jeudi 23 mars 2017

Théâtre. Dieudonné Niangouna ou la fureur de dire




L’auteur de théâtre congolais Dieudonné Niangouna présente à Nantes une pièce-fleuve : Nkenguegi, voyage à travers les migrations… À l’affiche du Grand T du 26 au 28 avril 2017.



« C’est l’histoire d’une troupe de théâtre qui répète une version contemporaine du Radeau de la Méduse. C’est l’histoire d’une fille debout à sa fenêtre qui se voit passer dans la rue… » Il y a bien des histoires dans cette pièce intitulée Nkenguegi, écrite et mise en scène par Dieudonné Niangouna.
Dernier volet d’une trilogie (Le Socle des vertiges), Nkenguegi a été créée au festival d’automne de Paris en 2016, puis montrée à Lausanne, Saint-Denis, Francfort. Avec sa troupe de onze comédiens, le metteur en scène né à Brazzaville en 1976 mêle palabre provocatrice et pamphlet politique, dans un bazar débridé de situations gravitant autour d’une image : une tribu d’affamés errants au milieu des eaux, les naufragés du Radeau de la Méduse, peints par Théodore Géricault.


« C’est un télescopage d’espaces, Paris, Brazzaville, le radeau, autour d’un personnage de fou du village. Autour de lui, je dessine la carte d’une république bananière en pleine décomposition », analyse le fougueux congolais.
Est-il représentant d’un « théâtre africain », lui dont le parcours se construit en Europe, d’Avignon à Amsterdam et de Limoges à Francfort ? « J’ai été formé dans la lecture systématique de toutes les cultures et toutes les formes d’expression. Me définir comme auteur africain serait obéir à ce qu’est écrire africainement. L’histoire totale du théâtre et de la littérature dépasse la géographie. »
Poète, acteur, dramaturge et metteur en scène exilé de son pays, Dieudonné Niangouna fut artiste associé du Festival d’Avignon 2013. On l’associe à la notion de « théâtre de texte », à une rage d’expression à la hauteur du continent noir et de son besoin d’une parole libre. Catherine Blondeau, directrice du Grand T, rappelle qu’il est l’héritier de Sony Labou Tansi, « un écrivain d’une envergure comparable à Gabriel Garcia Marquez, même s’il n’a pas eu sa célébrité ».


Issu du vivier théâtral de Brazzaville, ancienne capitale de l’Afrique équatoriale française, le bouillant Dieudonné hérite donc d’une tradition flamboyante à la gloire du texte et de la langue française. « Mon père était grammairien, raconte-t-il, il recevait Léopold Sédar Senghor à la maison, et avec lui, il pouvait passer des heures autour d’un simple mot ».
Niangouna aura aussi su tirer parti des enseignements théâtraux les plus divers, au sein des troupes de la capitale congolaise, associant politique et poétique, en jouant avec la censure. Son théâtre n’est pas celui d’une classe sociale privilégiée, mais un théâtre de la rue, jouant la démesure et le choc verbal. Nkenguegi est (pour ceux qui ont déjà vu cette pièce) à l’image de ces origines, sans égard pour les conventions, comme une divagation entre sud et nord, entre jeunesses sacrifiées et rage de vivre.
« Sur les planches de Vidy, lisait-on en novembre dernier dans Le Temps (Lausanne), c’est cette apocalypse qui remonte en torrent, portée par Dieudonné lui-même et une bande d’acteurs et de musiciens admirables. Ce Nkenguégi a ses faiblesses, ses nids-de-poule qui vous jettent dans le fossé, mais il est animé d’une fureur contagieuse ».
Daniel Morvan.
Mercredi 26 avril et jeudi 27 avril à 20 h ; vendredi 28 avril à 20 h 30. Au Grand T, 84, rue du général Buat. Durée : 3 heures. Tél. 02 51 88 25 25.

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