Je viens de relire "Péquenaude" de Juliette Rousseau, et y trouve tant de beautés et de réussites, tant d'échos et de thèmes: Écrire comme un geste par lequel on revient au corps, et à la terre; la terre féminisée par l'exploitation; l'appauvrissement de la langue précédant celui du monde; le conflit entre vie rêvée et ce que le corps nous dit du monde qui nous a été légué.
Nous réunir à Langon (Ille et Vilaine) autour de la notion de ruralité est une belle idée de François-Xavier Ruan. Cet ami qui vient de la campagne a œuvré pour le jazz et la poésie, dont le point commun est l'improvisation. Concept qui désigne à la fois une technique d'écriture (musicale, poétique) mais peut aussi qualifier les trajectoires des "transfuges de classe" et les "transfuges de territoire", comme le dit Juliette. Faire paysan n'est pas un métier, faire poète non plus: La fuite en dehors du territoire est une improvisation dans les parcours, par bifurquages, décrochages et évitements, et ce perpétuel est l'essence même du retour. L'écriture de vie née de la perte (d'abord insensible) retrace une sensorialité perdue, tout ce que la production effrénée a dévoré, elle le redessine dans un territoire de mots, elle redéploie ce qui fut appelé "l'édifice immense du souvenir". Alors vient cette merveilleuse image: le corps "est le vaisseau fantastique de notre existence", écrit Juliette Rousseau, et ce poème en est le roman d'anticipation, qui fait d'une histoire de retour, et quel retour ("c'est d'abord pour donner naissance que je suis revenue"), le rêve charnel d'un intime renoué à l'illimité. Écrire la ruralité: puisque les bœufs virgiliens ont quitté la scène, une autre écriture de la campagne acquiert une urgence nouvelle à l'heure des périls, portée par Nina Ferrer-Gleize, Marielle Macé. Par Juliette Rousseau et sa "Péquenaude", où se nouent le poème et l'analyse, le vivre et l'écrire, le constat sociologique et l'étoile clignotante de l'utopie: "Pourtant, quelque chose demeure. Dans les corps, les mémoires, la terre, la langue, le bocage, lesquels sont tous liés." Dans notre vaisseau spatial pour la planète Terre, n'oublions pas d'emporter "Péquenaude". Et retrouvons-nous juste avant à Langon, à la Cantine du Port, le 7 février à 19:30. Il paraît qu'il faut réserver: 06 73 50 27 17.
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