Julie Wolkenstein enseigne la littérature comparée à l'Université de Caen. Adèle et moi est son sixième roman. - Crédit Sarah Moon/P.O.L
dimanche 13 janvier 2013
540 mots
Roman. Dans des papiers de famille, Julie Wolkenstein découvre une belle histoire d'amour : celle d'Adèle, son arrière-grand-mère née un siècle avant elle.
Pourquoi Julie Wolkenstein, née en 1968, s'est-elle passionnée pour la vie de son arrière-grand-mère Adèle ? Parce qu'elle a découvert, en rangeant les papiers de son père (l'académicien Bertrand Poirot-Delpech) après sa mort, un journal intime et un « mémoire » dicté par Adèle. Le tout formant comme le roman d'une amoureuse de la vie.
Secrets d'une famille bourgeoise
À partir de ce texte jamais publié, Julie Wolkenstein a écrit un autre livre. Un vaste roman constitué du dialogue entre leurs deux sensibilités, à partir d'un unique lieu familial : la plage normande de Saint-Pair, près de Granville, où Adèle édifia sa maison de vacances, la Croix Saint-Gaud. « C'est ici, à Saint-Pair, dans une sorte de pli du temps que ma vie rejoint vraiment celle d'Adèle. Nous faisons chacune la moitié du parcours. »
Quoi de plus romanesque que la vie de ses parents, de ses ancêtres ? C'est bien ce que découvre Julie en parcourant ces journaux. C'est plein de secrets de famille qui se dévoilent par révélations. Intuitions. Aimée, la mère d'Adèle, était-elle « une femme légère » ? Adèle en hérite peut-être sa distance à l'égard de son milieu huppé, confiant dans les vertus du collier à perles et du serre-tête.
S'agit-il seulement des petits secrets d'une grande famille bourgeoise de Sèvres (dont Charles, son beau mari, en sera le maire) ? Le mouvement du livre est bien plus profond : il procède du flux et du reflux, découvrant comme une grande marée les fonds insoupçonnés d'un érotisme ardent, comme cette émouvante scène d'amour entre Adèle et son futur mari Charles, au clavier d'un Grand Orgue. À elle seule, cette découverte des mots et des usages amoureux réels d'un temps lointain, dans les mots de l'aïeule, justifie ce roman magnifique.
Peu à peu le journal s'évapore, se résume à des listes de films vus et revus, le cinéma devenant un refuge, mais la romancière continue d'épouser cette écriture élégante, ses mots soulignés, en capitales. Et la vie ressemble de plus en plus à une page de Virginia Woolf, lorsqu'allongée dans le bow-window, Adèle écoute du Mahler et attend le rayon vert, la dernière et rare lumière qui s'échappe du soleil couchant. Le rayon vert va-t-il, avant la dernière goutte de champagne, fuser du disque rose fuschia du soleil sur les îles Chausey ?
Daniel MORVAN.
Adèle et moi, P.O.L, 595 pages, 22 €.
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