Dominique Barbéris, romancière. © éditions Gallimard
Vous enseignez l’art d’écrire dans un atelier d’écriture à la Sorbonne. Vous avez un truc pour construire un roman ?
Franchement, la construction n’est pas mon fort. Chacun anime son atelier selon ce qu’il est, et je pars du fait qu’un texte tient d’abord par la qualité de sa langue, aussi mes cours sont-ils orientés selon cet axe. Lorsque j’écris, la structure du livre ne se dégage que lentement, j’écris une première phrase et les images viennent. Ainsi, mon dernier roman, La Vie en marge, est d’abord un livre sur la neige. Une fois que j’ai cette atmosphère, j’essaie de trouver une histoire. Par exemple en puisant dans les faits divers : pour ce livre j’ai pensé à l’affaire Dupont de Ligonnès. Je suis un écrivain de la description, je considère que décrire c’est penser. On a parlé d’atmosphère à la Simenon à propos de mes livres, mais je n’en ai lu qu’un, qui ne doit pas être le meilleur…
Mais vous êtes aussi connue comme préfacière. Quels sont les livres qui vous inspirent ?
J’adore les romancières britanniques, pour leur humour triste, les amours entre célibataires de campagne et pasteurs anglicans. Barbara Pym est capable de montrer des gouffres de solitude à travers le contenu d’un filet à provisions, et cette faculté de montrer de grandes choses par des petites choses est tout l’art des romancières anglaises que j’admire.
Mais il aura fallu l’Académie de Bretagne pour dévoiler vos origines nantaises…
Ma famille est de Montbert et a ensuite vécu à Orvault. J’ai été élève à Saint-Félix et Saint-Dominique, mon père était fonctionnaire à l’outre-mer, puis au service état-civil du Ministère des Affaires étrangères. J’ai vécu à Nantes entre les 11 et mes 18 ans, mais cela ne s’est pas su avant que l’Académie le remarque !
La Ville, titre de votre premier roman, s’inspire de Nantes ?
Oui, il y a quelque chose de Nantes, en particulier Madame de Senonnes, le tableau d’Ingres. J’adore son décolleté, que je n’aurai jamais !
Normalienne et agrégée, vous avez été une brebis égarée de l’enseignement ?
J’étais sans doute plus adaptée aux concours qu’à l’existence, et mon trajet oscillant m’a même conduite dans l’univers de l’entreprise. Un groupe d’assurances où j’ai été repérée comme divergente en moins d’une semaine. On m’appelait « la Sévigné du groupe », je portraiturais les chefs de service, c’était une atmosphère rance d’élastiques récupérés, on m’a jugée insolente et on m’a virée sans indemnités. Mon chef de service, qui m’avait d’abord jugée distrayante, m’avait fait promettre de ne pas écrire de roman sur l’entreprise. Mon roman Les Kangourous est inspiré de cette expérience.
Recueilli par Daniel Morvan.
La vie en marge, éditions Gallimard, 2014. 178 pages, 15,90 €. Prix Christine de Pisan.
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