< archive 2019> Sa maison est la plus scrutée de
Paimboeuf, la façade tapissée de chambres à air en bord de quai.
Même la Loire monte aux fenêtres voir si le travail avance. Du
dedans cela fait comme un bateau ivre, avec à la barre un capitaine Nemo un peu Chagall, qui rêve le
monde sous forme de visages médusés, de paysages de déluge. C'est
la demeure et l'atelier de Dominique Leroy, peintre diplômé. Pas
ours pour deux liards, le taulier pose souvent sur sa chaise dans la
rue et lie conversation avec le passant.
S'exposer, oui. Il le fait parfois, trop rarement, à
Saint-Nazaire ou chez lui, pour fêter le passage d'une flotille avec
sa voisine peintre, Do Fournier. Mais enseigner? Il y pensait, mais
tiquait à l'idée de poser en vieil académicien dispensateur de
recettes. Aujourd'hui le fauve doux fend l'armure et ouvre un atelier
d'art. Ne dites école, ni cours, ni leçon. Dites métier, pratique,
méditation, sortie de piste, disparition des radars, même.
Dominique Leroy mit son expérience à
disposition de quiconque, se sentant comme une fleuriste amnésique,
ne sait pas par quel bout prendre le bouquet. À disposition de tout
enfant curieux des arts, tout amateur désireux d'aller voir de
l'autre côté d'un miroir qui ne lui renvoie que des barques, des
chats et des sujets de convention.
"Rendre les gens libres"
Résumé du projet? "Rendre les
gens plus libres de faire ce qu'ils ont envie, de jeter par dessus
bord tout ce qui les ennuie, tout ce qui se répète dans leur
manière de peindre, de dessiner. Les chats, les chiens, les bateaux. Cela n'a rien d'un cours classique
avec des natures mortes et des aquarelles. Je vous aide seulement
à vous rapprocher de ce que vous voulez faire."
La chose est dite, cela dure trois
petites heures par semaine, et cela se termine par le thé du patron.
Avec conversation à livre ouvert devant des grands albums d'art,
pour voir comment les grands prennent du champ avec le monde
simplifié qui est nôtre: "l'esprit humain ne peut rien
créer, il ne peut être fécondé que par l'expérience et la
méditation", est-il écrit quelque part sur un de ses
livres. Au test des premières heures d'atelier, le fauve doux se
révèle un bon pédagogue, pas dirigiste, vous guidant en douceur,
aidant chacun à prolonger son geste, à forcer en bougonnant le passage vers des
noirs de charbons impensables. De ces longues mains
qui reviennent dans l'esquisse d'une autre, ou encore de ces découpes
au cutter qui, incisant un calque opaque, révèle des feuillages.
Dans ce bateau ivre, on se décloue du poteau des couleurs.
Au bout de quelques heures vous avez
pondu quelque chose d'informe, avec des ombres sur le côté. C'est
surtout ces ombres qu'il faut travailler. Tout reste à faire, vous
êtes toujours devant les fleurs éparses, sans savoir, et pourtant
vous sentez avoir ouvert une brèche. Vers quoi? Votre dessin
intérieur?
L'Atelier de Dominique Leroy se situait quai
Boulay-Paty et 98 rue du Général-de-Gaulle, 44560 Paimboeuf.
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