L'actrice nantaise irradie ' Merci pour le chocolat '
QUOTIDIEN OUEST-FRANCE
mardi 31 octobre 2000
847 mots
Daniel MORVAN
Remarquée au théâtre dans ' L'éveil du printemps ', l'actrice nantaise Anna Mouglalis partage la vedette du 48e film de Claude Chabrol avec Isabelle Huppert et Jacques Dutronc. La comédienne de 22 ans, choisie par Chabrol pour son visage magnétique et mystérieux, rencontrait le public hier soir au Katorza.
Est-ce que votre présence à l'affiche du dernier Chabrol a changé le regard de vos proches ? Ma mère m'a dit : alors, tu peux être dure comme ça avec les gens ? Toutes les personnes qui me connaissent sont troublées par ça dans leur lecture du film. Comment le casting avec Chabrol s'est-il passé ? J'ai une agence, ' Inter-talents ', qui m'a envoyée sur le casting. J'ai rencontré Cécile Maistres, la belle-fille de Chabrol. Elle m'a donné un texte à apprendre et j'ai ensuite fait des essais avec Rudolphe Pauly (qui joue le fils du pianiste). J'ai ensuite rencontré Claude Chabrol, qui m'a dit : ' mademoiselle, j'ai été ravi de vous rencontrer '. J'ai fait la grimace parce que j'étais sûre d'être écartée. Il m'a rappelée le soir même. Il n'y a pas eu de répétition, j'ai été plongée tout de suite dans le tournage. Et c'est ainsi que vous faites votre entrée, en jupette de tennis... J'étais horriblement gênée avec cette jupe plissée, je ne sais pas pourquoi il fallait la porter, je suppose que ça sert les fantasmes des messieurs, non ? La première scène tournée est celle où j'observe Jacques Dutronc à travers une vitre. Un tournage avec Chabrol, c'est comment ? Il accorde une confiance énorme aux acteurs et n'apporte que quelques indications. Finalement, tout est conditionné, il donne au tournage une ambiance familiale. On ne se lève pas trop tôt, on mange super-bien. Et la Suisse, c'est très calme. Dès que j'avais des appréhensions sur une scène, Chabrol m'a toujours suivi dans le rire. Vos relations avec Isabelle Huppert et Jacques Dutronc ? Ils étaient dans un palace, on ne se voyait pas trop en dehors, mais ils m'ont bien accueillie. Cela facilite le jeu de ne pas lire de l'appréhension dans le regard de ses partenaires. Pour vous, être actrice, c'était une vocation ? J'ai été élève en seconde A 3, la classe cinéma du lycée Guist'hau, avec Philippe Jalladeau comme professeur. Mais je ne pensais pas que je ' ferais ' l'actrice. Je suis ensuite allée à Paris, en hypokhâgne à Jules-Ferry. Des pièces de théâtre m'ont déterminée dans cette voie, comme ' L'Ecclésiaste ' de Claude Régy. Tous les spectacles de la Chamaille, à Nantes, m'ont aussi marquée. Pourquoi Chabrol vous a-t-il choisie ? Parce que, dit-il, j'ai ' l'oeil musical '. Un regard un peu opaque qui laisse penser que je suis dans un monde intérieur. Je n'ai fait qu'un an de piano, mais pour le film, il m'a fallu apprendre la partition par coeur. J'ai travaillé un mois sur l'Allegro Barbaro de Bartok, j'en avais des crampes ! Quels sont vos projets ? Je vais sans doute travailler sur le prochain Chabrol. Je termine ma troisième année de Conservatoire et je dois jouer dans un spectacle autour de Pasolini, avec Catherine Marnas. Quand avez-vous fait vos premiers pas sur scène ? Quand je suis entrée au Conservatoire, un membre du jury m'a recrutée pour ' L'éveil du printemps ' de Franz Wedekind. Une année entière pour me former. J'ai pu approfondir mon approche du métier d'actrice, travailler sur cette idée que je ne veux pas me figer à l'intérieur d'un seul personnage. J'ai travaillé sur le problème de l'incarnation. Vous avez le trac ? Je suis assez traqueuse, et quand je ne l'aurai plus, j'arrêterai ce métier. Cette peur me submerge, elle me vide la tête mais quand je la surmonte, elle me donne une force monstrueuse. Vous aimeriez être qui ? Andromaque. La tragédie n'existe que si règne au préalable la possibilité du bonheur absolu. Ce serait un amour si merveilleux, s'il n'y avait pas la guerre de Troie ! La tragédie est un peu partout dans la vie. Aujourd'hui, dans les conservatoires, Andromaque est trop jouée façon sitcom. Alors que dans la tragédie, quand on dit ' je t'aime ', si l'autre dit ' non ', c'est la mort. Mais pourquoi êtes-vous partie à Paris, si vous ne vouliez pas spécialement être actrice ? Bon, je vous le dis : j'étais très amoureuse d'un garçon qui partait faire la Femis, je l'ai suivi. Je suis persuadée qu'il deviendra un grand ingénieur du son. Le problème de l'incarnation, c'est quoi ? Il faut demander au Christ. Daniel MORVAN.
La nantaise Anna Mouglalis termine sa troisième année de Conservatoire. Elle illumine le dernier film de Claude Chabrol.
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