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dimanche 13 mai 2018

Pelléas et Mélisande, ou Debussy l'extra-terrestre




Balayant tout réalisme, Debussy a réinventé le langage de l'opéra avec son chef-d'oeuvre de 1902. La mezzo Stéphanie d'Oustrac revisitait en 2014, sur la scène de l'opéra de Nantes, son héroïne diaphane...

Une histoire simple

Pour Emmanuelle Bastet, metteure en scène de Pelléas et Mélisande, cet ouvrage repose sur une histoire toute simple, presque un scénario de film : « Une jeune épouse névrosée, un cercle familial toxique, un adultère supposé, une rivalité amoureuse entre deux frères, un meurtre : nous avons là tous les ingrédients d'un thriller psychologique. » La poésie et la musique de Debussy (auteur du livret, d'après Maeterlinck) nous emmènent dans « un univers de taiseux dynamité par Mélisande ».

Un monde rêvé

Emmanuelle Bastet a imaginé sur la scène nantaise un « huis clos à décor unique », laissant entendre que tous les lieux évoqués dans l'opéra (la fontaine, la tour, la grotte) sont « des fruits de l'imaginaire. Nous avons conçu une immense bibliothèque couverte de livres et de tiroirs refermés sur des secrets honteux ». Dans cette bibliothèque, les personnages sont tournés vers une immense fenêtre, comme dans les tableaux d'Edward Hopper. « Dans leurs jeux de plus en plus sensuels, parce qu'interdits, ils s'inventent des mondes dans lesquels ils peuvent laisser libre cours à leur rêverie. »

Une distribution originale

Mélisande est chantée par Stéphanie d'Oustrac, une mezzo déjà entendue à Nantes dans La Belle Hélène et La Périchole. Arrière-petite-nièce de Francis Poulenc, Stéphanie d'Oustrac a d'abord chanté à la Maîtrise de Bretagne. Sa personnalité généreuse lui permet d'aborder toute la panoplie, de la jeune fille en fleur (la Belle-Hélène) à l'amante (Didon) ; de la femme fatale (Carmen) au travesti (Cherubino). Elle donne du corps à cette amoureuse diaphane qu'est Mélisande. Le baryton Jean-François Lapointe a chanté 300 fois le rôle de Pelléas avant d'endosser celui de Golaud. Pelléas est chanté par l'Argentin Armando Noguera, Wolfgang Schöne est Arkel. On dit également grand bien de Chloé Briot (qui chante le rôle de l'enfant Yniold) et de Cornelia Oncioiu (Geneviève).

Comme une arche

Le chef d'orchestre Daniel Kawka a dirigé le Tristan et Isolde du metteur en scène Olivier Py. Il prend un malin plaisir à citer l'encyclopédie Larousse à propos de l'opéra de Debussy en 1905 : « Une musique arythmique, abstraite, sans mélodie et sans couleur. » En 1902, explique le chef, « la musique de Wagner faisait autorité. Arrive Debussy l'extra-terrestre, qui rêvait de greffer son imaginaire sur celui d'un poète. »
Ce poète sera Maeterlinck, auteur du livret. OEuvre de rupture, avec ses grands moments d'extase musicale, Pelléas est pourtant imprégné par le Tristan et Isolde de Wagner, avec également des leitmotives associés aux personnages. « C'est un opéra construit comme une arche, où la catastrophe s'annonce au fil des rencontres amoureuses successives. »
Pelléas et Mélisande est une pierre d'angle de l'opéra français. Après les superbes Dialogues des carmélites de Mireille Delunsch, c'est un magnifique rendez-vous avec le XXe siècle qui est, à nouveau, donné au public nantais.
Daniel MORVAN.


QUOTIDIEN OUEST-FRANCE
vendredi 21 mars 2014
648 mots
Daniel Morvan

dimanche 23 avril 2017

D'où vient ce vaisseau intersidéral appelé Pelléas et Mélisande ?

jef rabillon

Pelléas et Mélisande : intersidéral
QUOTIDIEN OUEST-FRANCE
mardi 25 mars 2014
389 mots
Daniel Morvan

Critique

Un peu groggy, on retrouve à l'entracte la place Graslin éblouissante après la pluie. Avec ses houles, ses navires, ses fontaines, ses bagues perdues, d'où vient ce vaisseau intersidéral appelé Pelléas et Mélisande ? On voudrait répondre : d'un désir de tragique et d'érotisme absolu.
Emmanuelle Bastet (mise en scène) peut, on l'a vu, rendre crédible le tréfonds des enfers d'Orphée et Eurydice. Ici, elle pourrait faire se succéder les lieux magiques. Mais nous voici dans le cadre d'une maison bourgeoise claquemurée dans ses tiroirs à secrets, n'ouvrant sur la mer que par une fenêtre à guillotine. Décor suicidaire, qui évoque autant Rebecca de Daphné du Maurier que le roman Extinction de Thomas Bernhard. Ou l'Argol de Gracq. La tendance est au gros décor avec escaliers et balustrades, pris dans un flot de lave : on voit ce qu'on paie.
Ne résumons pas cette intrigue vénéneuse, conservons les images les plus obsédantes ciselées par Bastet. À commencer par celle de Mélisande à la tour, inondant Pelléas de sa chevelure, scène où s'affirme l'excellence du choix de Stéphanie d'Oustrac (mezzo), parfaite antithèse du cliché d'une Mélisande diaphane: celle-ci fait monter de quelques degrés la température de Graslin.
Il faut saluer la beauté de l'interprétation surplombante de Jean-François Lapointe (Golaud). Le récitatif de l'enfant Yniold (Chloé Briot) condense la vivacité d'une musique dont la mélodie secrète est à déchiffrer, dans les entrelacs des désirs et des peurs. Ce qu'exprime l'aveu d'amour à peine expiré de Mélisande, dans un duo d'une telle intensité que la musique elle-même se tait. Muette d'admiration, comme nous.
Daniel MORVAN.

samedi 22 avril 2017

L'Empereur d'Atlantis, sombre joyau de Terezin (2015)




Louise Moaty




‎lundi‎ ‎2‎ ‎novembre‎ ‎2015
756 mots
Daniel Morvan

À Nantes et à Angers, Louise Moaty avait déjà signé une mémorable mise en scène de « Vénus et Adonis », en 2013. « L'Empereur d'Atlantis », de Viktor Ullmann (1898-1944), a été créé en 1975, à Amsterdam. C'est à Theresienstadt que cet élève de Schönberg a composé son troisième opéra pour ses camarades de captivité en 1943. Il fut créé en 1975, à Amsterdam. Louise Moaty en propose une mise en scène poétique.



Entretien
Louise Moaty, metteur en scène de cette production de l'Arcal,compagnie nationale de théâtre lyrique et musical.


Quelles sont les circonstances exactes de la création de L'Empereur d'Atlantis ?
Il a été composé en 1943, au camp de Terezin (Theresienstadt), ghetto et camp de transit sur le chemin d'Auschwitz. Les arts y étaient tolérés. Terezin était une sorte de « vitrine officielle » des camps nazis, mais 33 000 personnes y sont mortes. J'ai visité ce camp, pour comprendre les conditions dans lesquelles on a pu y écrire et répéter un opéra. Ce sont des caves minuscules et glaciales, des greniers exigus. Il faut avoir mesuré l'étroitesse de ces lieux pour comprendre ce que l'art pouvait représenter, en terme de survie et de résistance contre la mort, pour ceux qui y étaient enfermés.
Quelle histoire nous raconte-t-il ?
Viktor Ullmann écrit L'Empereur d'Atlantis ou la mort abdique fin 1943, sur un livret de Peter Kien, qui disparut lui aussi à Auschwitz. Ils imaginent un monde dévasté, dirigé par l'Empereur Overall, enfermé dans un palais qui peut faire penser au bunker de Hitler. Un monde de l'entre-deux, où passent un Arlequin, la Mort, un haut-parleur évoquant la séduction de la parole fasciste. Dans sa folie, il invente la guerre totale de tous contre tous. La Mort refuse de se laisser enrôler dans cette entreprise. Elle fait grève et décide de cesser de faire mourir les hommes...
Mais l'ouvrage ne traite pas directement du nazisme ?
Ullmann et Kien n'y font jamais ouvertement référence. J'ai pris le parti d'un langage scénique simple, en utilisant la lumière comme langage fondamental. Je m'inspire, pour cela, d'un dessin d'un enfant de Terezin, Petr Ginz, mort à 16 ans, à Auschwitz. Un « paysage lunaire » qui délivre une force poétique dépassant le contexte d'écriture de cet opéra. Petr Kien était artiste peintre et les images des prés, des montagnes bleues, du monde du dehors sont, chez lui, très fortes. La partition est un florilège de styles, du mélodrame au bel canto, du jazz au choral luthérien. L'écriture est parfois surréaliste, ce qui justifie un costume à base de collages, par exemple. J'utilise aussi un décor de toiles de parachutes, qui contribuent à cette chorégraphie lunaire et rêveuse.
N'avez-vous jamais été tentée d'évoquer le camp avec plus de réalisme ?
Il ne serait pas juste de tenter d'évoquer les camps avec réalisme, avec des uniformes par exemple. Ils n'en portaient pas, là-bas. Nos projections mentales sont fortes : les camps sont déjà dans l'esprit du public, nul besoin de les montrer. Ma mise en scène n'est pas documentaire, elle se veut le manifeste de la poésie nécessaire pour survivre, sans illusions.




Recueilli par
Daniel MORVAN.


Viktor Ullmann
Né en 1898, Viktor Ullmann compta, parmi ses professeurs, Arnold Schönberg. Son oeuvre comporte des opéras, de la musique de chambre et des lieder. Déporté à Terezin en 1942, il compose, pour ses compagnons, vingt-cinq oeuvres. Viktor Ullmann écrivit en tête de la partition de L'Empereur d'Atlantis : « Les droits d'exécution sont réservés par le compositeur jusqu'à sa mort, donc pas très longtemps. » Il confia la partition à un ami avant de prendre le train de la mort. On perd sa trace à Auschwitz, le 16 octobre 1944.

Thierry Pillon, révélateur de voix (archive)

Ouest-France ‎samedi‎ ‎11‎ ‎avril‎ ‎2015
636 mots


En prélude au festival les Arts scènes, l'homme de théâtre nantais Thierry Pillon propose ses master classes gratuites et publiques. Occasion de découvrir la dimension physique, voire sportive, du chant !

Sur la partition, une page de Mignon, l'opéra d'Ambroise Thomas. Une mine d'airs à vous faire fondre, comme celui de Titania : « Oui, pour ce soir, je suis reine des fées ! Voici mon sceptre d'or ! Et voici mes trophées... »
Sophie, élève de la Haute école de musique (Hemu) de Lausanne, a profité de la master class. Thierry Pillon est réputé comme l'un des meilleurs coaches vocaux, en raison d'une technique conjuguant travail de la voix et jeu scénique. Sophie fait un signe au pianiste et entame l'air célèbre de Mignon. Voix magnifique, qu'on imagine bien sur une scène d'opéra, malgré la jeunesse de l'élève.
Thierry Pillon salue sa richesse vocale et indique ses directions de travail : renforcer l'expression et les intentions de jeu. « Ton corps résiste encore un peu : sur les « oui » de Titania, si tu ajoutes un geste, si tu ouvres les bras, la voix sera plus ronde. Il faut ouvrir ce corps à fond, ce qui en sort est tellement beau ! »
Les recommandations sont chaleureuses et le professeur accompagne du geste, réalisant un véritable accouchement de la voix, une maïeutique sonore qui fait merveille. « Je suis Titania la blonde » est tellement plus Titania après cette analyse du texte, de la ligne mélodique et de sa courbe naturelle.
Une dimension très physique
Une pause ? Oui, une pause : ils sont en nage comme s'ils sortaient d'une salle de gymnastique. « Les gens sont souvent étonnés de cette dimension très physique, remarque Thierry Pillon, au troisième et dernier jour de sa master class, hier, au Passage Sainte-Croix. C'est l'objet de cette master class, montrer au public ce qu'est le travail de la voix et du texte. Cela donne aussi des clefs de lecture pour mieux entendre un chanteur d'opéra. »
L'originalité de cet enseignement est qu'il conjugue deux compétences distinctes, celle de chanteur et de comédien, en s'appuyant sur les techniques oratoires. « Souvent, indique Thierry Pillon, les comédiens ignorent le chant et les chanteurs ne connaissent pas les règles du phrasé, qui sont la clef pour exprimer le sentiment. Mieux on comprend le texte, plus on est expressif dans son chant : les yeux s'ouvrent, la bouche tremble presque, le corps se met au diapason de l'émotion du texte. C'est une forme de dépassement de soi. »
Une belle introduction au chant comme art, technique, discipline physique et analyse des émotions recelées par les textes. Et un préambule au cinquième festival des Art'Scènes, du 11 septembre au 15 octobre. Avec les chanteuses Stéphanie d'Oustrac (vue au théâtre Graslin en Mélisande), la mezzo-soprano suisse Brigitte Balleys et le comédien Jean-Yves Ruf. Cette édition, centrée sur les consonances espagnoles et latino-américaines, se déroulera dans des lieux divers, avec un grand concert au palais de justice : cette diversité des lieux a installé les Arts'Scènes dans le paysage lyrique de Nantes.
Regarder la vidéo
sur ouestfrance.fr/nantes

Daniel MORVAN.

Dialogues des Carmélites, la voix des martyres


‎vendredi‎ ‎27‎ ‎septembre‎ ‎2013
624 mots
Daniel Morvan
Mireille Delunsch a impressionné le public bordelais par sa direction d'acteurs. Soprano, elle signe sa première mise en scène avec l'opéra de Poulenc. Anne-Catherine Gillet chante le rôle de Blanche de la Force.

Trois questions à ...
Mireille Delunsch, metteur en scène.

Quelle est l'histoire des Dialogues des Carmélites ?

C'est l'histoire de seize religieuses du carmel de Compiègne exécutées le 18 juillet 1794, onze jours avant la chute de Robespierre. C'est une histoire vraie : ces carmélites furent guillotinées pour avoir conservé un portrait de Louis XVI et des vêtements des rois mages de la crèche royale. Le témoignage de la seule rescapée fut publié et inspira une nouvelle à une fille d'officier prussien, Gertrud von Le Fort. Bernanos écrivit les dialogues pour un film inspiré de cette nouvelle. Francis Poulenc rédigea le livret de son opéra à partir de ces dialogues posthumes.

Pourquoi les Dialogues sont-ils considérés comme l'un des plus grands opéras de tous les temps ? Parce qu'ils évoquent la terreur de la mort ?

La première fois que j'ai assisté à cet opéra, j'ai été fascinée par sa grande singularité : voilà un ouvrage sans histoire d'amour, sans brio, sans rien à montrer, sombre, intimiste. Un objet hors du commun. J'ai chanté Blanche de la Force il y a vingt ans et j'ai approché le secret de ce grand classique, classique comme du Verdi alors même que son langage musical n'a rien de moderne (il est contemporain du Marteau sans maître de Boulez). C'est sa construction parfaite qui lui permet d'échapper à l'oubli promis aux œuvres qui ne sont pas de leur temps. Ce qui est fantastique, c'est la progression dramatique, rythmée par le couperet de la guillotine et par les voix qui s'éteignent l'une après l'autre, les cierges s'éteignant aussi un à un [les lumières sont signées Dominique Borrini].

C'est votre première mise en scène puisqu'à l'origine vous êtes chanteuse d'opéra. Qu'apportez-vous de neuf ? Votre direction d'acteur ?

J'ai un imaginaire prédisposé à la mise en scène, j'ai des visions (par exemple une croix de plexiglas avec un Christ momifié...) que je confie au décorateur Rudy Sabounghi, qui reste ensuite libre de ses choix. Quant à la direction d'acteurs, je m'efforce de rendre cohérent le parcours psychologique des chanteurs, en travaillant cet aspect, partition en main. Je veux dire que le mouvement doit précéder la parole, que la vérité musicale doit déjà s'exprimer dans l'interprète avant la première note de musique. Je ne crois pas à l'idée de « la musique avant tout », prima la musica : il faut trouver une spontanéité dans la convention de l'opéra, retrouver la confiance dans le texte en dissociant geste et chant. Je me souviens de la première leçon que j'ai reçue comme comédienne : le metteur en scène, constatant que je disais le texte mécaniquement, m'obligea à le dire tout en empilant des sucres en pyramides. C'est cela : ne pas être passif devant la partition, mais vivre le rôle avant de chanter la musique.
Daniel MORVAN.

mercredi 8 mars 2017

Noces de Figaro : sombres héros de Mozart

Photo Jef Rabillon/ANO
Vous vous laissez glisser dans le velours bleu du théâtre, admirez une fois encore les plafonds et les lustres : embarquement immédiat pour les jeux de l’amour et du hasard. Enjeu de l’intrigue de ces Noces : l’abolition des droits féodaux, comme le droit de cuissage que le comte Almaviva entend rétablir au détriment de sa servante Suzanne et de sa femme. Mozart lance l’éblouissante ronde des désirs, jouant sur la malice de Suzanne, la tristesse de la comtesse, la colère de Figaro et l’arrogance du comte. Les beautés musicales d’une œuvre jaillissante, portée par un orchestre impeccable (l’ONPL, dirigé par Mark Shanahan), dans une mise en scène de Patrice Caurier et Moshe Leiser, habitués du théâtre Graslin (Nantes).
Dans un palais aux murs immenses, la musique de Mozart prend une coloration presque tragique. Peter Kálmán (Figaro) et Hélène Guilmette (Suzanne), mais aussi Nicole Cabell (la comtesse) portent avec brio cette lecture originale et sombre.

Sombre héros de Mozart


La distribution déjoue les clichés et parie sur les contre-emplois, offrant le rôle de Figaro, vif héros sévillan, à un Peter Kalman plutôt massif. Le comte, modèle d'une noblesse archaïque, violente et volage endurci, est incarné par un sémillant Andrè Schuen. La « california girl » Nicole Cabell surprend avant de séduire par son vibrato pathétique de femme sous influence, saisie de trouble devant le travesti Chérubin. Et Suzanne, rôle le plus exposé de l’œuvre, est portée avec générosité par la pétillante Hélène Guilmette. Malgré ces choix étranges, les corps s’enflamment comme de l’étoupe, les attractions multiples brouillent les pistes, dans un décor crispé et néoclassique. Les intrusions végétales, allégories du libéralisme montant, sentent la plante de cimetière, tout comme le déambulateur de Marcelline, signifiant un peu appuyé du déclin moral d'une certaine bourgeoisie … Le parti-pris est de montrer la décomposition de l’ancien régime, face à la vitalité sensuelle de la révolution qui vient. La scène finale du jardin, dans un camaïeu de vert, vient renforcer ce sentiment de pétrification. Et un final des plus étranges nous montre une fête joyeuse jouée par des spectres.
Qu’on adhère ou non à cette option hiératique, on aime retrouver ces Noces comme l’opéra de tous les opéras : tous ces airs si bien en voix, comme le Vous qui savez (Voi che sapete) de Chérubin, l’air de Barberine ou la complainte de la comtesse: Où sont les beaux moments ? (Dove sono i bei momenti di dolcezza e di piacer) sont des conversations qu’on aime retrouver, parce qu’ils ont la douceur du temps perdu dans les fauteuils bleus.
Daniel Morvan.
Ce mercredi et vendredi 10 à 20 h, dimanche à 14 h 30 et mardi 14 à 20 h. Théâtre Graslin, tél. 02 40 69 77 18.
 

lundi 20 juin 2016

Maria Republica, meilleure création musicale 2016

Opéra donné en création mondiale le 19 avril 2016 au Théâtre Graslin de Nantes, "Maria Republica", est élu "meilleure création musicale de l’année" par l’association professionnelle de la critique. Inspiré d’un roman antifranquiste, cet opéra de François Paris raconte la vengeance de Maria, fille de communistes exécutés qui décide d’entrer au couvent pour se venger. Dans des décors qui évoquent Goya, portée par une musique intense, vénéneuse, qui reflète les violences de l’oppression, Maria Republica dresse magnifiquement l’étendard de l’insoumission.



Cette création a été produite par Angers Nantes Opéra (mais donné seulement à Nantes) et mise en mots par Jean-Claude Fall, dans une écriture d’opéra contemporain. Le prix de la critique professionnelle constitue une belle reconnaissance nationale pour Angers Nantes Opéra, distingué en même temps que deux opéras nationaux, ceux de Lyon et de Lorraine.
Les espoirs sont maintenant permis pour une reprise de cette œuvre donnée à Nantes en création mondiale, en avril 2016.



Enseignant réputé, François Paris François Paris (né en 1961) avait choisi pour son premier opéra un roman d’Agustin Gomez-Arcos, Andalou exilé en France depuis 1968 après avoir fui l’Espagne de Franco.
La partition, précise et exigeante, pleine de micro-intervalles et d’ondes vénéneuses, était jouée par les quinze instrumentistes de l’Ensemble orchestral contemporain de Daniel Kawka. S’ajoutait un flux électronique continu, tissé par le centre national de création musicale de Nice. Les voix des Solistes XXI étaient préparées par Rachid Safir.
Pour les parties solistes, Noa Frenkel mettait son impressionnant contralto au service d’une Révérende Mère pas très catholique. Dans le rôle sulfureux de la « putain rouge », la jeune soprano Américaine Sophia Burgos irradie un rôle-titre appris phonétiquement.
Gilles Rico installait sa mise en scène dans les claustras ajourés de Bruno de Lavenère, traversés par les lumières de Bertrand Couderc.
Le prix est décerné par l’association professionnelle de la critique de théâtre, de musique et de danse qui regroupe 140 journalistes de la presse écrite et audiovisuelle, française et étrangère.

Daniel MORVAN.

mardi 22 mars 2016

La guerre d'Espagne à l'opéra de Nantes (France)

« Un opéra, ça part souvent d’une conversation avec un artiste, confie Jean-Paul Davois, directeur d’Angers Nantes Opéra. C’est Daniel Kawka, directeur de l’Ensemble orchestral contemporain, qui m’avait suggéré de lire Maria Republica, roman d’Agustín Gómez-Arcos. Cette lecture m’a beaucoup touché, j’en ai parlé au compositeur François Paris. L’idée d’en tirer un opéra l’a passionné.»
La suite, c’est cinq ans de travail avec une formation de 13 musiciens, sept chanteurs et un outil électronique.



Copyright Daniel Morvan
©daniel morvan

Maria Republica est un opéra adapté du roman d’Agustín Gómez-Arco, auteur dans la veine du «réalisme magique». Maria Republica est la fille d’incendiaires d’église fusillés en 1939, en Espagne. Prostituée et syphilitique, elle simule la repentance dans un couvent pour ravager le système honni de l’intérieur.
Comme un vêtement ajusté par un couturier sur le modèle, cet opéra est composé « sur mesures » pour l’Ensemble Orchestral Contemporain et l’ensemble Solistes XXI.
Le projet fédère des partenaires de tous les horizons : l’EOC, ensemble orchestral contemporain (Lyon) ; le CIRM (centre national de création musicale) de Nice ; Solistes XXI de Rachid Safir (Paris). Et le Centre Voce de Pigna (Haute-Corse), où l’œuvre a été travaillée pendant une semaine.
950 000 €, c’est le coût de cette production, soit autant que pour Don Giovanni, dans la récente mise en scène de Patrice Caurier et Moshe Leiser.


Sophia Burgos © daniel morvan


Gilles Rico ©daniel morvan

Maria Republica, création mondiale au théâtre Graslin: Mardi 19 avril. Et jeudi 21, Mardi 26, Jeudi 28 avril 2016 à 20h - Dimanche 24 avril à 14h30
Opéra de François Paris pour 7 chanteurs, ensemble de 15 musiciens (1) et électronique.
Livret de Jean-Claude Fall, d’après le roman Maria Republica de Agustín Gómez-Arcos.
Direction musicale: Daniel Kawka
Mise en scène: Gilles Rico
Préparation des chanteurs: Rachid Safir
Scénographie: Bruno de Lavenère
Costumes: Violaine Thel
Lumière: Bertrand Couderc
Vidéo: Etienne Guiol
Maria Republica : Sophia Burgos
La révérende Mère : Noa Frenkel
Solistes XXI, direction Rachid Safir
© daniel morvan

1: Effectif détaillé: flûte, hautbois, clarinette, basson, cor, trompette, trombone, piano, harpe, percussion, 2 violons, alto, violoncelle, contrebasse