maintenant obsédé par une idée: l'inventaire des diverses manières dont on interdit à chacun la liberté de son propre corps. Or, il se souvient d'une phrase que lui adressa ledit obstétricien, ce fameux soir de la prophétie des Lilas: pour être vraiment libre de soi et de son corps, deviens créateur, deviens artiste. M. Johnson met en avant un concept mystérieux: celui de l'indisponibilité du corps humain, principe juridique posant des limites à la libre disposition de soi, le corps n'étant pas une chose. Le résultat, quarante minutes où le théâtre devient la salle de travail d'une nouvelle naissance à soi-même...
L'échec de l’œuvre, l’œuvre de l'échec
Second volet de cette première soirée, Colyne Morange nous emporte dans ses variations sur et les mille manières de ne pas créer un spectacle (Trtff- Les gens importants). Reprenant un dispositif classique où l'échec de l’œuvre devient l’œuvre de l'échec, elle confronte son vouloir-jouer, son vouloir-créer à l'acide du doute et de la non-confiance en soi. Ce faisant, elle montre l'édifice de tâtonnements et de titubements sur lesquels s'appuie l'audace d'un geste, d'une phrase. On devine une critique des modes de management dans l'usage parodique fait des post-it géants, issus des brainstormings d'entreprise: ici, la comédienne saute physiquement d'une injonction à l'autre, comme dans une marelle du surmoi artistique, selon qu'elle entend faire preuve de sincérité, de courage, d'écoute, d'éco-responsabilité, d'indépendance, d'esprit. Toutes ces conditions remplies permettraient un bon spectacle, si le sentiment d'imposture, combiné à un dilettantisme avoué, ne venait anéantir tant de bonne volonté. Colyne Morange, quand le sentiment d'être de trop finit par vous rendre indispensable!
Daniel Morvan.
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