dimanche 9 avril 2017

Max Jacob : vrai ou faux?

QUOTIDIEN OUEST-FRANCE
samedi 16 avril 1994
Cinquantenaire Max Jacob/ DM 815 mots

Max Jacob est né dans une famille de petits commerçants

Faux. Son grand-père Samuel Alexandre émigre en France pour fuir les pogroms allemands. Les Alexandre s'associent à leurs cousins Jacob, et en prennent le nom. Lorsque Max Jacob naît le 12 juillet 1876, les Jacob sont les plus grands tailleurs de Quimper, et reçoivent les notables. « Quand une reine venait à Quimper, raconte Hélène Henry, et il en venait, elle achetait des cartes postales chez les Villard et des dentelles chez les Jacob. »

L'accès de la cathédrale de Quimper était interdit aux Jacob

Vrai. Les Jacob sont la seule famille juive de Quimper - on les dit « juifs glaziks ». Ils sont laïcs. Depuis sa chambre du 8, rue du Parc, Max dispose d'une vue imprenable sur les flèches. Hélène Henry, sa biographe: « Max adore la cathédrale, les processions, les fêtes Dieu. L'accès à la cathédrale lui est interdit. Il ne supporte pas cette idée d'exclusion. » 

A la suite d'une vision christique en 1909, il se convertira au christianisme. Il se réfugie à Saint-Benoît-sur-Loire pour vivre sa religion. « Les paroissiens se pressaient derrière les piliers pour voir l'illumination de son visage au moment de la communion. »

Max Jacob était dépendant de drogues

Oui, Max Jacob a connu une période éthéromane, à Paris de 1908 à 1912, son époque de vache enragée. A l'époque, certains sceptiques ont attribué ses visions mystiques à cette intoxication. « Cela n'avait rien à voir avec l'usage des drogues opiacées dont on pouvait faire alors usage, comme Modigliani. »

Max Jacob ignorait la culture populaire

Faux. On connaît la solidité de sa culture classique, qui s'appuie sur l'enseignement dispensé au lycée La Tour d'Auvergne, où il lit Rabelais, Voltaire, Rousseau et surtout Pascal. Max parle allemand, pratique Goethe, Hoffmann et Heine, lui aussi Juif réfugié en France. Un seul domaine est interdit, celui du roman (Flaubert et Zola sont proscrits). La culture bretonne, Max y accède par les brodeurs qui travaillent dans l'atelier de son grand-père. « Ils brodent les habits d'académiciens et les gilets paysans, et chantent en breton toute la journée. Max se fait traduire ces chansons. » Il dévore les livres d'Anatole le Braz, Luzel, La Villemarqué. Cela se retrouve dans les « Poèmes de Morven le gaélique».

Max a couvert sa ville natale de gloire

Vrai. Avec les Bolloré et les Villard, Max se dispute les prix au lycée. En 1894, il est le premier élève de ce nouveau lycée à être proposé au concours général de philosophie. Il remporte un prestigieux accessit, qui lui est remis au cours d'une cérémonie triomphale à Quimper. « Le nom de M. Jacob est longuement acclamé» écrit la presse.

Quimper est au centre de son oeuvre

Oui. Il écrit : « J'ai retrouvé Quimper et je n'ai pas retrouvé mes larmes. » Mais Quimper restera toujours la ville de sa vie. Il parle de son «adoration pour Quimper», et son émotion est telle qu'il pleure devant les arbres du Frugy, devant un coucher de soleil au champ de foire. « La Bretagne fait fonction de souffleur dans l'expérience du poète, disait Georges Perros, qui prévenait aussi : Ne faisons pas de tourisme avec Max Jacob. » N'oublions pas qu'une bonne partie de l'oeuvre de Max Jacob s'écrit à Quimper, au cours de ses différents séjours où il vit « le nuage de feu » : la « trilogie de Matorel », « La côte», certains poèmes des livres essentiels, « Le cornet à dés » et « Laboratoire central ».

Max Jacob a inventé le surréalisme.

Il en est un précurseur. Les surréalistes ont reconnu leur dette à son égard, via «Le cornet à dés ». Dans une conférence à l'exposition universelle de 1938, Max Jacob raconte comment, avec ses frères et soeur, il se livre au jeu des « rêves inventés » : ils se racontaient les rêves de la nuit, et celui dont les rêves sentaient l'invention devait payer un gage : cela tombait souvent sur Max. La poésie comme rêve inventé, définition du surréalisme, de la poésie. 

Daniel Morvan

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire