lundi 12 décembre 2016

Dom Juan dynamité par Jean-François Sivadier




Dom Juan, comme ces héros Marvel d’aujourd’hui, qui ne meurent jamais.© Brigitte Enguérand

Dom Juan est comme les cow-boys solitaires, qui laissent derrière eux des cœurs brisés et des cadavres, et l’interrogation : mais qui était cet homme ? Jean-Marie Sivadier en a fait un homme d’aujourd’hui : un Dom Juan pour la Star Academy, qui chante Sexual Healing dans un micro vintage - et comment oublier que Marvin Gaye fut assassiné par son père ? Même destin pour ces deux roucouleurs de soul music !
Mais la vraie histoire de Dom Juan remonte plus loin, en 1665. Dans la pièce de Molière, c'est un blond séducteur dont le chemin est jalonné de filles abandonnées et de familles en état de choc. Il défie Dieu, affirme que le ciel est vide et affronte tout l’inconnu au-dessus de sa tête, figuré par un bric-à-brac planétaire sorti de l’univers de Galilée. Si on ne croit pas au châtiment final de Dom Juan, en revanche on croit au théâtre de Sivadier. Par sa manière de jouer follement avec les codes du théâtre, avec l’adresse au public mis dans la complicité : d’entrée, Nicolas Bouchaud s’amuse à séduire les filles des premiers rangs, s’attachant d’abord à une certaine Amorine de Strasbourg : « Un autre objet a chassé Elvire de mes pensées », dit-il en lui offrant des fleurs.


Avec une machinerie à l’ancienne, ses coups de tonnerre et ses beaux effets de carton-pâte, Jean-François Sivadier, Nicolas Bouchaud et son équipe ont pris l’option d’un théâtre ludique. Le public adore l'irrésistible Lucie Valon dans son rôle de Bécassine et de clown, ainsi que Stephen Butel qui lui donne la réplique, dans un gallo venu de la nuit des provinces. L'extraordinaire et bondissant Nicolas Bouchaud joue avec la diction et en tire de très beaux effets comiques. Ainsi dans la phrase : « et tout le plaisir de l’amour est dans le... ? Dans le... ? Changement! », où il retarde le dernier mot comme un politique ou un maître d’école.
S’il est clair que Dom Juan avait toute la sympathie de Molière, c’est qu’il est aussi une figure du comédien. Irréductible au principe de réalité, il ne rembourse aucune dette, ne doit rien à personne. Un antihéros qui disparaît corps et biens, purement éclipsé. Dom Juan l’insaisissable est bel est bien comme ces héros Marvel d’aujourd’hui, qui ne meurent jamais.
Daniel Morvan.

Lundi 12 décembre 2016 à 20 h 30, mardi 13, mercredi 14 et jeudi 15 à 10 h, vendredi 16 à 20 h 30 et samedi 17 à 19 h. Au Grand T (Nantes), tél. 02 51 88 25 25.

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