Entretien avec Erwan Chartier.
Comment vous est venue l’idée de ce nouveau roman, "Marquises" ?
C'est un « roman d’apprentissage », c’est-à-dire qu’il raconte les débuts dans la vie d’un jeune
homme, mais aussi un roman de l’apprentissage du roman. Le tout dans une atmosphère assez apaisée... Comme dit un des premiers lecteurs de Marquises, "on serait bien mieux à Penarland".
(...)
J’ai imaginé que le narrateur du livre était un amnésique contraint, pour se souvenir de sa propre vie, de se la raconter. L'écriture comme exercice thérapeutique, ramenant le sujet à sa vie ou l'en éloignant, selon les caprices de son imagination. De sorte que la situation de départ engendre une succession d’histoires qui se bâtissent les unes sur les autres comme des souvenirs qui s’effacent et que l’on ranime par l’écriture.
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J’ai imaginé que le narrateur du livre était un amnésique contraint, pour se souvenir de sa propre vie, de se la raconter. L'écriture comme exercice thérapeutique, ramenant le sujet à sa vie ou l'en éloignant, selon les caprices de son imagination. De sorte que la situation de départ engendre une succession d’histoires qui se bâtissent les unes sur les autres comme des souvenirs qui s’effacent et que l’on ranime par l’écriture.
Pouvez-vous nous donner quelques éléments sur la trame romanesque de ce texte ?
Le roman raconte l’histoire d’Elie : à l’issue de sa
longue convalescence, après un accident, cet amnésique est accueilli par Louise
de Penarland dans son château, situé sur un estuaire du Pays des Forêts (un Trégor rêvé, le
même espace péninsulaire que celui de "Mai 69" et plus tard de "Lucia Antonia, funambule"). Louise (issue d’une vieille lignée
bretonne et désormais jet-setteuse de l'art contemporain) lui demande de retrouver dans les archives du
château la trace d’un violon ayant appartenu à un enfant disparu, Agrippa.
Cette recherche le conduit vers l’amont du château, jusqu’au « Petit Gibraltar
», un bouge où flotte la mémoire du petit
violoniste, mais aussi l’âcre souvenir d’un effroyable accident d’automobile en
1955. Ces mondes étanches communiquent entre eux: la province des châteaux, les bourgs ruraux, l'aristocratie, l'avant-garde des lettres, la course automobile... Le narrateur remonte à la fois vers ses propres origines et vers celle
d’une certaine Alix, cadette de Louise, qui va le conduire vers la pyramide de
Saqqarah…
- Quelles ont été vos influences lors de la rédaction de cet ouvrage, musicales notamment ?
La chanson du début du livre, « Il a neigé sur
Yesterday », est l’indicatif musical du roman : c’est la chanson de
l’oubli, de la neige qui recouvre les souvenirs
Ensuite, c’est par la musique irlandaise que l’on
retrouve la trace d’Agrippa, le violoniste perdu. Agrippa a quitté sa
famille adoptive pour rejoindre la mouvance électro berlinoise. Il s’est « fondu
dans la musique » jusqu’à y disparaître, son existence se réduisant à celle
d’une phrase musicale.
Le livre est aussi hanté par la musique des gramophones,
par les timbres chauds de Suzy Solidor, Lucienne Delyle, qui semblent habiter le château
de Penarland. C’est Suzanne, la nièce de Louise, qui réveille ces voix
anciennes, pour donner un peu de vie aux soirées d’hiver de Penarland.
Dans son enfance, Agrippa a lié amitié par la musique avec une jeune fille, Tiphaine : cette dernière est la fille d’un compositeur, Jean Cranac’h, un génie touche-à-tout à la manière de Jean Cras, à la fois officier de marine et musicien. Jean Cranac’h sera celui qui enseignera à Agrippa la technique de l’improvisation. Technique qui lui permet de disparaître musicalement pour faire son chemin vers des directions innovantes…
Dans son enfance, Agrippa a lié amitié par la musique avec une jeune fille, Tiphaine : cette dernière est la fille d’un compositeur, Jean Cranac’h, un génie touche-à-tout à la manière de Jean Cras, à la fois officier de marine et musicien. Jean Cranac’h sera celui qui enseignera à Agrippa la technique de l’improvisation. Technique qui lui permet de disparaître musicalement pour faire son chemin vers des directions innovantes…
En matière littéraire, le roman
de gare du XXe siècle est la référence constante, par le biais d’un auteur presque oublié, Pierre
Benoît. Dans l’imaginaire du narrateur, cette influence tient à la présence
écrasante d’une bibliothèque de château figée, qui s’est arrêtée à une
littérature sentimentale vaguement égyptomane. Pour grossir le trait, il rêve d'être publié chez P.O.L en écrivant comme Guy des Cars. Le malheureux est humilié par les reproches de
Vania, dont les lettres de refus sont aussi la raison de la reprise perpétuelle
du roman, qui peut aussi évoquer le Shining de Stanley Kubrick.
- Vous êtes journaliste et romancier, est-ce une difficulté de passer d’une écriture à l’autre ?
Le roman offre au journalisme ses outils, son énergie, sa syntaxe, l'art du portrait et de l'histoire. Le romancier apprend beaucoup des journaux: à choisir des angles, à poser un point de vue fort, à ne pas subir l'information mais à construire son enquête, à livrer l'information efficacement et sans bavardage. Mais le roman est aussi l’art de perdre son temps, de
se noyer dans l’épaisseur du temps et de l’espace. De faire de l’écriture une
aventure, même si elle est manquée. Elle l'est sans doute toujours, le temps et la mort sont plus forts que toute fiction. Mais la littérature est le premier métier de qui se consacre, quelque
peu, à l’écriture. D'abord être écrivain, quoi qu'il arrive, pour ensuite, peut-être, exister comme journaliste?
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