lundi 18 janvier 2016

Cinéma : Les innocentes d'Anne Fontaine


« Les innocentes » est d’abord un beau film d’histoire. Anne Fontaine s’est appuyée sur l’histoire de Madeleine Pauliac, médecin chef de l’hôpital français de Varsovie, en 1945. C’est dans le cadre de ses missions qu’elle découvrit l’étendue des viols collectifs dans les maternités et les couvents. Auprès des religieuses, son travail consista, à la fois, à les accoucher et à libérer leurs consciences. C’est l’axe choisi pour ce film impeccablement scénarisé : le passage de l’expérience de mort vécue par les sœurs dans le viol, à l’expérience de vie de l’enfantement. Et la remise en question, dans l’imminence d’une série d’accouchements, de l'aveugle discipline conventuelle.


Mathilde, une jeune interne de la Croix-Rouge (Lou de Laâge, parfaite), est appelée au secours par une religieuse polonaise. Elle se rend à son chevet et découvre un petit couvent d’une trentaine de Bénédictines, coupées du monde, dans la plaine enneigée. Elle est amenée à pratiquer une césarienne en urgence, sans aucune expérience, et découvre que plusieurs de ces sœurs, violées par des soldats soviétiques, sont enceintes.

Un lien se noue entre la jeune femme moderne, athée, pragmatique, et ces religieuses terrorisées,  souffrant à peine d’être examinées ni même touchées. Le spectateur lira ce film à la lueur d’un présent où le viol demeure une arme de guerre. En 1945 comme aujourd’hui, la honte et le bannissement, voire la crainte de la damnation, pèsent sur la victime.
Le film d’Anne Fontaine est aussi un « film religieux », au sens où il met en évidence la porosité de la paroi entre le monde profane et le couvent. Le principe de réalité amène chacune de ces sœurs à reconnaître que ce à quoi elles ont renoncé est aussi leur bien et leur identité : être femmes et pouvoir donner la vie.
Et chacune trouvera une réponse différente. Bercé de chants liturgiques, admirablement inscrit dans le paysage hivernal, avec de vrais accents polonais, le film trouve aussi un bon contrepoint dans l’univers très concret de l’hôpital de campagne dont s'éloigne Mathilde. Les cabotinages de Vincent Macaigne font sourire, le temps d’espérer le mieux pour celles qui ont vécu le pire… Un beau film qu'il faut aller voir.
Daniel Morvan.


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