Leur duo, c’est un peu Le tourbillon de la vie : on s’est connus, on s’est reconnus. L’un et l’autre se connaissaient de réputation. De rumeur en légende naissante, à un moment ou un autre, le duel était inévitable : croiser le fer, jouer en duo et sentir le feeling. Coup de chance, ils se sont reconnus et c’est tant mieux pour la musique, car Irène et Virgil forment un beau duo. « C’est mystérieux, quelquefois ça marche, parfois non », résume Virgil, couvant du regard la housse de son instrument et plus encore ce qu’il contient.
D’ailleurs, qui peut prétendre savoir que ça existe, les duos de violonistes ? « C’est vrai, confirme Irène, regard magnétique derrière ses lunettes à monture noire, on ignore souvent qu’il existe un vaste répertoire pour duos de violons, de Jean-Marie Leclerc à Philippe Hersant, en passant par Prokofiev et Chostakovitch ».
Empoigner un concerto de Bach
Mais difficile d’ignorer que ces deux-là, c’est la classe internationale, à ce genre de petite remarque : « Je me suis aperçu que je n’avais jamais pris l’avion sans mon violon dans le coffre à bagages » (Virgil), ou : « j’ai commencé par des cours particuliers à Hong Kong, avant Paris, d’ailleurs je suis à demi-coréenne » (Irène).
Inutile aussi d’avoir sa carte d’abonné à la salle Pleyel pour s’apercevoir qu’ils jouent comme des dieux. Mais pas effleurage d’archet mode Disney channel, non : comme ils vous l’ont empoigné, ce concerto de Bach, avec quel mordant ils en ont fait entendre le saignant et le swing !
À quoi cela tient-il, vous demandez-vous en applaudissant entre les mouvements, ce qui est contraire au code de bonne conduite mais tellement plus cool ?
En dehors du talent, ces deux-là, c’est un peu la mondialisation de l’archet. Étapes du parcours : France, Budapest, Londres, tel Aviv et États-Unis pour lui, Corée, Paris (professeur polonaise) et Crönberg pour elle : « Nous mixons les écoles russe, franco-belge et américaine, observe Virgil, mais à Budapest, j’ai aussi joué dans un club tzigane et Irène joue du tango ».
Un facteur porté sur la bouteille
À quoi cela tient-il ? L’instrument lui-même n’y est pas pour rien. Virgil joue sur un Domenico Montagnana. Il fut joué par Régis Pasquier et a été reconnu hier par de fines oreilles.
« Quand on est soliste, on n’est jamais sonorisé, on doit emplir tout l’espace avec le seul son sorti du violon. Compte-tenu de la valeur des instruments, nous n’en sommes jamais propriétaires. Nous avons donc toujours un rêve : Trouver le mécène qui financera ce rêve. »
Le rêve peut s’appeler Stradivarius. Mais un peu trop facile, tout de même. Un Strad’est tellement idéal qu’il peut façonner votre jeu. Virgil et Irène rêvent encore plus haut : d’un violon qu’on dompterait comme un cheval sauvage. Un farouche, hirsute et sanguin, par exemple un Guarneri del Jesu. « Il a un son plus sombre, il est abrupt, taillé au couteau par un facteur à la réputation de bon buveur. Personne ne sait pourquoi ses violons sont parfaits. »
Les violons ont ce point commun avec les pyramides : un secret jamais dévoilé. Et un charme immarcescible.
Daniel MORVAN.
Irène Duval et Virgil Boutellis, dirigés par Maxim Emelyanychev (Sinfonia Varsovia) : A 22 ans et 29 ans, ils forment un duo à la fois gracieux et vif.
Marc Ollivier
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