Après Jeanne Cherhal, Klaktonclown creuse la ruralité musicale depuis belle mirette. Le groupe manifeste la vitalité musicale de la région nantaise, dans la catégorie chanson revisitée, dans un flash back vers la musique de rue. Pour eux, tout a commencé dans un Blain chaud.
' Nous sommes le groupe Klaktonclown, groupe de chanson française originaire de la région nantaise. ' Pas de raisons de rouler les mécaniques : lorsqu'on se présente dans un tremplin musical, avec des musiciens qui peuvent être des voisins, des potes, des frères même, mais jamais des concurrents, rien n'est plus naturel que l'envie de montrer ce qu'on sait faire.
"Le Tremplin des Jeunes Charrues, c'était important pour nous, mais surtout parce qu'on n'avait pas joué depuis longtemps à Blain, et que Régis, Rachel et moi, on est du coin, explique Samuel, pianiste de Klaktonclown. Nous allions jouer devant les copains d'enfance, la famille, mais pas dans l'esprit de gagner. D'ailleurs, nous étions presque sûrs que Karré Magic allait remporter le tremplin. Nous les avions entendus avec un saxophoniste, c'était réellement impressionnant. Il y avait aussi Car Crash, un groupe hardcore qui joue tout à fond, c'est des Mousquetaires du rock. Et c'est mon frère le batteur. "
Inflorescence Nozay
Klaktonclown ne carbure pas à l'arrivisme. Ils n'ont rien de godelureaux prétentieux, mais rayonnent de générosité spontanée, nourrie par l'intense vie associative du pays de Nozay, et dont le groupe serait l'inflorescence, l'émanation surprenante.
Ce soir de mars 2001 à Blain, loin de l'opulence métropolitaine de Nantes, les rockeurs mouillaient leur chemise. les Vontnuspieds, les Celdones, Car Crash avaient déjà asséné des sets radicaux. Tout semblait dit, et les jeux déjà faits.
Pourtant, lorsqu'elle s'est pointée, femme accordéon à peine visible derrière sa boîte à frisson, chaussée d'énormes pompes de fille des rues, quelque chose de plus s'est passé sur scène. Frisson immédiat, charisme sans ombre, allez donc savoir ce qui, au-delà des critères objectifs de présence, de musicalité, de conviction, vous scotche 700 personnes en même temps dans une salle municipale de l'autre bout du département.
A vrai dire, on le sait très bien: cet aérolithe porte un nom, Rachel Langlais. Comme ailleurs cela peut aussi se prononcer Jeanne Cherhal, puisque Cherhal et Rachel, c'est tout comme, au son comme au sens. Une sorte de verlan enchanté réunit les deux copines par une anagramme. Haute comme trois clochardes, avec une bouille d'Irlandaise et une voix rive gauche, elle vous balance ses perles à rebours, ses chants magnétiques, et vous êtes fait.
Régis et Rachel
Ce soir-là, les membres du jury des Jeunes Charrues ont cessé d'écrire sur leurs petites tablettes. Plus la peine. Klaktonclown irait au tremplin final de mai, à Carhaix, pour gagner sa sélection au plus grand festival de France. En laissant exactement la même sensation qu'à Blain et Rezé, où le groupe avait opéré sa première percée urbaine, pour le festival Premières scènes de la Barakason. Terreau associatif A la base, Klaktonclown, c'est Régis et Rachel Langlais (respectivement guitare, chant, compositions et chant, accordéon) et Samuel Sanz-Aparicio.
Leurs premières apparitions (après la formation du groupe en 1997) : une scène à Blain en première partie des Little Rabbits, la dernière édition du Champ de Rock en 1999, un disque compilation, SOS Paysans. Le tremplin du Champ du rock? On y avait écarquillé les yeux pendant dix ans en tant que spectateurs, raconte Régis, je faisais même partie du service d'ordre. Alors, monter sur scène !
Ce qui va aider le groupe à grandir, c'est le terreau associatif de Blain. On y organise par exemple le festival ' Graines d'automne ' (association Campagn'art), quinze jours d'animations tous azimuts, avec un volet ' Jazz à la ferme ' à la Grignonnais, en partenariat avec l'ami François-Xavier Ruan, qui est né dans le pays et creuse les nouvelles ruralités depuis de belles lurettes.
Un joli bouillon de culture où s'épanouit le collectif d'artistes ' Aspho'morana ' dont font partie Klaktonclown, la compagnie Bulles de Zinc (théâtre de rue), les artistes Djé (photo), Gros Mic (dessin) Lolo et Guill'om (contes). Grâce au soutien de la Barakason de Rezé, Klaktonclown va enregistrer deux titres en studio, dans des conditions professionnelles. Nous avons pu analyser minutieusement notre musique, explique Samuel, apprendre la rigueur, épurer le son, faire la chasse à la grosse cavalerie. Nous avons aussi travaillé sur la scène, les lumières, et tout ce travail nous a donné confiance.
Le groupe va engager un batteur, envisager une ' démo ' six titres financée par Espho-morana et Campagn'art, qui sera enregistrée par Al Magister à la Chapelle-Heulin. Nous ne voulions pas tenter l'album douze titres, parce que nous étions en train d'apprendre en enregistrant. Nous avons investi beaucoup d'énergie là-dedans.
Là-dedans, c'est un résumé de la musique de Klaktonclown : convictions politiques qui les rapprochent du rock alternatif anti-mondialisation, jeux sonores entre Balkans et centre-Bretagne, new musette et java rock, cabaret à ciel ouvert, lyrisme intense contenu dans leur chanson-étendard, Londres, sublime chant d'amour qui transforme les salles en ciel inversé constellé d'étoiles.
Et puis Klaktonclown, c'est claque ton clown.
Bouge-toi, ne rêve pas ta vie, fais-la.
Je n'aime pas du tout le côté artiste dans sa bulle ' confie Régis, avec son pied dans le plâtre.
Le bocal, ils l'ont bien cassé, et ça fera du bruit chez les schtroumpfs, de Landerneau à Carhaix-Plouguer.
Daniel MORVAN.
Ouest-France, 7 juin 2001