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vendredi 31 mars 2017

La femme-accordéon à peine visible derrière sa boîte à frisson

Après Jeanne Cherhal, Klaktonclown creuse la ruralité musicale depuis belle mirette. Le groupe manifeste la vitalité musicale de la région nantaise, dans la catégorie chanson revisitée, dans un flash back vers la musique de rue. Pour eux, tout a commencé dans un Blain chaud. 

Klaktonclown ©



' Nous sommes le groupe Klaktonclown, groupe de chanson française originaire de la région nantaise. ' Pas de raisons de rouler les mécaniques : lorsqu'on se présente dans un tremplin musical, avec des musiciens qui peuvent être des voisins, des potes, des frères même, mais jamais des concurrents, rien n'est plus naturel que l'envie de montrer ce qu'on sait faire. 
"Le Tremplin des Jeunes Charrues, c'était important pour nous, mais surtout parce qu'on n'avait pas joué depuis longtemps à Blain, et que Régis, Rachel et moi, on est du coin, explique Samuel, pianiste de Klaktonclown. Nous allions jouer devant les copains d'enfance, la famille, mais pas dans l'esprit de gagner. D'ailleurs, nous étions presque sûrs que Karré Magic allait remporter le tremplin. Nous les avions entendus avec un saxophoniste, c'était réellement impressionnant. Il y avait aussi Car Crash, un groupe  hardcore qui joue tout à fond, c'est des Mousquetaires du rock. Et c'est mon frère le batteur. "

Inflorescence Nozay

Klaktonclown ne carbure pas à l'arrivisme. Ils n'ont rien de godelureaux prétentieux, mais rayonnent de générosité spontanée, nourrie par l'intense vie associative du pays de Nozay, et dont le groupe serait l'inflorescence, l'émanation surprenante. 
Ce soir de mars 2001 à Blain, loin de l'opulence métropolitaine de Nantes, les rockeurs mouillaient leur chemise. les Vontnuspieds, les Celdones, Car Crash avaient déjà asséné des sets radicaux. Tout semblait dit, et les jeux déjà faits.
Pourtant, lorsqu'elle s'est pointée, femme accordéon à peine visible derrière sa boîte à frisson, chaussée d'énormes pompes de fille des rues, quelque chose de plus s'est passé sur scène. Frisson immédiat, charisme sans ombre, allez donc savoir ce qui, au-delà des critères objectifs de présence, de musicalité, de conviction, vous scotche 700 personnes en même temps dans une salle municipale de l'autre bout du département. 
A vrai dire, on le sait très bien: cet aérolithe porte un nom, Rachel Langlais. Comme ailleurs cela peut aussi se prononcer Jeanne Cherhal, puisque Cherhal et Rachel, c'est tout comme, au son comme au sens. Une sorte de verlan enchanté réunit les deux copines par une anagramme. Haute comme trois clochardes, avec une bouille d'Irlandaise et une voix rive gauche, elle vous balance ses perles à rebours, ses chants magnétiques, et vous êtes fait. 

Régis et Rachel


Ce soir-là, les membres du jury des Jeunes Charrues ont cessé d'écrire sur leurs petites tablettes. Plus la peine. Klaktonclown irait au tremplin final de mai, à Carhaix, pour gagner sa sélection au plus grand festival de France. En laissant exactement la même sensation qu'à Blain et Rezé, où le groupe avait opéré sa première percée urbaine, pour le festival Premières scènes de la Barakason. Terreau associatif A la base, Klaktonclown, c'est Régis et Rachel Langlais (respectivement guitare, chant, compositions et chant, accordéon) et Samuel Sanz-Aparicio. 
Leurs premières apparitions (après la formation du groupe en 1997) : une scène à Blain en première partie des Little Rabbits, la dernière édition du Champ de Rock en 1999, un disque compilation, SOS Paysans. Le tremplin du Champ du rock? On y avait écarquillé les yeux pendant dix ans en tant que spectateurs, raconte Régis, je faisais même partie du service d'ordre. Alors, monter sur scène ! 
Ce qui va aider le groupe à grandir, c'est le terreau associatif de Blain. On y organise par exemple le festival ' Graines d'automne ' (association Campagn'art), quinze jours d'animations tous azimuts, avec un volet ' Jazz à la ferme ' à la Grignonnais, en partenariat avec l'ami François-Xavier Ruan, qui est né dans le pays et creuse les nouvelles ruralités depuis de belles lurettes.

Un joli bouillon de culture où s'épanouit le collectif d'artistes ' Aspho'morana ' dont font partie Klaktonclown, la compagnie Bulles de Zinc (théâtre de rue), les artistes Djé (photo), Gros Mic (dessin) Lolo et Guill'om (contes). Grâce au soutien de la Barakason de Rezé, Klaktonclown va enregistrer deux titres en studio, dans des conditions professionnelles. Nous avons pu analyser minutieusement notre musique, explique Samuel, apprendre la rigueur, épurer le son, faire la chasse à la grosse cavalerie. Nous avons aussi travaillé sur la scène, les lumières, et tout ce travail nous a donné confiance. 

Le groupe va engager un batteur, envisager une ' démo ' six titres financée par Espho-morana et Campagn'art, qui sera enregistrée par Al Magister à la Chapelle-Heulin. Nous ne voulions pas tenter l'album douze titres, parce que nous étions en train d'apprendre en enregistrant. Nous avons investi beaucoup d'énergie là-dedans. 
Là-dedans, c'est un résumé de la musique de Klaktonclown : convictions politiques qui les rapprochent du rock alternatif anti-mondialisation, jeux sonores entre Balkans et centre-Bretagne, new musette et java rock, cabaret à ciel ouvert, lyrisme intense contenu dans leur chanson-étendard, Londres, sublime chant d'amour qui transforme les salles en ciel inversé constellé d'étoiles. 
Et puis Klaktonclown, c'est claque ton clown. 
Bouge-toi, ne rêve pas ta vie, fais-la. 
Je n'aime pas du tout le côté artiste dans sa bulle ' confie Régis, avec son pied dans le plâtre. 
Le bocal, ils l'ont bien cassé, et ça fera du bruit chez les schtroumpfs, de Landerneau à Carhaix-Plouguer

Daniel MORVAN
Ouest-France, 7 juin 2001

lundi 13 février 2017

La guitare contre le cœur, comme un poignard



Exclusive archive. L'ex-chanteuse de Dolly était en concert le 11 octobre 2019 à Stereolux (Nantes), pour fêter la sortie de deux albums, un solo et un album acoustique. Occasion de plonger dans nos catacombes et d'en exhumer ce papier retour de concert. Dolly nous clonait, Dolly nous déclouait des poteaux indicateurs d'un âge de suie. En guise de bonus, un entretien à l'occasion de la parution du 2e album. magnéto!


Il a le saut de l'ange un peu lourd. Le stage diving depuis la scène se termine en sortie de piste et l'une des groupies du premier rang se prend une rangers dans l'orbite. Tout cela ressemblerait à un samedi soir comme les autres aux confins de la terre. Sauf que ce bout de terre contient Dolly. Lui appartient.
Retour de Dolly dans ses pénates, après une tournée qui a fait du quatuor de Naoned le groupe rock de l'année, avec Louise Attaque. Parmi les centaines de groupes français capables d'en faire autant, Dolly a fabriqué le son de 1997. Un peu de Nirvana, un peu de Niagara. Dolly, c'est chaud et froid, omelette norvégienne. Fusion d'une blonde prophétique et de guitaristes kamikazes.
Les paroles ? Charriées, stroboscopées, criblées en bouillie, hormis un réjouissant «tanké dans le vert» qu'on doit à Jean Fauque. Et bien sûr le titre « Je ne veux pas rester sage » élevé par les fans à l'indignité d'hymne national.
Chez Dolly, tout est dans la tenue des guitares. Dos cassé, le bassiste cale la sienne sur les rotules, faisant ronfler les gros ampli Fender du gras du pouce. Le guitariste tire de sa six-cordes de maladives aurores drapées de sons fuzzés, passant des vibratos hébétés aux sifflements de 747 en tour de chauffe qui laissent pantelantes les enceintes de l'Olympic. Si chez Dolly quelqu'un s'enroule sur le manche (comme on l'a vu oser l'écrire), c'est lui le grateux, surfer lové dans le tube du son. Surplombant ce précipice sonore, Manu, la Manu en robe rouge. Icône rock, madone des flippés fascinés par son oeil, ciel limpide où germent des ouragans. Elle porte sa guitare sur le cœur, comme un poignard. La fille aux yeux pers gifle l'air de ses nattes blondes comme l'une de ces gorgones pétrifiantes de la mythologie grecque.


quelques années plus tard, on retrouvait Manu pour cette interview - tutoyée comme il se doit.




Manu était la chanteuse du groupe culte Dolly. L'icône du rock français est en solo au Ferrailleur, des pépites rock plein la besace.

Emmanuelle Monet, « Manu ».

Après une longue période sans jouer, la scène te manque-t-elle ?

Deux ans sans jouer à part quelques dates, ça me manquait énormément. Le besoin de scène s'apparente presque à une déprime. Je finis par me demander si ça vaut encore la peine... Je ne sais pas faire grand-chose d'autre, je n'aime pas voyager, mes vacances, c'est le concert. Oublions, bien sûr, l'horrible quart d'heure de trac avant de monter en scène !

Et sur scène, aimes-tu retrouver le jeu de la fascination et le look rock qui tue, comme du temps de Dolly ?

Question look, on m'a assez critiquée là-dessus dans le passé, mais maintenant je me maquille et je suis très bien entourée de mes musiciens Nirox, Shanka et Ben ! Pour le reste, je ne suis pas la reine de la blague, mais j'aime bien aussi que ça rigole, un mélange de sourire et d'émotion. Et puis Snoïze me fait toujours de très beaux shows lumière, sans aller jusqu'à la cinéscénie d'Eurodisney. La chanson pour Mika, par exemple, est un moment très intense...

Même les rockeuses ont le blues ? Votre premier album, après la mort de votre bassiste Mika en 2005, vous a-t-il aidée à le surmonter ?

Tout s'est écroulé d'un coup, Dolly sortait d'une décennie de succès, symbolisée par notre tube « Je n'veux pas rester sage ». À la mort de Mika, il m'est arrivé ce qui se passe quand on perd tout : je me suis séparée, le groupe s'est arrêté, j'ai eu droit au filet garni d'épreuves. Une belle montagne à soulever... C'est la musique qui m'a sauvée. J'ai mis tout ça dans l'album précédent, Rendez-vous, suivi d'une tournée et d'un album live. Le second disque qui sort est tourné vers les autres, j'ai encore des choses à dire... Une dernière étoile brille.

Comment avez-vous écrit ce second album de chanson rock édité sous votre propre label, La dernière étoile ?

Je suis sortie de ma position autocentrée. J'ai observé les gens et j'ai pris beaucoup de notes, oui, comme un reporter qui regarde. Je pense avoir progressé dans l'écriture. Mes titres chouchous ? « J'attends l'heure » (écrit sur une maison de retraite) et « La dernière étoile ». La tournée qui s'engage est une présentation de l'album, une tournée plus conséquente devrait s'ensuivre. Je chanterai les deux albums, avec des surprises et des inédits de Dolly. Je crois que cette fois, je vais rechanter « Je n'veux pas rester sage ». J'en suis maintenant à nouveau capable.