dimanche 13 novembre 2016

Le Silence des chauves-souris : la grâce des exilées

Le silence des chauve-souris, création 2015 de la Grange-aux-belles

Critique
Présentée en octobre 2016 au Studio Théâtre, la pièce "Le silence des chauve-souris" raconte l'histoire de deux femmes en fuite : l’une échappe à la guerre, l’autre à l’amour. Le chant de leurs incertitudes est mis en scène avec grâce, malgré quelques flottements…

Deux histoires, celles de Maya et Nour : l’une a dû faire son sac en cinq minutes pour quitter une histoire d’amour. La seconde a dû faire son sac en cinq minutes pour quitter son pays en guerre.
Dans leur colocation, sur leurs lits superposés, les deux femmes rongent leur frein et soliloquent dans un silence de mort. Née d’une rencontre de l’auteur et metteur en scène, Anaïs Allais, avec une jeune femme ayant fui la Syrie, la pièce sonde cet intervalle de stupeur situé entre le moment des bombes et le retour de la parole : « Ce que vous allez entendre, vous allez certainement vous en foutre. Qu’il soit question de guerre ou pas, vous allez vous en foutre aussi. […] Mais ce n’est pas parce que vous n’avez pas connu la guerre que vous ne la connaîtrez pas. Et ce n’est pas parce que vous n’avez pas connu la guerre que vous n’avez pas connu la guerre. »


Pas sûr de tout capter


Comme ces chauves-souris guidées par écolocation, en émettant 180 cris à la seconde, les deux femmes sondent le silence des humains. Le nôtre.
Présentée par le TU dans le cocon du Studio théâtre, la pièce bénéficie d’une belle scénographie, un rideau scindant l’espace intime et celui de l’adresse au public. Comme le dit le texte, le spectateur n’est pas sûr de tout capter, partageant lui-même l’état de stupeur des personnages.
Sommes-nous bien d’accord sur ce qui constitue le « cœur du scénario », ce qui fait qu’on veut savoir la suite ? L’irréalité des scènes se justifie par ce que vivent les personnages, moins par ce que vit le spectateur. Il flotte, jusque dans les scènes qui forment l’ancrage réaliste de cette pièce, au risque de trop nous tirer vers le poncif « amateur » des parcours administratifs et médicaux : les visites à la préfecture, chez l’ophtalmologiste, le dermato ou le gynéco. C’est drôle, mais un peu bateau.
Manque sans doute un fil rouge qui dynamiserait ce spectacle long, et une intrigue plus marquée qui permette de suivre le beau texte d’Anaïs Allais. Celle-ci, jeune et prometteuse auteure/actrice, n’en impose pas moins un univers très fort qu’on attend de retrouver dans des pièces plus lisibles.
Et, pour tenter de rattraper la goujaterie de cette critique, saluons la beauté des images scéniques produites par Anaïs Allais. C’est une belle loi du théâtre, toute œuvre a son moment de grâce absolue, qui rachète les souffrances du spectateur. Mardi soir, ce fut un merveilleux moment de tango. Juste quelques pas argentins sur la piste, qui tout d’un coup, vous soulèvent de votre siège.

Daniel Morvan.
Le 4 avril 2017 au Théâtre de l’Hôtel de Ville à Saint-Barthélemy-d’Anjou

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