jeudi 21 mai 2015
René Martin, l'homme qui fait pousser les festivals de musique
Le fondateur de la Folle journée lance deux nouveaux festivals: l’un à Séoul en 2016, l’autre à Saint-Florent-le-Vieil fin mai. L’un des plus grands organisateurs de concerts reste attaché à ses racines.
Dans son bureau, les piles de disques mangent une partie de la lumière. Rue Anne-Marie du Boccage (le nom d’une tragédienne amie de Voltaire), le CREA œuvre en toute discrétion. Le Centre de Réalisations et d'Etudes Artistiques emploie huit salariés. Une petite structure associative, une véritable ruche qui n’a pas la réputation de papillonner, autour de René Martin. « Tout est négocié ici, c’est un gain de temps, assure-t-il. Et si je fais le compte, nous organisons 1500 concerts par an. » 300 à la Folle Journée de Nantes, les autres dans le reste du monde.
Les deux dossiers en cours sont éloquents. Une méga salle de spectacle vient-elle de sortir de terre à Séoul? La Corée pense aussitôt à René Martin, comme lui pense à la Corée. Il montre la plaquette de présentation du DDP Séoul (Dream Design Play). De cet énorme zeppelin de métal et de verre, émane comme un désir de Folle journée. La délégation coréenne a profité d’un voyage au Japon du maestro nantais pour lui vanter les charmes de leur DDP. « Oui, on peut tenter Séoul en 2016 après le Japon », médite René Martin, évaluant l’économie réalisée sur les frais de déplacement des orchestres et solistes.
Car il ne dit pas oui à tout. « Berlin? Ils me relancent, mais ils ont déjà tout à Berlin. Mais Ekaterinburg, oui. C’est la 4e ville de Russie, le besoin est réel. Tout comme Tel Aviv, une ville d’une forte vitalité: eux aussi ont besoin d’une Folle journée. »
Vu de loin, on pourrait imaginer René Martin en cerveau surpuissant, véritable machine à fabriquer des festivals, des programmes, agencer des concepts. Et c’est le cas!
Mais ça ne dit pas à quoi marche René Martin. Qu’est-ce qui le fait courir? Une passion insensée pour la musique et les musiciens, bien sûr. Le goût de l’organisation, des combinaisons, et la satisfaction de remplir les salles. « Mais il ne faut pas se laisser happer par les grandes capitales, je suis très attaché à mes racines. Il est aussi difficile de remplir une salle de 500 places à Saint-Florent le Vieil qu’à Ekaterinbourg. »
C’est peut-être une clef: ce n’est pas l’ivresse des foules qui l’anime, mais, par exemple, le désir de proposer des transcriptions de lieder de Schumann en secteur rural. Comme quand il faisait écouter le dernier Led Zeppelin à ses copains.
C’est ainsi qu’il a imaginé Le Rivage des voix, dans le village de Julien Gracq à Saint-Florent. « On m’avait sollicité pour organiser le concert de l’inauguration de la maison Gracq, et j’ai découvert une thèse sur Julien Gracq et la musique. » La passion de l’écrivain pour l’opéra, découvert au théâtre Graslin, et sa passion pour Wagner, « tellement surprenante de la part de ce personnage effacé. j’ai iamginé une petite Folle journée des voix, avec des formations comme la capella de Saint-Petersburg, le meilleur chœur du monde... ».
Gracq wagnérien. René Martin, fils de commerçants et ancien batteur de rock qui s’exporte dans l’Oural... Les auteurs ne ressemblent jamais à leurs œuvres. René Martin a lui aussi, bien caché, une fibre, le goût de l’écoute, mais aussi quelque chose de plus chevillé au corps. Il a créé les Folles nuits de Marseille, Nîmes, Grenoble, Noirmoutier, à la salle Gaveau, des festivals à Tours, La Roque d’Anthéron (35 ans cette année), La Grange de Meslay... C’est l’organisateur de concerts classiques le plus courtisé du monde, ses prix sont ceux des artistes, pour qui entrer dans le sérail vaut tous les sacrifices.
Mais ce petit-fils de paysan a aussi à cœur d’animer une « vraie saison musicale à Héric, le village de mon grand-père. J’accorde la même importance et la même écoute à Héric qu’à Tel Aviv. Et si j’évolue dans un monde de forte densité communicationnelle, ici à Héric, je suis juste un gars du pays. Et il viendront à 700 écouter du piano. Juste parce que je suis l’un des leurs. »
Daniel Morvan.
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