jeudi 13 octobre 2016

Les onze terreurs de Pierre Michon

L’histoire de la Révolution française à travers celle d’un tableau. Pierre Michon © Jean-Luc Bertini   

 

Les Onze, de Pierre Michon, aborde l’histoire de la Révolution française à travers celle d’un tableau : le portrait collectif des onze membres du Comité de salut public. Pierre Michon a écrit les trois premiers chapitres en 1993, et a terminé l’ouvrage en 2008. « Les Onze » a paru le 24 avril 2009. Voici la version complète de l'entretien réalisé à cette occasion.

Entretien

Pierre Michon, auteur de Les Onze


Quelle est la part de fiction dans cette histoire ? Pardonnez cette ignorance, mais le peintre François-Elie Corentin est-il si connu ? Et ce « célèbre tableau », Les Onze ?
Un des chapitres des Onze que je n’ai pas publiés commençait ainsi : « Imaginez, Monsieur, cet être improbable : quelqu’un qui ne connaîtrait pas Les Onze » : Cet être existe, c’est vous, Daniel Morvan! Et vous n’êtes pas le seul : plusieurs amis (dont Emmanuel Carrère) se sont excusés de «leur ignorance». J’en suis extrêmement satisfait : c’est que j’ai fait exister le tableau, on y croit !
Malheureusement, Corentin et Les Onze sont pure fiction. Mais comme j’ai pris l’habitude d’écrire en partant de faits vrais, on croit que là aussi, c’est tout vrai. Je bénéficie de la présomption de vérité. Mais c’est du roman !

Écrire l’histoire, c’est toujours faire œuvre de romancier ou d’artiste ?
L’histoire n’a pas de sens, sinon celui d’une belle tragédie. Borges disait que l’histoire des religions est une branche de la littérature. Mais on peut le dire de l’histoire tout court.

Dans ce livre, il est autant question d’étoffes que d’idées. La vérité de la Terreur serait-elle plus dans le « manteau de soufre » de Couthon que dans ses convictions ?
La matérialité m’intéresse bien plus que l’abstrait. Les textes sur l’institution politique, etc., me tombent des mains. La fraise que portent au cou les hommes du début XVIIe m’en apprend plus que les traités politico-juridiques. De même l’uniforme tricolore « à la nation » des Représentants en mission.
Plus simplement : il s’agit ici d’un tableau de peinture, c’est-à-dire d’une discipline dans laquelle l’habit fait le moine.

Quelle ambition est à l’origine de ce texte ? Et qu’est-ce qui a été surmonté pour que les Onze finissent par paraître ?
L’idée m’en est venue en 1993, au bicentenaire de la Terreur (qui est à mon sens la vérité de la Révolution, plus que 1789). J’ai alors écrit, il y a quinze ans, les trois premiers chapitres. Puis je suis passé alors à la rédaction de La Grande Beune. Mais ce texte flottait toujours dans mon esprit.
Ce qui a été surmonté, dans les quinze ans qui séparent la rédaction des deux parties, c’est ma crainte des opinions partisanes concernant la Révolution. J’ai eu en 2008 le culot que je n’avais pas eu en 1993 : celui de mettre cet événement sous verre, protégé sous une vitre blindée, comme l’est mon tableau.

Pourquoi ne pas avoir traité directement du sujet (la Terreur), sans en passer par la peinture ni par Michelet ?
J’aurais couru le risque d’enfoncer des portes ouvertes. Mon texte fait appel à des échos (c’est une chambre d’échos) dont le plus visible est Michelet. Mais il y a aussi, moins visibles, de Maistre, Sade, Marx. Et même Shakespeare, qui a représenté la Terreur bien avant la Terreur !

Le « Pierrot » à la Watteau, qui est un peu votre double et qui apparaît souvent dans vos livres, devient ici un « Robespierrot » régicide et parricide !
Toute histoire de la Révolution est une histoire de meurtre du père. C’est la horde des origines, comme dans Totem et Tabou de Freud : les fils, les frères (les Onze) tuent le père (le roi), et fous de culpabilité s’entretuent.

Comment composez-vous une scène aussi complexe que celle de la convocation du peintre ?
Faire tenir ensemble des éléments et des métaphores disparates : les os morts des saintes, l’or, les bicornes, les cloches, les chevaux, Michelet et Lascaux : je ne peux pas vraiment en parler, mais c’est là que réside le plaisir propre à la production d’écriture, à la joie de la trouvaille, des trouvailles multiples, et au glaçage final de tout cela dans le texte lisse.

Recueilli par Daniel Morvan.

Pierre Michon : Les Onze. Verdier 2009, 140 p., 14 €. Et aussi : Pierre Michon, un livre CD d’Agnès Castiglione. Ed. Textuel, 132 p., 19 €.






Pierre Michon © DR



Vidéo: Laetitia Casta en performance à Nantes

Dimanche 23 octobre, la HAB Galerie (Nantes) présente Voix d’eau, une performance de Laëtita Casta et Sébastien Bertaud autour d’une vidéo d’Ange Leccia, dans le cadre de l’exposition La mer allée avec le soleil.


Photo J. Benhamou


La Mer : C'est une magnifique exposition d'art vidéo d’Ange Leccia, présentée (en prolongation) au cours du Voyage à Nantes à la HAB Galerie.
Elle devient le décor vidéo d’une performance interprétée par Laetitia Casta et par le danseur-chorégraphe Sébastien Bertaud: Voix d'eau.
Pris dans le mouvement incessant des vagues, une nymphe et un pêcheur entraînent le spectateur dans une dérive poétique et chorégraphique, sur un texte de Benoît Fuhrmann.
Voix d’eau a été créée le 18 juin 2016 à l’Opéra Garnier à l’occasion de "La rumeur des naufrages" (collaboration entre les artistes du Pavillon Neufliz OBC du Palais de Tokyo et l’Académie Chorégraphique de l’Opéra).

mercredi 12 octobre 2016

Notre-Dame-des-Landes: ZAD Story

Après la consultation de juin et la polémique sur l'évacuation de la ZAD, à laquelle Ségolène Royal s'oppose, c'est maintenant le président Hollande qui ajoute à la confusion en confiant qu'il pense que le projet de NNDL ne verra pas le jour.


26 juin 2016: Le referendum

Un référendum local, voulu par le gouvernement pour sortir de l'impasse, valide le projet à 55,17% des voix. Les opposants ne lâchent rien, et Manuel Valls annonce le lancement des travaux pour l'automne. Cofinancé à 56 % par un concessionnaire privé, filiale de Vinci, par l'Etat et des collectivités territoriales, le transfert a été chiffré en 2010 à 561 M€ pour 4 millions de passagers, 992 millions pour 9 millions. La somme comprend la desserte routière, la plate-forme aéroportuaire et la tour de contrôle. « Le prix n'inclut pas les infrastructures ou le pont sur la Loire. Il faut compter bien plus », croit savoir France Nature Environnement (FNE), opposé à la construction. 

Pour l'Acipa, association contre le projet, transférer l'aéroport, c'est renoncer à des « terres agricoles bocagères d'une biodiversité exceptionnelle ». L'implantation se ferait sur une vaste zone agricole et d'élevage de bovins qui sera grignotée : la surface perdue est estimée à 865 ha. L'impact sur la biodiversité et sur les zones humides a été acté par les experts. 
Plusieurs associations continuent à prôner une extension de l'actuel aéroport plutôt qu'un transfert. « Malgré l'importance du sujet [...], aucune analyse coûts-avantages n'a été effectuée sur cette option », souligne la Commission nationale du débat public (CNDP).
 Réaménager entièrement Nantes Atlantique en maintenant la piste actuelle, longue de 2 900 m,  "éviterait l'artificialisation de tous ces hectares à Notre-Dame et la création des infrastructures routières. Etendre Nantes est possible en améliorant ses accès, notamment par une extension du tram", assure le président de France Nature Environnement, Denez L'Hostis.

1er octobre, Ségolène Royal: "un aéroport surdimensionné"

Ségolène Royal, dans l'émission de Laurent Ruquier (On n'est pas couchés), s'exprimait ainsi à la veille de la grande manif de ce week-end: « Que les élus locaux, comme la maire de Nantes, ou Jean-Marc Ayrault, qui ont réclamé cet aéroport, assument cette responsabilité. Ils ne peuvent pas, le jour où cela ne se passe pas bien, trouver des responsabilités ailleurs. » Et de répéter que le processus démocratique ne s’est pas fait correctement. « A chaque fois que nous constatons un déficit démocratique et de transparence sur les décisions qui sont prises, on est rattrapé par des problèmes. Certains élus locaux ou lobbys se sont obstinés. On aurait dû prendre le temps de bien écouter ce qui se passait. »
Pour la ministre, « l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes a été surdimensionné, sans doute pour des intérêts financiers, ou parce qu’il fallait justifier qu’il fallait déplacer cet aéroport. Et jamais une autorité médiatrice n’a dit Comparons les deux projets, et voyons ce qui se passe ».




Mardi 11 octobre, Manuel Valls: "L'évacuation pour cet automne"

Mardi, le Premier ministre a réaffirmé que l’aéroport se fera. « L’évacuation, c’est pour cet automne », s’avance-t-il. Tout en précisant : « Si ça ne se fait pas avant mars 2017, ça ne se fera jamais.»Quelques heures plus tôt, la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, avait parlé de « déni de démocratie » en refusant toute évacuation de la ZAD. Des propos vivement critiqués par les élus du syndicat aéroportuaire. En première ligne, le président LR de la Région, Bruno Retailleau.
Mais derrière lui, et c’est plus inhabituel, on trouve aussi le président du Département, le socialiste Philippe Grovaslet, le maire PS de Saint-Nazaire, David Samzun, ainsi que… la maire socialiste de Nantes, Johanna Rolland.Et tous les quatre de clouer le bec à Ségolène Royal : « Ces propos d’un ministre qui défie l’autorité de l’État et s’oppose au respect de la loi ne peuvent rester sans suite, alors que les forces de l’ordre se préparent à faire respecter la loi de la République et les décisions de justice sur la ZAD, estiment les élus du syndicat. Nous appelons clairement le président de la République et le Premier ministre à recadrer Mme Royal qui ne peut impunément bafouer leur autorité et mépriser les citoyens concernés qui ont voté le 26 juin et qui attendent le respect de la loi et de la démocratie. »




« Cacophonie gouvernementale »

Si l’association Des ailes pour l’Ouest (pour le transfert de l’aéroport) estime que « la cacophonie gouvernementale » ne peut plus durer, la réponse des élus écologistes de la Ville de Nantes ne s’est pas fait attendre. Pour Pascale Chiron et Jean-Paul Huard, « Johanna Rolland semble oublier qu’à cent voix près, un Nantais sur deux ne veut pas de cet aéroport. Si on exclut les voix de droite, cela veut dire que ceux qui l’ont élue maire sont majoritairement contre l’aéroport. Dans ce contexte, chacun doit chercher l’apaisement. »

4 novembre: La non-annulation des arrêtés préfectoraux


Lundi 7 novembre 2016, devant la Cour administrative d'appel de Nantes, le rapporteur public préconisera l'annulation "totale ou partielle" des quatre arrêtés préfectoraux qui autorisent les travaux de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Le rapporteur public va demander, lundi, l'annulation des quatre arrêtés de décembre 2013, portant sur la loi sur l'eau et les espèces protégées, à la fois pour la construction de la plateforme aéroportuaire et la réalisation des routes d'accès. Mais cette annulation n'est pas validée par la cour d'appel de Nantes.
En novembre, une étude d'un chercheur, Luc Brohan, révèle que le sol argileux du bocage est impropre à la construction des pistes du futur aéroport.

Décembre 2016: recours contre le Scot

Les opposants annoncent deux recours, l'un contre le Scot, l'autre contre le rejet des recours environnementaux.

Michel Tarin a quitté Notre Dame des Landes et cette terre vendredi 31 juillet 2015. C’était un militant infatigable de nombreuses luttes, dont celle contre le projet d’aéroport. 

mardi 11 octobre 2016

Sophie Avon, un paradis derrière l’océan

Cela commence comme du Paul Nizan et ça continue comme du Florence Arthaud. « Nous avons appareillé au mois d’août. Nous avions un peu plus de vingt ans et chacun partait pour des raisons différentes. Sait-on jamais pourquoi on décide de filer à l’autre bout de l’océan? » Après un Truffaut au cinéma, c’est parti pour La Corogne et la traversée de l’Atlantique. Lili a 20 ans, et embarque avec son frère Paul, sur un voilier, Horus. Elle laisse derrière elle son fiancé, Vincent, amoureux d’elle - du moins à son départ. Sophie Avon (voix de l'émission Le Masque et la plume) conduit son roman comme s’il s’agissait d’un de ces classiques livres de mer vieille école, dans le style des éditions Arthaud. Et la précision technique de ce journal de bord (sur la liste du prix Femina 2016) laisse son lecteur un brin désarçonné. Certes, nous adorons tous les récits de survie, les points au sextant, les avaries, les amours d'escales, le mal de mer... Mais, plus que celle de Moby Dick, la présence de Marcel Proust dans ce journal de bord doit nous alerter: cette odyssée est aussi une recherche du paradis perdu. Le Brésil n’est le but de l’aventure que pour le bateau, mais pour Lili, la narratrice, le vrai voyage est celui du retour vers son amoureux. Et vers la sagesse: un voyage « que personne ne peut faire pour vous », et que tous les autres feront, comme vous.
Daniel Morvan.

Sophie Avon: Le vent se lève. Mercure de France, 176 pages, 16,80 €.

lundi 10 octobre 2016

Mélissa von Mépy, femme marionnette


Reliée par de nombreux cordages à une structure lourde, la trapéziste devient marionnette désarticulée.




Mélissa Von Vépy, trapéziste.
Le spectacle que vous présentez au Lieu Unique s’appelle VieilLeicht (peut-être). Pourquoi peut-être ? 
C’est « peut être » au sens de « pouvoir être » : j’interroge la possibilité pour une femme pantin, un être de bois, d’être. VieilLeicht m’a été inspiré par la lecture d’une nouvelle : Sur le théâtre de marionnettes (1810), de Heinrich von Kleist. Elle traite de l’admiration éperdue vouée par un danseur d’opéra aux marionnettes, qui ne ressentent rien. Leur mouvement mécanique, dénué de gravité physique et d’états d’âme, semble être à la source de leur grâce infinie. Ce texte est la bible des marionnettistes, j’en ai fait un spectacle.
Vous êtes trapéziste, comment vous transformez-vous en pantin ? J’évoque le chemin d’un être empêtré dans ses fils, qui s’automanipule à la verticale. Une machinerie spéciale a été créée : un « métier » (c’est la croix des marionnettistes) géant, qui me permet d’aller au-delà de l’exploit physique pour atteindre la beauté d’une marionnette, en empruntant un chemin de cordages…
Ce projet très élevé n’en est pas moins accessible aux tout petits, n’est-ce pas?  
Bien sûr, il n’est pas nécessaire de connaître Kleist, le spectacle (50 minutes) s’adresse aussi aux enfants ! Et mes interrogations sont toutes simples : la recherche de l’apesanteur, la légèreté…



Mardi 11 et mercredi 12 octobre à 20 h 30 au Lieu Unique, quai F. Favre, Nantes. 22 €, 8 €

jeudi 6 octobre 2016

Espæce, l’Histoire avec sa grande hache



Critique
« Pas facile, l’art contemporain » : réflexion en sortie de salle. Ou encore : « Bon courage pour la critique » (une main compatissante sur votre épaule). Et pourtant, tout est là, bien lisible, sur le plateau du Grand T. Dans ce nouveau spectacle, Espæce, Aurélien Bory démontre sa capacité à adapter son outil à son propos. On ne l’a jamais vu répéter une formule magique, rééditer sa forêt de fils, son chapiteau flasque. Si ça marche, il faut tenter autre chose.
Avec Espæce, le metteur en scène ouvre un livre aimé (Espèces d’espaces, de Georges Perec) et le déplie dans l’espace scénique. Un artisanat virtuose de l’espace se met en route. Un simple fond de décor devient machine dévoratrice, train d’enfer, se plie et se déplie vers les humains (cette espèce qui habite les espaces). À eux d’éviter de se faire pincer. Parfois ça passe ric rac. Ils prennent des risques énormes.
On pense à Tati, à Chaplin, devant ces scènes muettes. Jusqu’au souvenir d’enfance, un moment mimé qui semble résumer toute la tragédie de Perec, la déportation de sa mère. Le malheur, lieu de naissance de l’écriture. Derrière les jeux de mots croisés, l’Histoire avec sa grande hache.
Daniel MORVAN.
Ce soir et lundi à 20 h 30 ; samedi à 19 h ; mardi à 20 h. Au Grand T, avenue du Gal Buat. Tél. 02 51 88 25 25.

vendredi 30 septembre 2016

Elle apprend à lire pour tenir son propre rôle: esclave



Véronique Solo-Mendès est née au Congo il y a 60 ans. Agent de propreté à Saint-Nazaire, elle a appris à lire le français pour monter sur scène - sa fierté. Elle jouera un rôle d'esclave dans une pièce d'Arthur Miller. Le plus dur était d'apprendre les répliques. Incarner ce rôle? Pas compliqué, quand on a été soi-même esclave.


"Jouer une esclave? Facile, je l'ai été, enfant"



Apprendre à lire le français pour tenir son propre rôle sur une scène ? Ce serait la preuve d’une passion bien chevillée. Mais l’apprentie comédienne n’est pas sortie du cours Florent. Elle est agent de propreté à Saint-Nazaire. Elle n’a jamais connu l’école : orpheline, elle a passé son enfance à faire le ménage. Aujourd’hui, elle brûle les planches avec un rôle de domestique serve qu’elle maîtrise parfaitement : celui de Tituba, dans Les Sorcières de Salem. Une pièce d’Arthur Miller, et un peu la sienne aussi.

Qui est Véronique Solo-Mendès ?
Une découverte de Pierre Reipert, directeur de la compagnie « Astrolabe 44, arts de la scène et lien social ». Cette compagnie travaille régulièrement avec le Secours populaire.
L’Astrolabe cherchait une comédienne noire pour sa nouvelle pièce. Pierre Reipert lui propose de jouer le rôle d’une asservie. Elle répond oui avec enthousiasme.
« Elle nous a expliqué qu’elle serait heureuse de montrer qu’elle pouvait faire autre chose que ramasser les papiers gras au sol, explique Pierre Reipert. Seulement, elle ne savait ni lire ni écrire. Mais il lui fallait bien lire son rôle, elle a donc appris à déchiffrer un texte en français, pas à pas, grâce à un atelier du Secours populaire. En un an et demi, elle a appris à lire de façon fluide. Et à monter sur scène : c’est sa grande fierté ».

Véronique joue Tituba, esclave d’une famille puritaine qui va la dénoncer comme sorcière. "Je n'ai aucune difficulté à jouer une esclave, puisque c’est ce que j'ai été, enfant". La compagnie Astrolabe 44 pense déjà à elle pour une autre pièce. Un personnage comique à l’opposé de son premier rôle : elle serait une tyrolienne blonde et un brin xénophobe.


Daniel Morvan.

 

Mercredi 12 octobre, à 20 h 30 au Théâtre de Verre, à Châteaubriant. Samedi 5 novembre, à 20 h 30 et dimanche 6, à 15 h, salle des fêtes du Croisic. Le 23 janvier 2017, à la MJC Saint-Exupéry, à La Baule. Les 10 et 12 février, Espace Renaissance, à Donges. Réservation au 02 40 53 75 62.

mercredi 21 septembre 2016

Stratégie pour deux jambons: de l'art et du cochon

« Stratégie pour deux jambons », monologue philosophique d’un porc avant son abattage, était recréé en octobre 2016 par deux Nantais: Solenn Jarniou (mise en scène) et Didier Royant (comédien). Une "pièce-culte" ravivée par les préoccupations contemporaines sur la souffrance animale.


Didier Royant et Solenn Jarniou raniment ce succès des années 80



Stratégie pour deux jambons, c’est de l’art ou du cochon ?
D.R. C’est un cochon seul en scène, qui médite sur son existence, quelques heures avant d’être abattu. De l'humain il ne connaît que le porcher. Stoïque, il attend l’équarrisseur « d’un pied ferme et le cœur léger ». Raymond Cousse, son auteur, était né dans une famille bretonne venue travailler en région parisienne. Influencé par Beckett, il a écrit et joué ce texte. Il fut créé avec un immense succès en 1979. Le souci de la souffrance n’était pas absent des esprits à cette époque, mais le sujet de la pièce est surtout l’acceptation par le cochon de son destin tragique, de la naissance au pâté.

Vous avez taillé dans le gras?
D.R. On ne vise surtout pas la drôlerie, on n’insiste pas trop sur les calembours (« qui vivra verrat, disait mon père »). Mais on cherche l’émotion et la sincérité totale. Oui, on a taillé dans le gras du texte, en pensant au public de 2016, qui est un gros zappeur. On ne fait plus de cadeau, 10 minutes de trop et le spectateur est perdu. Donc on déborde à peine l’heure de spectacle, concentré sur les 4 m2 d’une porcherie. Peu d’accessoires : on garde le plus important, le seau.

C’est le discours de la servitude volontaire pour les cochons, cette pièce ?
D.R. Oui, ce cochon aime ce qui lui est imposé. La lutte des classes, c’est pour les tocards, lui, il n’a qu’un objectif, atteindre 120 kg en 210 jours, et ne pas gâcher le boudin… Il milite pour la production de jambon de qualité. Et il sait qu’il ne restera rien de lui, puisque dans le cochon, tout est bon…

Vous avez ciblé les producteurs de porcs dans vos invitations ?
S.J. Oui, bien sûr ! C’est un spectacle autoproduit et nous ne devons négliger aucun public. Nous invitons tous les diffuseurs, notamment ceux de l’ouest et des Côtes-d’Armor ! Ce regard, qui n’est pas un pur réquisitoire, peut les intéresser.
Pas très rose, dites, cette vie de cochon...
Ce spectacle, ce n’est pas une heure de souffrance. Il devrait même être agréable à regarder.


Daniel Morvan.


mardi 20 septembre 2016

Florence Seyvos, Scènes d'enfance



La jeune Suzanne se souvient avoir passé ses vacances dans une demeure mystérieuse près d’un lac, unie à son frère Thomas par un lien très fort, fait de mystère et de peur du vide. Les souvenirs sont hantés par des figures adultes : Un maître d’école sadique, une grand-tante un peu lunaire, une cousine tyrannique qui joue avec un revolver. Et tout le reste : Un tableau représentant Ariane et son fil, la vase visqueuse du lac sous les pieds, les sévices et le désir de croire…
Dans son précédent roman, Le Garçon incassable, Florence Seyvos racontait l’histoire d’un enfant fragile, mais aussi agile que Buster Keaton. Cette fois, la scénariste de Noémie Lvovsky (Camille redouble) voit le monde dans la loupe grossissante de la sensibilité enfantine.
Cette histoire, on l’aime pour son climat d’adolescence effrontée, qui explore le monde par son versant étrange : la mère de la fillette lui apprend à jouer à la poupée, dont le mécanisme se détraque. Son père, lui annonçant son divorce, lui semble « un homme politique en difficulté ». Suzanne sonne les cloches de l’église, soulevée dans ses collants blancs. Scènes belles comme le monde vous semble à douze ans, enregistré à jamais depuis les coulisses de l’enfance.
Daniel Morvan.
Florence Seyvos: La sainte famille. Editions de l’Olivier, 174 pages, 17,50€.

Survivre au Jardin des Plantes, c'est possible!



Alors que le téléspectateur des « reality shows » se repaît des supplices d'aventuriers pour de rire, nous avons beaucoup mieux au coin de la rue. Inutile de s'enduire de boue ou de manger des mygales : un ticket de tramway suffit. Laissons donc les crocodiles manger Aurélie, la candidate de Koh Lanta... et partons pour le Jardin des plantes ! Une vraie corne d'abondance. Et aucune raison que les grives soient les seules à se gaver de ces fruits magnifiques dont la raison première n'est pas l'ornementation.
« Un Jardin des plantes n'est pas conçu comme un garde-manger, explique Romaric Perrocheau, directeur du lieu, mais c'est un aspect passionnant de la botanique. »
Dans ce genre d'endroit, le mieux est d'observer ceux qui y travaillent, les jardiniers. Sous leur gouverne, avec toute la prudence voulue, votre naturel de cueilleur revient au galop... Dans le respect des pelouses !
Le butia (palmier abricot). Un palmier résistant au froid (il ne gèle qu'à - 10°) que l'on trouve dans les pampas d'Amérique latine. Les fruits du butia (ou palmier abricot) arrivent en ce moment à pleine maturité. En Amérique latine, on en fait du vin de palme. Délicieux frais (la pulpe sucrée entoure un gros noyau, comme celui des litchis, que l'on peut facilement faire germer). Situation : près des serres du Jardin des plantes.
Cognassier sauvage. Rubrique sans objet, tous les fruits ayant été déjà prélevés par les amateurs de confitures de coings.
Kaki. Impossible de passer à côté, tant l'arbre chargé de fruits est spectaculaire ! Le fruit du plaqueminier est sans conteste la grande star du moment au Jardin des plantes. L'œil est attiré par le port majestueux de cet arbre subtropical. Et surtout par ses fruits d'un rouge vif, proche de celui du sorbier.
Les fruits sont de la taille de tomates et ne se cueillent pas encore. Il faut attendre, pour le consommer, que le kaki soit très mûr, lorsque son épiderme se décolore et qu'il se ramollit. Pour activer son mûrissement, le ranger avec une pomme.
Très sucré, il se mange nature, à la petite cuiller ou en sorbet. De nombreuses recettes existent sur Internet (chutney, purée pour accompagner le filet de canard...). A noter qu'il existe aussi un petit kaki dont la maturité est plus avancée (il se déguste sur place, choisir les fruits blets).
Églantier (cynorrhodon). La baie (le vulgaire « poil à gratter ») de cette rosacée ne se consomme pas entièrement. On ne mange que la base du fruit, sucrée et légèrement astringente. Très riche en vitamine C. Dans le carré des rosacées, angle nord du jardin.
Pomme sikkim. De la famille des pommiers sauvages, son fruit se consomme comme le néflier, ramolli et presque blette (se méfier des épines). Contre le mur Est.
Cornouiller mâle. On l'appelle aussi mimosa du causse, en raison de sa belle floraison jaune vif. Il produit des fruits à noyaux, rouges et très acides. Peu comestible en l'état, la cornouille permet de faire de succulentes gelées. Au bas du jardin.
Hovenia dulcia (raisinier de Chine). Autre vedette du jardin (au nord-ouest, non loin de la porte Clemenceau), ce bel arbre porte des fruits insoupçonnables. Après avoir libéré ses parfums à la floraison en juillet, l'hovenia (siku au Japon) développe un fruit minuscule : la partie comestible est en réalité la tige de ce fruit délicieux et baroque, entre raisin et poire.

  • Christian Marchand, jardinier, déguste la tige du raisinier de Chine.

vendredi 26 août 2016

Chirurgie de guerre le 14 juillet à Nice

Chirurgie de guerre au CHU Pasteur

Témoignage d'un chirurgien orthopédique, traumatologiste chef de clinique au CHU Pasteur 2 Nice.



Le soir du 14 nous étions à la maison, avec des amis, également médecins. Je reçois un coup de fil annonçant un attentat et le lancement du plan blanc. Nous confions notre jeune fils à une amie, et partons. Au CHU, tout le monde est là, les internes, les externes, les étudiants, par besoin d'être utile. Nous avons formons deux équipes: l'une pour accueillir et trier les blessés, l'autre pour opérer. Nous avons créé pour chacune des 18 salles du bloc une équipe complète, avec un chirurgien orthopédiste, un autre viscéral, un anesthésiste, des infirmiers et des internes. En une demi-heure nous organisons une chaîne humaine très efficace. A l'arrivée des premiers blessés au CHU, le personnel est choqué: les hématomes faciaux, les membres arrachés provoquent des pleurs et des évanouissements. C'est l'effroi, mais si on panique on ne fait pas les choses. Une femme demande où est sa fille, alors qu'elle est décédée. Une autre parle de son mari mort sous ses yeux. Au bloc, nous explorons les plaies, dressons un bilan des lésions vasculaires, des fractures, ligaturons les vaisseaux pour stopper les hémorragies. Il faut alors décider ou non d'amputer, décision lourde à prendre. Ce sont des blessés de guerre avec des plaies profondes, comme un accident de la route avec 50 blessés en urgence absolue, qui arrivent en même temps. A 5h du matin, les cas gravissimes sont traités. On se couche une heure. A 7h30, on débriefe et on affine le geste chirurgical pour certains patients, jusqu'au soir. 48h sur le pont.

samedi 20 août 2016

Emmanuel Venet: Marcher droit, tourner en rond

Le syndrome d’Asperger est une variante humaine non pathologique associant, à un degré aigu, intelligence, humour et misanthropie. Ils s’appellent eux-mêmes les "aspi" ou les "asperges", et se reconnaissent entre eux. Ce sont de gros gaffeurs, car ils disent tout ce qu’ils pensent et pensent tout ce qu'ils disent, sont intègres et aiment les listes. Le héros de ce livre adore aussi le scrabble, les catastrophes aériennes et Sophie Sylvestre, une camarade de lycée qu’il a tendance à envahir de courriels. L’ouvrage nous fait partager sa vision corrosive de la société, du culte des apparences et des femmes folles d’emplettes. On rit beaucoup devant ce tableau de famille: la tante Solange et son attirance mystique pour les pervers, le cousin Henry et ses plans pourris de mercurey déclassé, la tante Lorraine et ses escapades. Les notes acidulées du livre ne couvrent pourtant pas celles, plus discrètes, des souffrances d’une vie purement imaginaire, à l’écart d’un réel qui ne génère qu’un "douloureux sentiment d’absurdité". DM
Emmanuel Venet: Marcher droit, tourner en rond, 128 pages, 13€. Verdier. 18 août.

lundi 8 août 2016

Christophe Donner, l'ingénu libertin



Ce roman est né du désaccord ressenti par Christophe Donner devant les films de Larry Clark et Despleschin sur l'adolescence: A presque 60 ans, il observe celui qu'il était à 13 ans, à 15 ans, et raconte sa quête fébrile d'un Graal fille et garçon.  L'ouvrage est aussi né de l'étonnement de l'auteur devant sa propre photo adolescent (couverture du livre), dont les yeux bleus et les cheveux bouclés le font ressembler au Tadzio de La mort à Venise. Visconti donc, croisant les fantômes de 1968, dans cette adolescence effrontée et angoissée racontée avec la légèreté d'un conte à la Rohmer. Mais on ne résiste pas au charme de cette histoire très intime, cette adolescence angoissée entre père détesté et mère perdue, dans ses décors nouvelle vague, où les tourments de la chair ont le parfum des nuits blanches à Saint-Tropez.


Christophe Donner: L'Innocent. Grasset, 252 pages, 18€.


dimanche 24 juillet 2016

Olivier Py: Avignon, miroir du monde

Entretien avec Olivier Py

Ce 70e festival d’Avignon est aussi le troisième que vous dirigez. Avignon est-il toujours un miroir du monde ?
Oui, et d’autant plus fortement quand le monde est moche. Ce festival est international et politique, avec cette année un focus sur les créateurs du Moyen Orient. Les artistes syriens témoignent de leur souffrance autrement que ce qu’on peut voir au journal télévisé, avec de l’intime. Et les mauvaises nouvelles ne nous accablent pas lorsqu’on ne voit pas des victimes, mais des humains.

Faut-il au théâtre des spectacles très longs (comme 2666, qui s’étend sur 12 heures) pour accoucher de l’avenir ?
Le spectacle long, j’en suis presque l’inventeur, après Vitez et Le soulier de satin ! C’est d’abord une aventure héroïque de spectateur, et le public s’applaudit lui-même. Les longues pièces sont l’occasion de rencontres merveilleuses. Un spectacle de 12 heures est un très bon moment pour tomber amoureux.

À quand votre prochaine grève de la faim avec Ariane Mnouchkine ?
Ariane, j’aimerais dîner avec elle pour lui dire que je l’aime. Elle m’a appris une chose : On ne pense que quand on agit.

À ce titre, êtes-vous un lanceur d’alerte ?
Non, hélas. La temporalité du théâtre n’est pas celle d’une alerte. Nous sommes trop lents pour agir face à l’événement. Nous sommes des lanceurs de méditation.

Le théâtre peut-il changer le monde ?
Il change déjà cette bonne ville d’Avignon. Qui ne vit, pour l’essentiel, que par son festival. Elle serait déjà tombée dans l’escarcelle du FN si elle n’avait pas eu le théâtre.

On dit que vous êtes un festival d’élites…
Le public du festival est en majorité composé de membres de l’éducation nationale. Oui, c’est bien une élite culturelle. Mais les élites socialement dominantes, elles, vont au festival d’Aix-en-Provence.

Qu’avez-vous recueilli de l’écume des jours ?
Ça me touche d’entendre ce titre, L’écume des jours, mon premier spectacle à Avignon dans le off. J’étais jeune remplaçant, je n’avais débuté que dix jours avant la première. Ce fut l’éblouissement des commencements. Mais le off, c’est très dur.

Après le festival, vous êtes plutôt mer ou plutôt montagne ?
Ne le dites à personne : depuis 25 ans, je vais à Ouessant, où j’ai une maison. Tous les écrivains ont besoin d’une île pour écrire et pour dormir. Bien au frais.
Recueilli par
Daniel Morvan.

Auteur, metteur en scène, acteur, Olivier Py est directeur du Festival d’Avignon, dont la soixante-dixième édition se tient jusqu’au 24 juillet dans la cité des Papes.

vendredi 22 juillet 2016

Le 15 juillet 2016, sur la promenade des Anglais

48 heures après l' attaque terroriste du 14 juillet, la promenade des Anglais a été réouverte. Envoyé au festival d'Avignon, j'ai été dérouté sur Nice. 

La mer n'est pas moins bleue qu'avant-hier. Le lendemain du 14 juillet, un chemin de fleurs jalonne la trajectoire du camion. Un mausolée de fleurs, où les caméras tournent en continu. En marge, certains vont à la mer. Sac de plage en bandoulière, ils bravent les cordons de sécurité pour atteindre la plage. Et cela n'a rien à voir avec de l'indifférence: "Cela fait quarante ans que je me baigne ici, et je ne vois pas pourquoi ça s'arrêterait, justifie ce retraité bien campé sur ses galets, au milieu d'un groupe d'amis où se trouve l'italienne Nevina. "Le camion m'est passé à trois mètres, dit-elle, c'est juste la chance si je ne suis pas passée sous les roues. Alors je me baigne."
Pythou est le plus vieil employé de Neptune Plage. "J'ai connu les camps de réfugiés au Cambodge, dit-il, et j'en suis sorti très endurci. Mais ce que j'ai vu le soir du 14 juillet à Nice m'a tiré des larmes. Des enfants écrasés, des blessures affreuses. Pour moi, remettre mes 300 matelas sur la plage, c'est un peu une preuve de courage. C'est un acte civique de venir se baigner ici." Et ici, c'est la plage du Negresco, le palace niçois. Les souvenirs du 14 juillet débordent: "On a entendu un grondement sur la toiture du bar, une avalanche de personnes qui sautaient du parapet pour échapper au camion."
Patricia, la directrice du Neptune, raconte qu'elle avait organisé une soirée dans son restaurant de plage. Soudain, après le feu d'artifice, le public déferle en masse sur la plage, se réfugie dans la vaste salle, où sont étendus blessés, femme enceinte tétanisée, fillettes chinoises terrorisées. "On entendait des coups de feu sans savoir qui tirait, on s'attendait à être la cible de tirs de kalachnikov. Et vers 4 heures du matin, le désert. La promenade, les corps, l'armée. Nous avions eu peur d'un attentat pendant l'Euro de football mais le 14 juillet nous étions confiants, rien n'allait arriver, pensions-nous." 
Et ces mêmes histoires qui reviennent, d'enfants sauvés parce qu'ils voulaient acheter des bonbons, s'écartant de la trajectoire.


C'est un jeune couple, parmi ceux qui errent dans les rues de Nice, et vont déposer une rose, un bouquet là où ils ont vu des personnes tomber. Ils étaient venus à Nice passer une semaine, "Au Negresco, affirme Olivier, jouant les riches touristes, avant de corriger: Non, je plaisante, une petite chambre louée, juste derrière."
Ils reviennent confronter les images d'horreur au bleu de la mer. Vérifier la réalité de l'événement sur le bitume du boulevard de la mort. Ils refont lentement le chemin, marchent là où ils ont couru, se mettant à l'abri du 19 tonnes lancé à 90 km/h: "On s'est rangés derrière les porte-vélos, juste après les halles, là où le camion a traversé la chaussée, zigzaguant pour chercher ses victimes. On a couru dans les galets, j'ai dit à Anne: couche-toi", se souvient Olivier. 
"On aurait tellement aimé porter secours, dit-elle, navrée, mais on a juste réussi à sauver notre peau. Et depuis, on n'arrête pas de se retourner au moindre bruit." Eux aussi continuent de croire à la couleur de l'océan, sur cette promenade des sanglots qui dresse ses parasols. Tous frôlés par la mort, un soir de feu d'artifice. "Le lendemain, confie la jeune Lorientaise, je n'avais pas trop envie du plaisir de la baignade. Mais je me suis baignée quand même avec Olivier. Par nécessité. Parce qu'il faut prendre soin de soi, et ne pas céder à la peur."

Daniel Morvan, le 16 juillet 2016 à Nice (reportage relu et mis à jour le 8 août)

mardi 12 juillet 2016

Ennio Morricone, portrait du musicien en chien de prairie


Extérieur jour, un taxi traversant Rome.
L’homme est sujet aux éruptions brutales. La gaffe peut vous valoir la roche tarpéienne: « Lorsque vous vous adressez à Ennio Morricone, précise la feuille de route de la production à l’intention des journalistes, il convient de l’appeler Maestro. Ne surtout pas utiliser l'expression Spaghetti Western. »
Sur la route vers le centre de Rome, le chauffeur du taxi nomme les beautés de sa ville: le Capitole, la gorgone appelée « la bouche de la vérité », la piazza Navona, le rue des Boutiques Obscures, « la machine à écrire », comme les romains appellent le monument à Victor-Emmanuel II. Sur lequel donnent les fenêtres du Stakhanov italien de la clef de sol.
500 musiques de films au compteur: Il était une fois dans l’ouest, Le Bon, la brute et le truand,  Pour une poignée de dollars, L’Oiseau au plumage de cristal, Mission, Cinéma Paradiso, Here’s to you (thème de Sacco et Vanzetti) ou Il était une fois en Amérique.

Mais six seulement avec Leone. Les autres vont d’Almodóvar à Zeffirelli en passant par Pasolini, Molinaro, Brian de Palma, Giuseppe Tornatore, et même les séries Z d’épouvante. Ces tubes forment une partie du concert de sa tournée européenne, manière d’adieu au western de nos enfances. Au pupitre, l’homme que nous rencontrons dans un instant: bon, brute ou truand?

Intérieur jour: antichambre d’un luxueux appartement de la piazza Venezia.
Derrière cette porte capitonnée d’or, le maestro nous reçoit. Rien, sur les murs, n’évoque le cinéma. Céramiques de Picasso (des gorgones), tapisserie de l’Enlèvement des Sabines (le western des origines de Rome). Un décorum de patricien. Et le voici, glissant sur le tapis: pas de tic nerveux, pas de baguette brisée. Visage de vieux seigneur, à la Visconti.
C’est avec quelques centaines de partitions qu’on fait un maestro et ce rentier romain n’échappe pas à la règle: « Quand j’étudiais la trompette, jamais je n’aurais imaginé gagner ma vie en composant des musiques de western. J’étais comme un avocat: c’est le client qui décide de quoi vous êtes spécialiste. Et dans mon cas, le cinéma m’a sacré compositeur de musiques de films. »  Un genre qui lui a bien réussi. Parce qu’il a su trouver le passage secret entre la pop et la symphonie. Il a le génie des sons qui accrochent, des gimmicks grotesques, ces bruits de crotales, ces flûtes plaintives dans la nuit, ces guitares sarcastiques, sifflements, claquements de fouets. Et ces chœurs qui donnent le frisson, lorsque Claudia Cardinale va donner à boire aux ouvriers du rail.
Comment ne pas prononcer le nom de Sergio Leone, son alter ego, son jumeau de cinéma? « J’ai parlé de Sergio toute ma vie, vous savez. Sa mort fut une perte terrible, j’essaie de ne pas trop y penser. Il a souffert que son génie soit associé au western, genre si peu italien. Il était considéré comme un réalisateur de série B et n’a jamais reçu un seul prix en Italie. »


Pour Sergio, son ami d’enfance, Ennio écrit des partitions aussi fortes que ses films. Des musiques saisissantes que Sergio diffusait pendant le tournage des scènes. Des gros plans émotionnels qui donnent des idées au cinéma. « Je ne change jamais une note, mais le montage gagne à suivre la musique. Elle peut suggérer des pistes au spectateur. » Leone l’appelait d’ailleurs « mon meilleur scénariste ». Dans Il était une fois dans l’ouest: l’harmonica est le leitmotiv du film et le nom de son personnage principal (Charles Bronson). Le scénario est signé des quatre fines gâchettes: Dario Argento, Bernardo Bertolucci, Sergio Donati, Sergio Leone.

Intérieur nuit. Gros plan: Ennio aboie
La nuit tombe sur la piazza Venezia. Soudain, comme l’artichaut braisé qu’on sert dans le vieux ghetto voisin, les murs ornés de l’appartement semblent s’ouvrir sur l’Amérique rêvée par Rome. Quittant le ton de la conversation, Ennio Morricone nous offre un exemple de sa méthode de composition. L’octogénaire laisse échapper un cri de coyotte: c’est le thème du Bon, la brute et le truand.
Le maestro se lâche, psalmodiant le cri des chiens de prairie. Alors que les artistes du monde entier viennent toujours à Rome puiser aux sources de l’art, il est allé chercher ses idées dans des espaces étranges, des aboiements sauvages puisés aux tréfonds de son imagination. « Parfois, j’ai eu des fulgurations. L’idée du coyotte est de celles-là: c’est à la fois un son réaliste, qui appartient à l’Ouest américain, et elle a aussi une signification symbolique. »


Extérieur nuit, taxi. La  bouche de la vérité
Demeure ce mystère: pourquoi, à 86 ans, remonter sur scène? Ennio Morricone est le seul compositeur à avoir reçu un oscar de cinéma. La fortune et les lauriers sont sur sa tête. Pourquoi revenir avec 170 musiciens et choristes, plus une soprano (Susanna Rigacci)? Dans le taxi de retour, nous passons à nouveau devant la Bocca della Verità, supposée dévorer la main des menteurs. Le maestro y mettrait-il la sienne? Quel est le secret?
L’instrument d’un chef est son orchestre. Comment en jouer, sinon devant un public? Un pur désir d’orchestre. Une envie de musique qui sonne en nous, aussi nostalgique qu’un air d’harmonica.

Daniel MORVAN.

vendredi 8 juillet 2016

Sept façons de faire le Voyage à Nantes


Vive le Van, vive le Van… Tout l’été, le Voyage à Nantes propose des surprises le long de son nouveau parcours 2016 dans le centre-ville de la Cité des ducs. D’une cabine aquarium à un mobile géant, laissez-vous guider en suivant la ligne verte dessinée au sol.

En flâneur
54 œuvres sur 20 km de parcours fléché par une ligne verte ! Deux mois de découvertes surréalistes au coin de la rue, d’exposition étonnantes et de ville bouleversée… Le long d’une ligne verte marquée au sol, pas moins de 650 000 touristes (c’est le chiffre espéré par Le Voyage à Nantes) vont déambuler tout l’été. Simple piéton, vos pas s’étonneront en traversant le « boulevard tordu », appelé « traverses » par Aurélien Bory. Un boulevard tout en courbes pour une flânerie apaisée, qui vous conduit vers le tunnel de palissade du collectif Vecteur : une sorte d’oscillateur où vous vous engagez dans une autre dimension, si vous le sentez !





En marinVous chérissez la mer, toujours recommencée ? Courez au hangar à bananes, quai des Antilles. La Hab Galerie accueille « La Mer Allée avec le Soleil », un montage du Corse Ange Leccia. À la fois ode maritime et chant de l’adolescence, cette vidéo XXL mêle pop music et images pour évoquer la splendeur du monde. Sublime. Autre évocation maritime, Léviathan et ses fantômes, documentaire immersif tourné dans les eaux de Moby Dick, sur un chalutier de Halifax (Lieu unique). L’eau se retrouve dans la cabine téléphonique transformée en aquarium de rue exotique (passage Sainte-Croix). Autre ambiance balnéaire, à Mauves-sur-Loire, dont l’ancienne plage verte retrouve des airs de station du siècle dernier.






En amateur de mystère
L’inconnu me dévore : Cette phrase est inscrite, en breton ancien, sur la tour du Palais Dobrée. Cette phrase mystérieuse inspira un livre au poète Xavier Grall… Elle sert de titre à une expo qui mêle les objets de trois musées, dans une ambiance de cabinet de curiosités. L’artiste nommé Le Gentil Garçon a même imaginé une chambre secrète. Plus loin, au théâtre Graslin, les statues de Molière et Corneille s’ennuient et chuchotent : « Psst, raconte-moi une blague, fais-moi rire ! » Autre façon de rire des hommes statufiés : à la galerie l’Atelier, les tableaux loufoques de l’Islandais Erró consacrés aux voyages imaginaires de Mao.






En esthète
Le cours Cambronne est une promenade très chic, entre les façades d’hôtels particuliers. Dans cet univers à part, Pierre-Alexandre Remy inscrit la fluidité d’une spirale aux articulations en bleu de Sèvres. Un peu de fantaisie introduite en douceur entre les feuillages cubiques et les façades impassibles. Esthète, mais pas au point de snober la cantine du voyage, incontournable avec ses 300 couverts, son bar, ses baby-foots et son terrain de pétanque.





En citoyen du monde
Vous ne ratez pas l’exposition de street art Grafikama, volet Afrique de ce Voyage. Rue des Pénitentes, Pick up a livré une maison aux bombes colorées de 12 artistes de cinq pays africains ou inspirés par l’Afrique. Au rez-de-chaussée, une salle de projection retrace le périple de Kazy, passé par l’Éthiopie, le Sénégal, le Cap Vert et le Maroc.


Citoyen du monde, le mobile de la place du Bouffay vous fera lever le nez : un gigantesque mobile fait de pétales de containers, suspendu à une grue ! Cette œuvre greffée au chantier estival du tramway rend hommage à la poésie de l’acier, et à Calder, l’artiste américain célèbre pour ses assemblages de formes animées par les mouvements de l’air. L’un de ses mobiles est visible à Saché (le château de Balzac) en Indre-et-Loire, pas si loin de Nantes: 150 km.






En naturaliste
Vous êtes bien en centre-ville de Nantes, mais le végétal prend ses aises dans le potager de La Cantine du Voyage. histoire de nous rappeler que Nantes est le premier producteur maraîcher de France. Dans le magnifique platane du square de la Psalette, les chants d’oiseaux de latitudes lointaines se font entendre (chants de Sturnelle de l’Ouest, Sturnella neglecta). Au Jardin des plantes, Claude Ponti a créé un « Jardin Kadupo » : Une ribambelle de pots prennent vie autour du poussin endormi dans l’orangerie du jardin. Très fréquenté !

En sportif
Des tables de ping-pong en puzzle ou en looping ! Avec le Skate ô drome, le Ping-pong park est le nouveau lieu des playgrounds du Van. Sur une table en forme de coquillage, de looping ou de puzzle, les visiteurs sont invités à se défouler, raquette à la main, quai François-Mitterrand. Vous avez aussi l’arbre à basket, en usage libre, et les trampolines cratères où l’on peut jouer à marcher sur la lune, à la lumière d’un clair de terre…

Ce soir, l'araignée Kumo dîne en ville


Je suis l’araignée Kumo, 20 mètres d’envergure les pattes dépliées. Je viens promener mes 35 tonnes dans les rues de Nantes…


Agrandie mille fois



Je suis Kumo, une araignée née en 2009 à Nantes. Vous croyez me haïr et vous allez m’aimer. Votre cœur va battre pour moi, le mastodonte dont vous rêverez bientôt, que vous embrasserez peut-être en songe. Pourtant, je n’ai ni regard véritable ni bouche digne de ce nom, mais les ballerines jalousent mes huit pattes grêles et les fauves, mes mandibules.
Je suis la fille de François Delarozière, ce bipède. Je pense qu’en me créant, c’est cette chimère qu’il poursuivait : m’agrandir mille fois. Et agrandir ses peurs. Un fantasme semblable animait déjà Jonathan Swift, auteur des Voyages de Gulliver. On dit que les rêves d’agrandissement viennent des crises, pendant lesquelles les fortunes enflent ou diminuent sans contrôle. Je suis la fille d’un rêve de croissance sans fin. On m’appelle The Princess à Liverpool, où je suis allée parader. Les Japonais me nomment Kumo-ni, l’araignée, d’où mon nom usuel, Kumo.

Appelez-moi comme vous voulez, je suis si peu de votre monde. Vous terriens, vous êtes des créatures ancrées. Vous vous élevez lourdement du sol. Moi, sans effort, je vous survole, je vous enroule dans un fourreau de soie, je vous chasse à courre ou à l’affût. Je suis fille de l’air, de l’eau et de la terre. Admirez-moi tant que vous pouvez, faites des réserves de féerie, car nous nous retrouverons. Et vous serez mes rouleaux de printemps.



Seize Lilliputiens manipulateurs


Accrochez-vous à des données, des chiffres, si cela vous rassure : admirez mes 13 mètres de haut, déployée. Mon envergure de 20 m. Mes quatre paires de pattes animées par huit manipulateurs, assis sur des sièges spartiates. Admirez les seize Lilliputiens qui s’activent à me donner vie : un conducteur pour le roulage, un autre pour régler l’assiette, un autre spécialisé dans ma tête et mes yeux opaques, deux autres pour l’abdomen, la bave, le venin, la soie.
Hors de mon corps, un bipède guide les manipulateurs et toute cette valetaille obéit à un directeur de manœuvre au sol, qui règle toute la dramaturgie : il est mon âme. Ce major Tom donne ses ordres par liaison radio intercom. Ça crachote dur dans le casque. Ce n’est pas du chant grégorien, mais l’effet est le même : chair de poule et frissons. Car vous avez au moins ça, minuscules humains : l’émotion.


Ma tripaille hydraulique


Fredette Lampre, mère poule de la compagnie La Machine, adore la tripaille de buses hydrauliques connectées à des joysticks. Pour rassurer, elle dit que je suis une princesse lunaire en déplacement, une reine de la nuit en tournée mondiale.
Les mécanos qui me démontent et me remontent rigolent de mon côté Soyouz, cette capsule spatiale soviétique. N’empêche que bouger huit pattes de 800 kg chacune, ça ne se fait pas au sang de navet. Je marche aux fluides hydrauliques et à la sueur des hommes.
Marrez-vous, bipèdes : tout à l’heure, vous ferez des selfies avec moi. Vous chercherez à lire dans mes yeux. Vous trouverez du mystère dans mon cœur diesel. Vous vous direz : c’est peut-être elle la mère de toutes nos colères, de nos défilés en ville, de nos frontières bravées, cette Kumo qui n’a même pas de regard. Avec ses yeux en sonnette de vélo, Kumo voit plus loin que les hommes fatigués. Si vous montiez sur ma carapace, pour voir l’avenir ? »


Daniel MORVAN.
L'autre araignée de La Machine




lundi 4 juillet 2016

45 salles, 1,3 million de spectateurs dans l'agglo nantaise

Avec 45 lieux de spectacles, Nantes constitue une exception culturelle dans le réseau culturel français. Avec Marcel Freydefont, nous avions en 2015 tenté d'estimer la fréquentation totale annuelle dans l'agglomération, faisant ainsi pièce à une rumeur de déclin répandue par des "culture-haters" poujadistes décidés à mettre à mal le statut d'intermittent et à sabrer les spectacles politiquement incorrects... Aucun doute, l'économie culturelle fonctionne bien à Nantes, même si les petites compagnies théâtrales souffrent.


Alors que plusieurs dizaines d'artistes français lancent un appel au gouvernement pour le maintien du réseau culturel en France, la tendance nantaise n'est pas à l'effritement. Côté divertissement grand public, le Zénith de Nantes explose tous ses compteurs depuis son ouverture, avec un millésime record. Mais ce n'est qu'une partie du phénomène.
L'agglomération présente une constellation de 45 lieux de spectacles qui ne connaissent, pour la plupart, aucun problème de fréquentation: les taux de remplissage en témoignent (88% au Grand T, 90 % à Lu). Le total des entrées dans l'agglomération, des 145 000 billets de la Folle journée aux 34 000 de la Compagnie du café théâtre, est supérieur au million. On estime même à 1,3 million le nombre de places vendues en 2014.


Cultures plurielles



La diversité fonde une sorte d'« exception culturelle nantaise ». Le nouvel adjoint à la culture de Nantes en fait son credo. L'adjoint David Martineau aime à citer le bouquet des propositions nantaises: Lieu unique et ses multiples activités et festivals, Scopitone et Stereolux, Culture bar-bars, Opéra, Royal de Luxe, Hab galerie, théâtres de proximité, Grand T, Tissé Métisse, Utopiales, festival des Trois continents et autres festivals de cinéma, La Folle journée, Hip hop session, musée des Beaux-arts rénové qui rouvre en 2017... «Autant de lieux et d'évènements emblématiques de la diversité de l'offre culturelle nantaise. À Nantes, la culture se met au pluriel avec un S et c'est tant mieux. »
La vieille tendance poujadomédiatique à opposer populaire et élitiste, Zénith et Lieu unique, est-elle fondée? « On peut être spectateur du Zénith, expliquait naguère l'architecte Patrick Bouchain, et apprécier par ailleurs du théâtre contemporain. Il ne faut pas découper le public en tranches. »
L'insolente santé de la vie artistique va dans ce sens. Elle fait à la fois preuve de la singularité la plus exigeante (Phia Ménard, compagnie nantaise à rayonnement international, qui défend une culture trans sans rien céder de ses exigences) et de propositions grand public de qualité populaire, dont Christine & The Queens, Madeon, après Dominique A et Jeanne Cherhal, sont les récentes illustrations.
Daniel Morvan

Nantes? 1,3 million de spectateurs!

Entretien avec Marcel Freydefont, directeur scientifique du département scénographie à l'École nationale supérieure d'architecture.

Nantes n'est pas une ville de théâtre. Mais est-elle une ville de spectacle ?
Il est vrai qu'en 1950, Nantes est passée à côté de la décentralisation théâtrale et a manqué le coche. Angers a accueilli le Centre dramatique national de région. Mais Nantes n'a pas manqué le spectacle vivant. Il dépasse le million de spectateurs. Et, si l'on compte le public des festivals comme la Folle journée et Scopitone, le chiffre de 1,3 million est parfaitement plausible.



En l'absence de Centre dramatique national, c'est le réseau culturel de la métropole qui explique ce succès ?
Nantes est de ce point de vue une ville atypique. Elle constitue une constellation de salles, qui est singulière au regard du paysage français. Les équipements ont développé entre eux une politique de coopération exceptionnelle. Plus que jamais, dans la période où les réseaux sociaux donnent le sentiment de pouvoir être partout, le théâtre porte l'idée du lieu, de la sociabilité et de l'urbanité.
Le centre de vie du Lieu unique est devenu un modèle international qu'on vient observer et qu'on nous envie. L'idée du théâtre comme clef de voûte de la forme urbaine, à l'époque des Lumières, s'est perpétuée dans cette « constellation » de salles.



Mais Nantes est-elle un vivier d'artistes ?
Il existe une forte « signature artistique nantaise ». À commencer par la compagnie Non Nova de Phia Ménard et Royal de Luxe. Et tout un terreau de compagnies locales comme la Fidèle idée, le Théâtre du loup, Banquet d'avril, nourries par la classe d'art dramatique du Conservatoire, capable de faire s'épanouir des talents comme India Hair.