L'histoire.
Un homme revient pour banal séjour dans sa ville natale de Limoges,
afin de se recueillir sur la tombe de sa soeur. Pétri d'images
négatives de cette ville mal-aimée de ses propres parents
originaires du Nord, il finit par succomber à son charme.
Pourquoi
le lire? Le récit de Pascal Herlem est tout imprégné d'une grâce rohmérienne, malgré la fixation névrotique du narrateur sur les marques et les
étoffes de l'après-guerre. Cet inconditionnel du tergal mi-saison gris moyen, du
rasoir Sunbeam deux-têtes et des chaussures en vachette feuille
morte se confond aisément dans le paysage urbain d'une ville qui
ressemble au Clermont-Ferrand de "Ma nuit chez Maud". Sa
Maud à lui sera la réceptionniste de son hôtel, Rita. L'humour
froid du récit rehausse la grisaille vinage d'une Toussaint de porcelaine,
saturée de trembleuses à décor floral et de bergères avec
agnelet.
La presse locale fulmine, rappelant que Limoges possède aussi des
start-up, mais notre Pierrot lunaire a mieux à faire: après s'être
raisonné, il succombe à la Diane chasseresse qui l'emporte bientôt
dans sa Renault suréquipée... Il ne manque pas d'humour, ce grand schizoïde en "slip académique de coton côtelé"
qui revient au pays des morts et s'embarque pour Cythère, pour une traversée pudiquement éludée. La focalisation sur les objets et le silence sur la vie amoureuse se rencontrent pour faire de ce livre un élégant traité de l'ellipse.
La
citation. "Du coffre j'extrais mon bagage, une pesante mallette
en texon Cordoual de nuance noire, gros joncs et piqures façon
sellier, intérieur entièrement doublé de rayonne bleue, ainsi
qu'une serviette de forme dite américaine en skaï noir, grain façon
phoque, et mon trench-coat mi-saison chocolat, que je me suis acheté
pour la circonstance, idéal pour un temps de Toussaint avec son
déperlant de qualité supérieure."
Daniel Morvan
Pascal Herlem: Limoges. 2017. L'arbalète Gallimard, 134 pages, 15,50€.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire