Madeon (photo: Daniel Morvan) |
Il a 20 ans, il en fait quinze, et Lady Gaga est sa copine. Le petit prince de la musique électro est Nantais. Encore un peu. Entre deux tournées américaines. Au collège, il faisait le désespoir de ses profs. Il passait pour un geek, un lunaire, un extraterrestre. Parions sur la taille du point d’interrogation des adultes qui ont croisé ce regard profond, tellement sérieux, tellement enfant.
On va énormément parler de lui les jours prochains : il sort son premier album. Hugo Leclercq (alias Madeon) passera alors pour une énigme résolue. On le classera dans les records, les millions de vues de ses vidéos défileront au compteur de Youtube. Mais ce sera faux : Madeon reste une énigme totale. Un mystère.
Lui-même en a-t-il les clefs ? Tout en lui est énigme, à commencer par son allure : comment peut-on être aussi frêle, aussi enfant, et être aussi sûr de soi, de sa vocation ? Hugo vous donne une bribe de réponse : « Mon ambition d’enfant était assez simple : je voulais juste survivre avec la musique. Je n’osais pas espérer être artiste. »
Survivre avec la musique, ça dit beaucoup. Ça dit qu’il n’a jamais rêvé à une réussite comme tout le monde, ses parents par exemple (maman DRH, papa spécialiste du risque immobilier). Très jeune, il cherche sa planche de survie. Un soir, sa jeune tante l’emmène à un concert de Daft Punk. Merci, Tatie, pour cet élément de réponse à la grande question : que faire ?
Hugo Leclercq, singulier enfant peu doué pour l’école, séchant les cours, ne rendant pas ses devoirs, s’accroche à l’ordinateur.
Si tous les enfants sont artistes, les artistes ne sont pas des enfants comme les autres.
« Je me disais : mieux vaut être bon en une seule chose que moyen en tout. »
Cette seule chose, ce sera la musique. Qu’il commence à fabriquer dans son coin, sur un logiciel belge téléchargé gratuitement. Qu’il fait évoluer selon ses besoins : Ayant flairé le génie, les Belges lui obéissent au doigt et à l’œil.
À l’âge où l’on traîne sur Candy Crush, Hugo commence à avoir « des rêves dans le langage du logiciel. Mon plan, à onze ans, était de devenir professionnel. Je me donnais pour ça jusqu’à mes 18 ans. C’est allé plus vite que prévu. »
En effet, son lycée le renvoie à 16 ans, en 2010. D’urgence, Hugo doit prouver quelque chose à ses parents. Il postule à des concours de disc jockey. Il enregistre 39 morceaux et les mouline sur une tablette avec des boutons lumineux: c'est Pop Culture. 27 millions de vues sur Youtube, les portes de la gloire s’ouvrent. Attaché case au bras, les pontes de Warner sonnent à la porte. Libéré de l’école, Hugo choisit de s’appeler Madeon, signe chez Warner, puis Columbia.
Trop jeune pour être admis en boîte alors qu’il crée les sons du futur, Madeon n’est pas un clone des DJ connus pour leurs shows mussoliniens. Zéro frime, il se fiche des pistes de danse. Son bocal, c’est le studio. Il s’y enferme mode chien cosmonaute dans son spoutnik. Il aime aussi y croiser ses potes, Chris Martin (chanteur de Coldplay) ou Yelle, ou Ellie Goulding. « Ce qui me touche c’est la chanson pop, les Beatles ou Supertramp, reconnaît-t-il. J’aime que les choses soient concrètes, je veux jouer réellement sur scène. »
Madeon devient une bête de scène. Il saute les étapes, zappe les clubs et les prestations DJ (une chose qu’il déteste), sèche les télés, opte pour les grands festivals. Un jour à Lollapalooza (Chicago), un manager américain le contacte. « Quelqu’un aimerait vous avoir en première partie. » Au téléphone, le quelqu’un s’appelle Lady Gaga.
Hugo a bien fait de bosser (seul) son anglais, le courant passe avec l’icône. Il part en tournée avec elle : « Elle m’appelle Madeon et je l’appelle Gaga, c’est tout simple. » Il s’en vante à peine auprès de ses copines de Nantes. « À l’époque, avoue l’une d’elles, on le trouvait juste un peu mytho : une tournée avec Lady Gaga ! Mais on le savait capable de tout. »
Ravi que son pseudo (anagramme de nomade, entre autres) tienne la rampe devant les publics monstres des stades américains, « parce qu’un nom, ça doit se porter longtemps. »
Le disque Adventure ? « Une archive pour m’en souvenir plus tard », assure-t-il, désarmant. Ces 12 titres sont aussi l’ambition réalisée d’un môme de 11 ans. Et maintenant, à 20 ans ? « Maintenant, l’ambition de ma vie est de trouver ma prochaine ambition. Mais le cœur de mes envies, c’est de faire des chansons. » D’ailleurs, sur son premier album, il chante : ça s’appelle Home. L’histoire d’un garçon qui abandonne la musique et rentre à la maison. Qui peut croire à ça ?
Daniel Morvan.
morvandani@gmail.com
Premier album Adventure le 30 mars 2015. Premières dates le 13 mars au Zénith de Paris, le 3 avril à la Gaîté Lyrique. Le 3 juillet à la Nuit de l’Erdre (Nort-sur-Erdre, 44).